Expressions et proverbes, Français (langue)

Fleur des proverbes français (La)

recueillis et annotés

Auteur(s) : GRATET-DUPLESSIS Pierre-Alexandre

 Paris, PASSARD, libraire-éditeur, 7, rue des Grands -Augustins
 nouvelle édition (la première date de 1851)
  1853
 2 vol
 In-32
 demi-basane rouge, dos à quatre nerfs, motifs dorés, titre en lettres dorées


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Proviseur du collège d’Angers, puis inspecteur de l’académie de Caen, Pierre-Alexandre GRATET-DUPLESSIS finira recteur des académies de Lyon et de Douai. Mais, à côté de sa brillante carrière administrative, il est connu depuis longtemps comme un “littérateur” dont la production est aussi éclectique que prolifique.  Outre d’ouvrages de morale, de critique littéraire et d’histoire, il est l’auteur, sous le pseudonyme d’HILAIRE LE GAI, de livres jugés “honnêtement récréatifs” par SAINTE-BEUVE. Intéressé par tout ce qui touche au métier de bibliothécaire, à la bibliographie et à la bibliophilie, il participe activement au Bulletin du bibliophile. En 1847, il publie un ouvrage qui aura un fort retentissement ; il s’agit de la Bibliographie parémiologique. Cet ouvrage se livre à une étude critique des livres consacrés aux proverbes dans différentes langues. En 1851, il en publie un abrégé sous le titre de La Fleur des proverbes français. Cet ouvrage, présenté ici, sera réédité l’année suivante, sous la signature de LE GAI, avec le titre de Petite Encyclopédie des proverbes français. En 1853, année de la mort de son auteur, La Fleur des proverbes français sera réédité à l’identique de la première édition.

GRATET-DUPLESSIS fait sienne cette définition du proverbe par lord John RUSSEL: “Le bon sens d’un homme qui devient la sagesse de tout un peuple”. Au-delà de simples formules toutes faites, les proverbes ont à ses yeux une valeur anthropologique, sociologique et historique. Maximes, sentences, proverbes, expressions, dictons, adages et autres aphorismes “sont en général l’expression fidèle et précise des croyances, des convictions, des mœurs des peuples qui les ont adoptées”. Pour autant, il n’entend pas se livrer à un inventaire exhaustif de tous les proverbes recensés, se contentant de proposer un florilège de “ceux qui se recommandent éminemment par leur tendance morale, par leur caractère pratique, par l’importance des conseils qu’ils renferment, et enfin par l’intérêt qu’ils peuvent offrir sous le rapport historique”.  L’auteur explique le sens de chaque expression et, donnant au besoin des informations complémentaires sur leur origine et leur formation, il opère des rapprochements avec des maximes françaises ou étrangères de sens comparable.

En revanche, l’ouvrage de GRATET-DUPLESSIS souffre de ne pas suivre un plan très clair. Les proverbes sont ordonnés selon un classement alphabétique de “mots-clés” : Amour, Phénix, Honneur, Diable, Poule, Danger, Rien, etc. De ce fait, les différentes expressions n’étant pas matérialisées par des entrées ou des chapitres, c’est au lecteur de se débrouiller pour retrouver ce qu’il cherche, aidé néanmoins par une table alphabétique en fin d’ouvrage. Ainsi, l’expression “C’est le greffier de Vaugirard, il ne peut écrire quand on le regarde” est classée non à Greffier mais à Vaugirard.

Le lecteur contemporain reconnaît dans l’ouvrage beaucoup d’adages depuis longtemps intégrés au langage courant, comme “La vérité sort de la bouche des enfants”, “Un homme averti en vaut deux”, “Les murs ont des oreilles” ou “L’union fait la force” ; mais il retrouve également des expressions devenues peu usitées, dont voici quelques exemples : “L’aigle d’une maison n’est qu’un sot dans une autre”, “À laver la tête d’un âne, on perd son temps et son savon”, ” Qui n’entend qu’une cloche n’entend rien”, “Qui compte sans son hôte compte deux fois”, “La consolation des malheureux est d’avoir des semblables”, “Du cuir d’autrui l’on fait large courroie”, “Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez”,  “Faire de l’arbre d’un pressoir le manche d’un cernoir”, etc.

En 1853, un travail de GRATET-DUPLESSIS, consacré à LA ROCHEFOUCAULD, auteur fameux s’il en est de maximes et sentences morales, sera publié de manière posthume.

La collection Dicopathe possède également du même auteur une réédition de 1860 de la Petite Encyclopédie des proverbes français.

Quelques proverbes extraits de l’ouvrage

*J’ai payé tous mes Anglais : Le mot Anglais est ici synonyme de créanciers. Les rois de France ont eu tant de démêlés avec les rois d’Angleterre, ils ont eu si souvent des comptes à régler avec eux, que l’on comprend sans peine comment les deux mots ont pu à la longue se confondre dans une même signification. Ainsi le roi Jean, emmené prisonnier à Londres après la bataille de Poitiers, dut payer à l’Angleterre, pour se racheter, une forte rançon dont la France fit les frais ; et dans plus d’une circonstance analogue, notre pays dut payer de fortes indemnités aux Anglais, qui étaient ainsi devenus pour nous des créanciers impitoyables dont on se trouvait toujours fort heureux d’être débarrassé.

*Chou pour Chou, Aubervilliers vaut bien Paris : Il n’est si petit village qui ne puisse avoir sa renommée ; il n’est si petit homme qui ne puisse avoir sa valeur relative. Aubervilliers est un village peu éloigné de Paris, où l’on cultive les choux avec succès.

*Il est comme l’anguille de Melun, il crie avant qu’on l’écorche : On applique ordinairement ce dicton aux gens timides et faibles qui s’affligent outre mesure d’un malheur probable, bien longtemps avant qu’il les ait atteints. On raconte à ce sujet l’anecdote d’un nommé Languille, habitant de Melun qui, chargé dans une des pièces religieuses de l’époque, de remplir le rôle de saint Barthélemy, se mit à crier de toutes ses forces bien avant que l’acteur bourreau eût fait le moindre geste qui menaçât de l’écorcher. Si c’est là l’origine réelle de cette locution proverbiale, comme l’affirment quelques écrivains, il faudrait alors écrire sans apostrophe le mot Languille.

*D’une buse on ne saurait faire un épervier : L’éducation peut avoir sans doute beaucoup d’action et d’influence ; mais elle n’en saurait avoir au point de donner de l’intelligence à l’enfant qui en est dépourvu, de l’esprit à un sot. En cela, comme en tout, c’est la nature qui fait les premiers frais, et le talent de l’instituteur consiste principalement à rechercher, à discerner avec sagacité, dans l’enfant confié à ses soins, les germes plus ou moins précieux qu’il a mission de développer et de faire parvenir à une heureuse maturité. Que de gens se sont trompés, faute d’avoir pris ces indispensables précautions, et se désolent ensuite de n’avoir pu faire un aigle de celui qui n’avait en lui d’étoffe que pour un oiseau d’un ordre inférieur ! Les Corses ont une manière assez plaisante de dire la même chose dans un de leurs proverbes : “D’une queue d’âne on ne saurait faire un écheveau de soie.”

*Donner de l’eau bénite de cour : Locution proverbiale d’un autre temps, et qui, quoiqu’en usage encore et parfaitement comprise aujourd’hui, ne trouve plus guère son application dans nos mœurs actuelles. Elle rappelle la politesse de bon goût, familière aux gens de cour d’autrefois, qui se piquaient au moins de recevoir les solliciteurs avec bienveillance, s’ils leur donnaient quelquefois des espérances qu’ils n’avaient pas l’intention de réaliser. C’était aussi une manière d’adoucir ce qu’un refus a toujours de pénible. Les Anciens appelaient cela « vendre de la fumée ». On ne sait plus guère chez nous donner ce qu’on appelait jadis de l’eau bénite de cour ; ce n’est pas que les puissants du jour soient plus exacts ou plus empressés à tenir les promesses que leur arrache l’importunité des solliciteurs ; c’est tout simplement parce qu’ils sont assez mal élevés, et qu’ils ne se croient nullement obligés d’être polis.



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