culture générale, Esotérisme, Antiquité gréco-romaine

Genialum dierum libri sex

varia ac recondita eruditione referti : Nunc postremum infinitis mendis quibus antea squallebat liber pulcherrimus, quanta fieri potuit diligentia perpurgati atque in pristinum nitorem restituti

Auteur(s) : ALESSANDRI Alessandro

 à Paris, chez Jean de LASTRE, rue Saint-Jean-de-Latran (Parisiis, apud Ioannem de LASTRE, via ad divum Ioannem Lateranensem
 nouvelle édition (la première date de 1522)
  1579
 1 vol (384 feuillets)
 In-octavo
 veau fauve, dos à cinq nerfs, caissons ornés de motifs dorés, fleurons dorés sur les plats, filet d'encadrement, armes grattées sur les plats
 lettrines ornées, bandeaux décoratifs


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Avocat et jurisconsulte napolitain établi à Rome, Alessandro ALESSANDRI, jugeant que la justice n’est pas rendue avec suffisamment d’équité, renonce à sa carrière d’homme de loi. Dès lors il se consacre entièrement à l’écriture, montrant une prédilection pour les langues, la littérature et l’histoire de l’Antiquité gréco-romaine. À une date indéterminée, il se lance dans la rédaction d’une compilation, que nous pourrions, avec un peu d’anachronisme, qualifier d’encyclopédique. Pour son travail, il semble s’être inspiré de deux œuvres latines : Les Nuits attiques (Noctes Atticae) d’AULU-GELLE et Les Saturnales de MACROBE.

Le livre, composé en six parties, paraît pour la première fois à Rome en 1522, sous le titre Alexandri de Alexandro dies geniales. ALESSANDRI décède l’année suivante, mais son ouvrage connaît un grand engouement et génèrera en Europe de très nombreuses éditions remaniées et/ou commentées, tout au long du XVIe siècle, sous le titre de Genialum dierum libri sex. La version présentée ici, datée de 1579, a été éditée par le libraire parisien Jean de LASTRE.

L’ouvrage constitue un recueil disparate d’anecdotes, traitant aussi bien de morale, de philologie, de linguistique, de mythologie et d’histoire que de métaphysique ou de droit. Comme le critique italien Girolamo TIRABOSCHI l’écrira deux siècles plus tard, le livre est “comparable à un grand magasin où l’on trouve des marchandises de toute espèce ; parmi la confusion et le désordre qui y règnent, et au milieu d’objets faux, douteux ou supposés, on en trouve aussi de très précieux, mais il faut une main habile et expérimentée pour les choisir, les repolir, et en faire un bon usage”. Si un autre écrivain juge également que “l’exactitude n’y est point dans sa perfection”, Pierre BAYLE ne manque pas de souligner la valeur de l’ouvrage : “C’est un mélange d’une infinité de recueils concernant l’histoire et les coutumes des anciens Grecs et Romains : on y trouve aussi plusieurs questions de grammaire.”

Le côté éclectique du livre a très certainement beaucoup contribué à son succès car, à côté d’anecdotes sur la vie quotidienne et les rites religieux des Romains, ou le portrait de grands personnages de l’Antiquité, réels ou légendaires, l’auteur décrit également des phénomènes étranges, des superstitions, et ce qu’on appellerait aujourd’hui des “légendes urbaines”. C’est ainsi qu’il évoque des monstres marins comme des tritons sous-marins. L’un d’entre eux, localisé sur la côte d’Épire, était particulièrement redouté pour avoir violenté les jeunes filles qui venaient puiser à la fontaine proche de sa grotte.

Les sujets de prédilection de l’auteur sont incontestablement le surnaturel et l’occultisme, domaines qui contribueront à la célébrité de son livre tout en suscitant des railleries sur sa supposée crédulité. Rédigé avant 1522, un opuscule de douze pages intitulé  Alexandri jurisconsulti neapolitani dissertationes quatuor de rebus admirandis, quae in Italia nuper contigere est intégré au Dies geniales. Ces “dissertations” regroupent des anecdotes et des témoignages contemporains sur des faits étranges et fantastiques. Elles traitent en particulier de divination, d’oniromancie, c’est-à-dire de rêves prémonitoires, de possessions, d’apparitions de fantômes et de démons. Notre jurisconsulte y relate en particulier une expérience vécue à Rome avec plusieurs amis. Le groupe, s’étant rendu dans une maison réputée hantée, aurait vu apparaître un spectre qui aurait fui à la lumière des torches.

Dans ses commentaires, ALESSANDRI parle également des travaux de certains de ses contemporains, comme ceux des humanistes Lorenzo VALLA et Raffaello MAFFEI. Détail intrigant, dans les écrits de son époque nous ne retrouvons quasiment aucune mention de cet auteur, qui semble s’être confiné dans l’anonymat. ÉRASME en parle en ces termes : “Il connaît tout le monde, et personne ne sait qui il est.” BAYLE s’étonnera également qu’aucun des auteurs de son temps ne l’ait cité, même par simple allusion.

Le livre d’ALESSANDRI poursuivra sa brillante carrière tout en faisant l’objet de remaniements successifs, qui s’expliquent par le défaut majeur dont l’ouvrage souffre à sa parution : son auteur n’a pas pris soin, la plupart du temps, de citer ses sources et de désigner les écrivains auxquels il se réfère. André TIRAQUEAU, juriste et humaniste proche de RABELAIS, publie en 1586 Semestria, une série de commentaires qui recensent et analysent les œuvres auxquelles ALESSANDRI a fait appel. Dès 1594, cette étude savante et érudite sera intégrée dans les nouvelles éditions du livre original. D’autres auteurs rédigent également des notes et des commentaires, dont en particulier Christoph KÖLER (ou Christoph COLERUS) et Denys GODEFROY (ou GOTFRIED). La dernière version, parue à Leyde en 1673, reprendra les commentaires de ces écrivains et restera estimée comme étant la plus complète. Par la suite, le livre sombrera dans l’oubli, même s’il servira de référence à des écrivains amateurs de phénomènes surnaturels, comme COLLIN de PLANCY.



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