Un musée en devenir
Le musée de la Langue italienne donne au visiteur l’occasion d’effectuer un voyage insolite, linguistique et pédagogique. Le bâtiment qui l’abrite comporte trois niveaux, dont chacun correspond à une période chronologique (le plan en coupe ci-dessous, à gauche). Le premier est consacré à l’Antiquité, le second à l’italien moderne, le dernier à la langue contemporaine (ci-dessous, à droite).
Dans ses 15 salles, il est possible de découvrir une soixantaine ʺd’objets-icônes”, qui appartiennent aussi bien à l’histoire (pièces de monnaie, sculptures, affiches, peintures, livres ou cartes), qu’à la vie quotidienne (un téléphone, deux scooters Piaggio de 1978, un canapé, un disque 45 tours, une calèche ou un ballon de football). Chaque artéfact présenté est assorti d’une notice explicative sur le mot qui le désigne, précisant son étymologie, son histoire linguistique, son évolution phonétique, lexicale et syntaxique.
L’italien contemporain résulte d’un long processus d’évolution qui, partant d’une mosaïque de parlers régionaux issus du latin, aboutit au XIVe siècle à l’avènement d’une langue littéraire, magnifiée par trois grands écrivains : DANTE, PÉTRARQUE et BOCCACE. Dès lors, la Toscane, et plus particulièrement Florence où, depuis 1583, siège la CRUSCA, la plus ancienne académie de langue d’Europe, devient le foyer d’où émergera l’italien “moderneʺ. Au cours du XIXe siècle, c’est cet idiome qui sera choisi par le nouvel État unifié comme langue nationale officielle.
Le musée de la Langue italienne
Mais où peut donc se trouver ce singulier musée ? Jusqu’à récemment, la réponse était “nulle part” ou plutôt dans la seule imagination d’un nommé Giuseppe ANTONELLI. Linguiste et professeur à l’université de Cassino, ce dernier collabore à plusieurs journaux, participe à des émissions de télévision et de radio, et se trouve être par ailleurs l’auteur de plusieurs essais, dont Un italiano vero, la lingua in cui viviamo (Le Véritable Italien, la langue dans laquelle nous vivons). C’est dans un livre publié en octobre 2018, intitulé Il Museo della Lingua Italiana (ci-dessous, la couverture) – Le musée de la Langue italienne en version française -, qu’il décrit en détail cette exposition fictive.
Au total dans le monde, une soixantaine de langues – aussi bien nationales que régionales ou artificielles – comme le portugais, le chinois, l’espéranto, le coréen, et bientôt l’anglais, bénéficient d’installations muséographiques qui leur sont dédiées. Dans son ouvrage, abondamment commenté dans les médias, ANTONELLI se fait le porte-parole de ceux qui, depuis des années, prônent la création d’un musée consacré à la riche histoire de leur langue. En 2003, la galerie des Offices de Florence a déjà accueilli une exposition temporaire consacrée à la langue italienne : Dove del si suono (Là où le “Si” résonne). Organisé par la Société Dante Alighieri, le succès de cet événement a permis de démontrer que la langue italienne méritait une exposition permanente, d’autant qu’une telle institution assurerait la promotion d’une langue qui, comme bien d’autres, souffre d’un appauvrissement de son lexique et d’un recours excessif aux anglicismes. Dès lors, la proposition d’ANTONELLI fait l’objet de discussions et de débats dans des festivals et des colloques.
Soutenu par son collaborateur LUCA SERIANNI, des collègues et des amis, ANTONELLI adresse en 2019 une pétition à Dario FRANSCHECHINI, ministre du Patrimoine culturel et du Tourisme. Cette requête, soutenue par de grandes institutions comme l’Académie de la Crusca et la Société Dante Alighieri, reçoit un accueil favorable des autorités de sorte que, le 22 janvier 2020, le Premier ministre Giuseppe CONTE annonce officiellement le lancement du projet : “Ce sera un grand pôle, riche et technologique, qui pourra célébrer et enseigner l’histoire de l’italien.” Une commission présidée par SERIANNI voit le jour ; outre les acteurs déjà cités, elle inclut des représentants de l’Institut de l’encyclopédie italienne, de l’Association pour l’histoire de la langue italienne et de l’Académie des Lyncéens. En août, le site d’implantation du musée est officialisé ; il s’agit de l’ancien “nouveau monastère” du complexe monumental de Santa Maria Novella. Cet emplacement présente l’avantage de se trouver à proximité du cœur historique de Florence et de la gare principale (vue d’ensemble, ci-dessous ; le musée devrait occuper la partie surlignée d’un trait vert des bâtiments à droite qui forment un triangle avec une cour centrale).
Ce musée “nouvelle génération” se veut “conservateur, didactique, mais aussi très engageant […] Grâce à sa nature technologique, le musée pourra interagir avec de nombreux autres musées en Italie et dans le monde. Il sera donc configuré comme un véritable musée à grande échelle”. Sa muséographie doit privilégier une approche dynamique, à l’image d’une langue vivante qui évolue en permanence. Elle se veut également conviviale, en faisant appel à l’interactivité et aux ressources didactiques du multimédia, tout en conservant une optique “académique” et pédagogique rigoureuse, qui s’appuiera sur des documents historiques et les œuvres emblématiques des grands auteurs italiens du passé et du présent. Le futur espace d’exposition et d’animation occupera une surface de 2000 m2 répartis sur deux niveaux où le visiteur pourra trouver une exposition permanente sous la forme d’un circuit en boucle, mais aussi diverses expositions temporaires.
Un hommage à DANTE
L’ouverture du musée de la Langue italienne était initialement programmée pour le 25 mars 2021, date coïncidant avec le Dantedi, c’est-à-dire le jour de l’année consacré à DANTE depuis une décision du gouvernement italien approuvée par le Parlement en novembre 2019. De surcroît, l’année 2021 marquant le 700e anniversaire de la mort de l’écrivain toscan, cette inauguration devait constituer un des points d’orgue des manifestations prévues pour l’occasion. Mais ces prévisions optimistes sont désormais contrariées par une crise sanitaire qui a durement touché la péninsule et retardé l’avancement des travaux de construction du musée. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la date officielle de l’inauguration reste maintenue, mais il y a fort à parier qu’il faudra attendre 2022 pour voir l’ensemble muséal totalement achevé. C’est avec intérêt que nous guetterons l’ouverture du nouveau musée, dont l’actuel maire de Florence attend qu’il démontre que “la langue italienne est un héritage, non seulement le nôtre mais celui du monde, et ce musée sera le lieu dédié à sa connaissance et à sa valorisation au niveau international”.
Ci-dessous nous vous proposons une vidéo de présentation du projet en cours. Elle est en italien mais, si vous parvenez à jouer avec les paramètres, il vous est possible d’ajouter des sous-titres en français.
Mise à jour du 13 décembre 2022
Malgré de nombreux contretemps et aléas qui ont mis à mal l’agenda initial, le musée, en partie inachevé, a été inauguré le 6 juillet 2022 (vidéo ci-dessous). L’établissement a pris le nom de Museo Nazionale dell’Italiano, ou MUNDI. Seules quelques salles introductives étaient ouvertes à la visite. Le misée a depuis refermé ses portes en attendant sa “vraie” ouverture, prévue en 2023.