Index librorum prohibitorum
Leonis XIII sum. pont. auctoritate recognitus ss. d.n. PII X Iussu deneo editus. Praemittuntur Constitutiones apostilicae de examine et prohibitione librorum
Auteur(s) : Anonyme
ESSER Thomas
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Gutenberg vs le pape
Avec ʺl’invention” et la diffusion de l’imprimerie à caractères mobiles à partir de la seconde moitié du XVe siècle, le quasi-monopole de l’Église sur la production des livres et la conservation du savoir se trouve remis en cause, car la production littéraire et savante échappe désormais au contrôle exclusif des autorités religieuses. Plus facile à réaliser qu’auparavant, le livre devient un objet de production massive dont la diffusion, favorisée par les progrès de l’alphabétisation, permet de toucher un public de plus en plus étendu.
Le plus souvent rédigé en langue vernaculaire, le livre devient un support idéal pour diffuser à grande échelle des idées susceptibles de contester les dogmes officiels et d’attaquer l’autorité spirituelle et morale de l’Église catholique. Même si, à l’origine, l’imprimerie n’a pas été mal accueillie par la papauté et le clergé, très vite les autorités religieuses se mobilisent contre la diffusion d’ouvrages jugés offensants pour la foi, en particulier ceux qui défendent des thèses blasphématoires et hérétiques. L’institution de l’Imprimatur et la mise en place par les États d’outils de contrôle, tels que les privilèges et les autorisations préalables d’imprimer, ne parviennent pas à endiguer le phénomène, comme le témoignent la Réforme et les idées philosophiques nouvelles qui remettent en cause la conception “biblique” de l’univers et de l’homme.
Pour contrer la diffusion rapide du protestantisme, des tentatives de censure commencent à voir le jour sous la forme de catalogues et de listes d’ouvrages prohibés. C’est ainsi que les universités et l’Inquisition établissent et publient des listes de livres interdits. De son côté, la papauté, qui en 1542 met en place la congrégation pour la doctrine de la foi, se lance dans une vaste contre-offensive initiée par le concile de Trente, qui débute en 1545.
L’Index pointe du doigt les ouvrages prohibés
Dès lors l’idée d’un catalogue “officiel” des livres censurés par l’Église catholique prend forme, avec le premier Index librorum prohibitorum qui, publié en 1559, est suivi en 1564 par une deuxième version. Pour pérenniser cette publication destinée à être actualisée, la congrégation de l’Index est instituée en 1571, et c’est à la Typographie vaticane qu’est confiée la charge de l’augmenter, le corriger et l’éditer. La liste des livres et des auteurs censurés au cours des siècles est impressionnante, puisqu’elle va des écrits de LUTHER et de CALVIN à ceux de COPERNIC, HOBBES, DIDEROT, DESCARTES, ROUSSEAU, KANT, BRUNO, PASCAL, DUMAS et RENAN. Notons qu’avec le temps, certains noms seront expurgés, comme ce sera le cas en 1757 pour COPERNIC et GALILÉE.
Plus progressiste que ses prédécesseurs, le pape LÉON XIII réforme en les assouplissant les règles régissant la censure, et le nouvel Index publié en 1900 sous son pontificat se voit très fortement allégé, même si 4 000 livres y sont toujours recensés. Les ouvrages condamnés avant 1600 n’y figurent plus, de même que de nombreuses interdictions qui ne sont plus considérées comme légitimes ou opportunes. Sous le pontificat suivant, celui de PIE X, les thèses promouvant une évolution moderniste de l’Église et du christianisme, dont la figure emblématique se trouve être Alfred LOISY, sont vigoureusement combattues. Les livres de ce dernier, qui a fait l’objet d’une excommunication, sont mis à l’index, et le pape condamne vigoureusement cette école moderniste qu’il assimile à une véritable hérésie. C’est dans ce contexte tendu et conflictuel qu’un nouvel Index, particulièrement rigoureux envers les théologiens “réformateurs”, nouvelles bêtes noires de l’Église, est publié par le Vatican.
Notre livre
Le livre que nous présentons ici, daté de 1907, débute par une série de textes en latin, avec un hommage au défunt LÉON XIII suivi par un avertissement au lecteur rédigé par Thomas ESSER, secrétaire à la congrégation de l’Index depuis plusieurs années. Viennent ensuite les “constitutions” édictées en 1897, fixant les nouvelles règles de censure pontificale, et enfin les décisions prises au XVIIIe siècle par BENOÎT XIV à propos de l’Index.
Comme pour les versions précédentes, notre livre se présente sous la forme d’un long catalogue de livres prohibés dont les titres, retranscrits dans leur langue d’origine, sont classés par nom d’auteur, sauf pour les ouvrages anonymes dont le premier mot du titre est utilisé comme entrée. Chaque notice ne contient aucun commentaire particulier, si ce n’est la date du décret de la mise à l’index de l’ouvrage. Certains auteurs, comme BAYLE, BASNAGE ou PROUDHON, ont le droit à la mention “Opera Omnia“, ce qui signifie que la censure porte sur l’ensemble de leur œuvre. Outre les livres de LOISY, on y retrouve ceux d’autres “modernistes”, comme HOUTIN, FOGAZZARO ou LABERTHONNIÈRE. Il est curieux de constater qu’une très grande partie des livres recensés ont été écrits par des religieux et des intellectuels catholiques pourtant considérés comme “irréprochables”, lesquels méritent le même sort que des pamphlétaires, des romanciers, des journalistes et des philosophes.
Si la présence de certains anticléricaux et antireligieux notoires comme VOLTAIRE n’est guère étonnante, nous découvrons que le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, L’Encyclopédie, Madame Bovary ou Notre-Dame de Paris restent frappés d’interdiction en 1907, alors que d’autres ouvrages particulièrement polémiques en leur temps, comme L’Origine des espèces ou Le Capital, sont absents de la liste.
Même si ce catalogue a depuis longtemps montré les limites de son efficacité, la congrégation de l’Index connaîtra un regain d’activité jusqu’à la suppression de cette institution en 1917 par BENOÎT XV. La responsabilité de l’Index sera alors confiée à la congrégation du Saint-Office, dont la 32e et dernière édition verra le jour en 1948. Les dernières mises à l’index seront encore prononcées en 1959 et 1961, avant que le catalogue ne soit définitivement supprimé par PAUL VI en 1966. Au total, ce sont près de 6 000 ouvrages et 3 000 auteurs qui, depuis sa création, auront figuré à l’Index.
“à partir de la seconde moitié du XIVe siècle”……
Bien à vous.
Effectivement, c’était une coquille ! Merci