Nouveau dictionnaire historique et critique pour servir de supplément ou de continuation au Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle
Auteur(s) : CHAUFEPIÉ Jacques-Georges de
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Fils d’un pasteur français réfugié aux Pays-Bas, Jacques-Georges de CHAUFFEPIÉ – dont le nom est parfois orthographié CHAUFEPIÉ – embrasse la même profession que son père pour exercer successivement son ministère à Flessingue, Delft et, à partir de 1743, à Amsterdam. Au fil des ans, il acquiert une certaine notoriété grâce à ses sermons enflammés, dont certains seront édités, ainsi que pour son érudition et ses talents de traducteur en langue anglaise. C’est à ce titre qu’il est sollicité, en 1739, par des libraires amstellodamois, pour élaborer un supplément au fameux Dictionnaire historique et critique de Pierre BAYLE, œuvre majeure du Grand Siècle, qui servira plus tard de modèle et de référence aux artisans de l’Encyclopédie.
BAYLE qui, en perfectionniste, n’a jamais cessé de travailler sans relâche à l’amélioration de son texte, parviendra à achever une seconde version en 1702. Dès lors, de nouvelles éditions, “officielles” ou “pirates”, vont se succéder. En 1722, des libraires genevois publient, sans se soucier des droits de l’éditeur légitime, un Supplément au Dictionnaire historique de M. Bayle, qui se révèle être très incomplet. Un véritable supplément aux tomes signés par BAYLE reste donc à rédiger. Le Dictionnaire historique et critique, qui a connu un fort retentissement dans plusieurs pays européens, a été traduit dans plusieurs langues. En Angleterre, une version remaniée et considérablement augmentée de l’ouvrage a été éditée à Londres entre 1734 et 1741. Remplissant dix gros volumes, le General Dictionary, historical and critical comprend un grand nombre d’ajouts et d’articles nouveaux. Les éditeurs britanniques jugent cette augmentation nécessaire, car “comme Mr. BAYLE ne s’était pas proposé de faire un dictionnaire universel, & qu’il a seulement choisi les Articles qui avaient le plus de rapport à ses vues, ou pour lesquels il avait des matériaux tout prêts; il n’a rien dit d’un grand nombre de personnes illustres par leur rang, par leurs dignités, tels que des empereurs, des rois, des princes &c. ou fameux par leur habileté dans les arts, dans les sciences, & dans les Belles-Lettres“.
C’est donc dans le “Bayle anglois” que CHAUFFEPIÉ est censé extraire les additions, les ajouts et les modifications pour réaliser un supplément. Selon ses dires, il est prévu que son travail s’arrête à la lettre M, les libraires ayant recruté pour l’autre partie un auteur qui a déjà travaillé pour l’édition anglaise. Notre pasteur achève sa tâche en 1743, mais le second traducteur met beaucoup trop de temps à s’acquitter de sa tâche, de sorte que les éditeurs finissent par se passer de ses services et demandent à CHAUFFEPIÉ d’achever l’ouvrage. Ainsi, après un retard de quelques années, celui-ci finit par terminer le travail, et les trois tomes du Nouveau Dictionnaire historique et critique pour servir de supplément ou de continuation au Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle – l’ouvrage ici présenté – peuvent enfin être publiés entre 1750 et 1756 ; soit près de soixante années après la parution de la première édition du livre de BAYLE.
Sans état d’âme, CHAUFFEPIÉ prend des libertés avec sa mission de simple traduction en retravaillant une bonne partie du texte des contributeurs britanniques et en proposant sa propre édition. Il s’en justifie en ces termes : “En examinant les articles nouveaux, donnés par les traducteurs anglais de Bayle, je remarquai qu’il y en avait un grand nombre qui étaient fort imparfaits, & sur lesquels ces messieurs n’avoient pas fait toutes les recherches qu’on aurait naturellement attendues d’eux. Je fus frappé encore du grand nombre d’articles, uniquement relatifs à l’Angleterre, parmi lesquels il y en a qui peuvent intéresser les Anglais, mais qui n’intéressent pas autant les lecteurs d’autres Nations ; en un mot, je trouvai que mon ouvrage manquerait de variété en ne donnant que le travail des Auteurs de Londres… Il fallut donc étendre mon Plan, & prendre de nouvelles mesures ; & il m’arriva ce qui arrive à un homme qui, s’étant embarqué pour faire une petite promenade sur l’eau, se trouve jeté en pleine mer, & contraint de faire un voyage de long cours.”
Sur près des 1 400 articles du dictionnaire de CHAUFFEPIÉ, 600 sont traduits fidèlement de l’édition anglaise ; 280 environ ont été modifiés par ses soins pour “les rendre plus complets & plus intéressants” ; et 500 autres environ sont entièrement de son cru. Fidèle à l’esprit de l’œuvre originale, il a conservé le système de division du texte en corps principal et en notes foisonnantes qui rendent parfois ardue la lecture des articles. S’il ne cesse de rester déférent vis-à-vis de BAYLE, il ne se prive pas pour autant de remettre en cause son jugement et ses opinions. Il écrit d’ailleurs sans ambages : “En divers endroits j’ai même critiqué ce savant, soit par rapport aux faits, par rapport aux raisonnements, mais je n’avance rien que preuve en main.” C’est ainsi qu’il prend la défense de Pierre JURIEU, avec lequel BAYLE avait entretenu des rapports très orageux. De même, à l’instar des contributeurs anglais, CHAUFFEPIÉ, ardent calviniste, ne partage pas les idées de tolérance religieuse et le scepticisme “philosophique” qui vaudront au lexicographe des accusations de déisme voire d’athéisme.
Malgré le travail fourni par CHAUFFEPIÉ, qui décédera à Amsterdam en 1786, son supplément ne réussira pas à s’imposer comme le complément indispensable à l’œuvre de Pierre BAYLE. C’est l’édition hollandaise de 1740 du dictionnaire qui est considérée encore aujourd’hui comme une des meilleures et des plus fidèles à l’esprit de son auteur. Certains auteurs critiquent le style austère de notre pasteur mais soulignent aussi que le contenu de son ouvrage souffre également de nombreuses lacunes.