Essai sur les félicités humaines, ou Dictionnaire du bonheur
dédié aux enfans de tous les âges
Auteur(s) : PERIE-CANDEILLE Amélie-Julie
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Jeune musicienne prodige, chanteuse et claveciniste, Amélie-Julie CANDEILLE développe très précocement ses dons sous la houlette de son père, Pierre-Joseph, lui-même musicien. Son talent lui permet de participer à des concerts d’orchestre de chambre et, dès l’âge de sept ans, l’occasion lui est donnée de se produire devant le roi. Vers 1781, elle est initiée dans une loge maçonnique d’adoption, ouverte aux femmes, dite “loge de la candeur”. Elle y fréquente plusieurs membres éminents du monde de la musique et du théâtre, dont Olympe de GOUGES.
Après un passage à l’Académie royale de musique, première appellation de l’opéra de Paris, elle entre à la Comédie-Française en qualité de sociétaire. Elle y entame une carrière d’actrice qu’elle poursuit au théâtre des Variétés du Palais-Royal. Malgré d’évidentes affinités avec l’aristocratie, elle accueille avec enthousiasme la Révolution et devient une habituée des salons fréquentés par les personnalités politiques. En 1792, sa pièce Catherine ou la belle fermière rencontre un beau succès et lui vaut une réputation naissante d’auteur dramatique. En 1798, elle épouse un marchand bruxellois, Jean SIMMONS, dont elle se sépare en 1802. De retour à Paris, elle devient institutrice et donne des leçons de musique et de littérature. Elle entretient alors avec le peintre GIRODET une passion toute platonique.
Peu satisfaite de NAPOLÉON qui lui a refusé une pension pour son père, elle fait bon accueil à la Restauration. En 1821, elle épouse Hilaire-Henri PÉRIÉ. Celui-ci obtient la direction du musée de Nîmes où le couple part s’installer en 1827. Devenue femme au foyer, elle décide de se consacrer à l’écriture en s’attaquant à un sujet commun à la morale et à la philosophie : le bonheur humain. Comme elle le confesse elle-même, elle ressent le besoin de coucher sur le papier le fruit de ses réflexions, de ses lectures et de ses expériences : « Dévouée aux épreuves d’une vie agitée, poursuivie du regret de deux pertes récentes [son père et GIRODET], et dans l’éloignement de ma ville natale, j’avais grand besoin de la philosophie, de la plus douce, de la plus vraie. » Pour son ouvrage elle choisit la forme d’un dictionnaire.
L’Essai sur les félicités humaines ou dictionnaire du bonheur est publié en deux parties, en 1828 et en 1829. La mission que s’assigne Mme Amélie-Julie PÉRIÉ-CANDEILLE est ambitieuse : « Notre tâche consiste à fournir quelques armes contre les vices ou les défauts perfectionnés de l’époque où nous écrivons. » En réalité ce dictionnaire constitue un véritable billet d’humeur qui permet à l’écrivaine de faire partager au lecteur ses pensées et ses jugements personnels. Forte de son expérience d’éducatrice, elle entend délivrer des leçons de vie à portée universelle sous la forme d’une démonstration pédagogique. Rédigé dans un style souvent très enlevé mais emphatique, agrémenté d’anecdotes et de citations, l’ensemble constitue un guide de savoir-vivre et de “savoir-être”.
Associant le bonheur et la sagesse, Mme Amélie-Julie PÉRIÉ-CANDEILLE prône la vertu comme voie de la félicité. Elle ne cache pas son attachement au catholicisme, mais revendique clairement l’héritage des Lumières en plaçant la raison au même niveau que la foi, car « ni le pur amour, ni la religion, n’ont besoin qu’elle soit aveugle ». Le principal souci de l’auteur semble être d’éviter au lecteur de compromettre, le plus souvent par inadvertance ou ignorance, son bien-être et sa bonne fortune. Rédigés dans un style alambiqué et parfois théâtral, les articles sont composés comme autant de monologues parsemés d’exclamations et de questions-réponses.
Ce Dictionnaire du bonheur, dont l’exemplaire présenté ici contient les deux tomes, est la dernière œuvre majeure de cette femme active aux talents multiples. Frappée une première fois par une grave maladie en 1831, elle rechute deux ans après, à la mort de son mari. Regagnant Paris fin 1883, elle y décède deux mois plus tard.
Quelques définitions
Zèle : Prétexte de l’intrigue, de la ruse, de l’audace, voile dont s’enveloppent des vices attrayans et de fausses vertus, guide souvent aveugle de l’amour et de l’amitié…, excuse d’un écrivain pour les défauts de son ouvrage.
Exigence : Sottise en toutes situations. Avec la puissance, sottise, car elle porte à mesurer cette puissance. Avec la faiblesse, sottise, puisqu’elle la démontre et l’accroît par l’impossibilité d’obtenir ce qu’elle n’avait pas le droit de demander. Avec l’amour, sottise ruineuse ; avec la jalousie, sottise ridicule. Dans la faveur, sottise qui la fait perdre ; dans la disgrâce, sottise qui la prolonge ; et avec la raison, sottise qu’elle doit combattre, comme l’amour, pour son intérêt même.
Nouvelles : Le besoin de nouvelles, loin de provenir de l’amour du nouveau, annonce le plus souvent la crainte d’un changement dans les divers rapports qui nous restent avec le monde. Les jeunes gagnent aux mutations politiques, parce qu’on s’en sert comme de bons instrumens ; les vieillards ne peuvent qu’y perdre… Dans l’attente d’une nouvelle, supposons-la toujours moins bonne, et dans l’attente d’une mauvaise, préparons-nous à ce qu’il y a de pire. De cette façon, la surprise agréable n’échappera pas à notre philosophie.
Activité : Une activité plus importune, quoique peut-être moins redoutable, est celle que donne aux intelligences bornées le cours du sang. Les hommes, les femmes, embarrassés de cette pétulance, sans direction et sans but, et sans fin, ressemblent à l’écureuil courant dans le cylindre : il va, il va, il va… Il se fatigue, il persévère…, il se consume ; il est rendu ! Rien ne s’est fait et rien ne se fera ! Dieu nous garde de cette activité foudroyante, personnelle, admirable comme une belle horreur ; qui détruit, reconstruit presqu’aussi facilement, et qui du débris de ses œuvres, tire chaque jour le levier dont elle se sert pour remuer le Globe !