Numismatique

Recueil des monnoies tant anciennes que modernes

ou Dictionnaire des monnoies qui peuvent être connues dans les quatre parties du monde, avec leur poids, titre et valeur; divisé en quatre parties, savoir pour les Hébreux, pour les Grecs, pour les Romains, pour les François, avec des tarifs à la suite du Dictionnaire, pour celles qui ont présentement cours en Europe

Auteur(s) : SALZADE

 à Bruxelles, chez Jean-Joseph BOUCHERIE, imprimeur & libraire ; à Dunkerque, chez Jean-Louis DE BOUBERS, libraire
 édition originale
  1767
 1 vol (404 p.)
 In-quarto
 veau marbré, dos à cinq nerfs orné de motifs floraux dorés
 vignette allégorique, bandeaux décoratifs, lettrines ornées, culs-de-lampe, 3 grands tableaux dépliants


Plus d'informations sur cet ouvrage :

À partir de la Renaissance, les monnaies anciennes, jusque-là appréciées uniquement pour leur valeur financière et leur titre en métal précieux, deviennent un sujet d’étude en tant qu’objets. Il est désormais de bon ton de les collectionner, avec une préférence marquée pour les monnaies de l’Antiquité gréco-romaine. En France, l’humaniste Guillaume BUDÉ publie, en 1515, De Asse et partibus eius libri quinque, première vraie synthèse sur les monnaies, les mesures et les poids dans l’Antiquité classique. Ce livre, traduit du latin en italien, connaît un grand succès. Il est suivi, en 1522, d’un abrégé, intitulé Épitomé, rédigé en français à la demande du roi. C’est dans ces conditions que naît une science nouvelle traitant de la technique et de l’histoire des espèces monétaires. Cette spécialité devra pourtant attendre 1792 pour être baptisée du terme de numismatique (du latin Numisma : pièce de monnaie).

Lié au développement de l’archéologie, qui fait de la numismatique une science auxiliaire de l’histoire, l’intérêt pour l’étude et la collection des espèces monétaires connaît un regain au XVIIIe siècle. Les pièces anciennes s’imposent comme éléments de choix dans les cabinets de curiosités, alors très à la mode, et on voit apparaître en Europe de grands collectionneurs comme Joseph PELLERIN ou le marquis de MAISONS. En France, la collection emblématique de pièces anciennes est celle du Cabinet des médailles, fondé par François Ier. Celle-ci, après un long séjour à Versailles, réintègre Paris en 1741 où, dès lors, le grand public peut venir l’admirer.

Publié simultanément à Bruxelles et à Dunkerque en 1767, un Recueil des monnoies tant anciennes que modernes offre la possibilité de guider les collectionneurs et les personnes désireuses de se renseigner sur les monnaies des différentes parties du monde. Il s’agit de l’ouvrage présenté ici. L’auteur en est un certain SALZADE, sur lequel nous ne disposons d’absolument aucun renseignement. Mais peut-être porte-t-il un pseudonyme ?

Le but de l’auteur ne consiste pas à s’attarder sur l’histoire ou sur l’esthétique des monnaies en présentant les pièces en détail. D’ailleurs son ouvrage ne comporte aucun dessin ni aucune planche de pièces. Confrontant les sources et les données existantes, SALZADE s’engage dans une démonstration savante, très technique et assez ardue, afin d’établir la juste valeur des pièces à travers les âges. Son livre constitue avant tout un guide destiné à évaluer des monnaies anciennes. Il tente d’y parvenir en convertissant leur valeur en autres devises et en maniant avec dextérité les poids et les mesures de différentes époques.

Le livre est organisé en six parties : quatre courtes parties “historiques” qui, au total, représentent environ 70 pages ; une partie dictionnaire proprement dite, elle-même subdivisée en plusieurs chapitres ; et enfin une présentation des monnaies courantes alors en usage en Europe. SALZADE débute par l’étude du sicle (ou shekel) d’argent, “la plus ancienne monnoie dont on connoisse le nom & le poids”. Basé sur une unité de mesure utilisée en Mésopotamie, au Levant et à Carthage, le sicle n’est pas la première monnaie métallique “frappée”, la plus ancienne connue, datée du VIIe siècle, étant originaire de LYDIE, patrie du légendaire CRÉSUS. Mais, grâce aux indications de l’Ancien Testament, la valeur et le poids du sicle sont connus, ce qui permet à l’auteur de dresser, en se basant sur cette valeur de référence, des tables d’évaluation des autres monnaies anciennes et contemporaines.

La seconde partie est consacrée aux monnaies grecques. Se refusant à entrer dans le détail historique de ce très vaste sujet, l’auteur prévient son lecteur que “nous nous contenterons de rapporter le nom, le poids & la valeur que quelques auteurs modernes ont donné aux monnoies d’or & d’argent des Grecs“. Il fonde essentiellement sa réflexion sur l’étude critique des indications données sur le sujet par Charles ROLLIN dans son Histoire ancienne. Dans ce domaine, SALZADE se montre parfois difficile à suivre, ainsi que nous vous proposons d’en juger par cet extrait : “C’est-à-dire que la drachme, dont M. ROLLIN nous parle, faisant la 8e partie de l’once, & par conséquent la 96e partie de la livre romaine, doit supporter la même diminution d’un 9e de poids ; ainsi, au lieu de 72 grains de poids qu’on lui donne, ce ne doit être que 64 grains, qui, suivant la règle de proportion, ne doivent valoir que sept sols six deniers.”

Le troisième chapitre, beaucoup plus étoffé, s’intéresse aux monnaies romaines, en particulier l’as, le sesterce et le denier. Chaque monnaie donne lieu à un petit tableau indiquant le poids romain, le poids français et la valeur en livres, sols et deniers de France. Enfin, la quatrième partie se concentre sur les monnaies françaises depuis les Mérovingiens.

Vient ensuite le dictionnaire historique annoncé sur la page de titre. Celui-ci est consacré à toutes les monnaies alors connues en Europe. Pour tenir compte de la grande diversité de ces types de monnaies, il opte pour un plan thématique, organisé selon la matière première utilisée, traitant en premier lieu les métaux et les alliages précieux (or, argent et billon), pour s’intéresser ensuite aux métaux plus communs (cuivre, étain et plomb). C’est ainsi qu’il est amené à passer en revue, aussi bien le copeck de Moscovie ou l’écu français que le sultanin d’Égypte, la guinée anglaise, la connuasse de Moka et la pagode de la Compagnie des Indes. Là encore, SALZADE ne se perd pas dans de longs développements historiques ou des descriptions détaillées, il se contente d’exprimer la valeur de chaque monnaie en livres, sols et deniers.

Les lexiques suivants sont plus insolites, donc d’autant plus intéressants. Ils portent en effet sur des monnaies non métalliques, telles celles constituées de coquillages (cauris, bouges), de graines ou de fruits (cacao, amandes, maïs). Enfin, SALZADE n’oublie pas les monnaies de compte, comme le gari, le franc, le lakh de roupie ou le florin hollandais. Pour conclure, l’auteur passe en revue, mais uniquement pour le continent européen, les différentes monnaies en circulation assorties de tableaux de conversion.

Au siècle suivant, la vogue de la numismatique ne se démentira pas, alors que la monnaie papier commence à s’imposer. C’est à cette époque qu’apparaîtront des clubs et des revues spécialisées, et que seront publiés de multiples traités et dictionnaires sur le sujet, dont celui d’Alexandre BOUTKOWSKI.

Exemple de définition :

CHAISE (ou CADIERE, comme on parloit autrefois) : Monnaie d’or fabriquée sous Philippe le Bel, & qu’on appela dans la suite des Royaux d’or, Chaises ou Cadieres ainsi nommees, parce que le Roi y étoit assis d’un côté sur une chaise, n’étoient qu’à 22 Karats & pesoient 5 deniers douze grains trébuchants, c’est à peu près la valeur du Bezan d’or, on les nomma ensuite Massés, à cause que le Roi y étoit représenté d’un côté, tenant une masse d’une main. Par Ordonnance de Philippe le Bel du 16 Avril
1508, & par une autre du 18 Janvier 1309, la Chaise ou Cadiere fut évaluée à 25 l., elle vaudroit à 27 l. le marc d’argent 10 l., 10 s. ou environ.



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