Aphorismes, Humour

Formules du docteur Grégoire (Les)

Dictionnaire du Figaro

Auteur(s) : DECOURCELLE Adrien

 Paris, J. HETZEL, éditeur, 18 rue Jacob
 édition originale
  1868 (environ)
 1 vol (306 p.)
 In-18
 demi-basane verte, dos lisse


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Après avoir rapidement abandonné ses études de droit, Adrien DECOURCELLE devient un dramaturge prolifique et réputé. Du début de sa carrière en 1845 à sa mort à Étretat en 1892, il sera l’auteur de près de 70 pièces de théâtre, essentiellement des comédies et des vaudevilles, mais aussi quelques drames comme Jenny l’ouvrière. Beaucoup de ses œuvres ont été écrites en collaboration avec d’autres auteurs, comme Théodore BARRIÈRE, Eugène LABICHE, Jules BARBIER, Auguste ANICET-BOURGEOIS, Eugène GRANGÉ, Adolphe d’ENNERY et Gustave LEMOINE.

Également chansonnier et romancier, DECOURCELLE produit des feuilletons pour le journal La Patrie, mais c’est dans Le Figaro que lui est donnée l’occasion d’utiliser librement sa verve dans une minuscule rubrique intitulée Les Formules du docteur Grégoire. Il s’agit d’un billet d’humeur quotidien à vocation humoristique, composé de très courtes définitions présentées sous la forme d’aphorismes, de vers de mirliton, de blagues ou de petits dialogues. Tous ces petits textes drolatiques seront ensuite regroupés dans un florilège, présenté sous la forme d’un petit recueil alphabétique publié à Paris en 1868 sous le titre Les Formules du docteur Grégoire, Dictionnaire du Figaro ; c’est l’ouvrage présenté ici. Tantôt potache mais jamais grivois, tantôt cynique et faussement désabusé voire moralisateur, DECOURCELLE multiplie les jeux de mots et les mots d’esprit, ne se privant pas de brocarder au passage les mœurs et les travers de son temps. Personne n’est épargné par ses saillies, mais ses cibles préférées demeurent les ecclésiastiques, les fonctionnaires, les femmes, les révolutionnaires, les artistes et les acteurs. Pour autant, le ton de l’auteur se veut léger, badin et bon enfant, sans méchanceté excessive ni attaque personnelle. Nous vous en présentons quelques exemples à la fin de ce billet.

DECOURCELLE utilisera encore le pseudonyme de DOCTEUR GRÉGOIRE pour signer Dossier de 93, un essai à charge contre la Terreur et surtout un abécédaire, publié en 1887 sous le titre  Turlutaines : dictionnaire humoristique, satirique et antinaturaliste. Comme l’indique clairement le sous-titre, il s’agit là d’une attaque en règle contre le naturalisme, et plus particulièrement les romans d’Émile ZOLA, qu’il passe littéralement à la moulinette dans le premier article de l’ouvrage intitulé Art. C’est un euphémisme de dire que DECOURCELLE n’apprécie guère cet écrivain, qu’il attaque frontalement et sans ménagement  :“Une des plus étranges Turlutaines de l’heure présente, c’est le Naturalisme et, surtout, le Documentisme ; une maladie, une folie, dont on peut définir, de la façon suivante, les personnes qui en sont atteintes : Le naturaliste est un détraqué qui se croit un original et qui prend la maladie pour l’état normal ; l’hôpital pour la maison ; Nana pour Ninon ; l’égout pour la Cité et Pantin pour Paris. Or, considérant le Naturalisme comme un des fléaux les plus pernicieux de notre époque, nous lui ferons une guerre sans trêve ni répit. Et nous ne le combattrons point par des épithètes en l’air ; par des impressions personnelles ; par ce qu’on appelle « un avis, une opinion » ; non ; mais par des arguments, par des faits ; nous le disséquerons à la loupe, scalpel en main — cadavre sur table. “ Le reste de ce livre se compose de “définitions” drôles ou acerbes, qu’il parsème abondamment de piques destinées à l’infortuné ZOLA, dont il fait décidément sa tête de turc.

Signalons enfin que notre auteur est également connu pour être le père du romancier et dramaturge Pierre DECOURCELLE, dont la notoriété finira par éclipser peu à peu celle de son géniteur.

Ex-libris au nom de Frédéric LACHÈVRE, bibliophile renommé domicilié au Vésinet

Petit florilège

*Réception académique : C’est toujours la même histoire ; Un homme qui déclare (sans en penser un mot) qu’il n’a aucun titre à l’honneur qu’on lui fait ; Et à qui l’on répond (en le pensant) qu’on est, à peu près, de son avis.

*Opinion (politique) : C’est la chemise de l’esprit / Chemise étrange / Qui nous salit / Quand on en change.

*Anthropophage : Un philanthrope qui va trop loin.

*Fatuité : L’orgueil de son mérite ou l’ignorance de sa sottise.

*Consulter : demander à quelqu’un… d’être de notre avis.

*Bœuf : Un taureau, retiré des affaires.

*Égalité : L’égalité consiste à se trouver égal à ceux qui sont au-dessus de nous — et supérieur à ceux qui sont en dessous. Ah ! c’est comme ça !

*Courbette : Petite plante flexible, qui ne pousse que dans les cours.

*Contrat de mariage : Un acte, pour la signature duquel l’Amour soulève toujours un peu son bandeau.

*Bonté : Une folie douce — dont l’expérience est le meilleur médecin.

*Maison de confection : Un bazar où les habits tâchent de trouver des hommes à leur taille.

*Anarchistes : Des gaillards qui veulent absolument commander — sous prétexte qu’ils sont incapables d’obéir.

*Docte : Un savant, qui semble avoir pour mission de nous réconcilier avec l’ignorance.

*Admonition, Remontrance : Petit discours, qui a moins pour but d’éclairer les autres que de faire briller nos petites lumières.

*Révolution : Exercice français — qui consiste à avancer d’un pas — et à reculer de deux.

*Oppresseur, Tyran : Un fondé de pouvoir, un simple mandataire, attendu que la servitude ne peut naître que de la servilité.

*Peintre : J’en connais – quelques-uns – qui ont de la modestie et du talent ; j’en connais – beaucoup – qui ont du talent et pas de modestie ; j’en connais – surtout – qui n’ont ni modestie ni talent ; mais qui aient de la modestie et pas de talent, je n’en connais pas. 



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