Monastères, religion catholique, Eglise catholique

Encyclopédie monastique

ou Histoire des monastères, congrégations religieuses et couvens qui ont existé en France. Recherches sur la justice Claustrale, les différentes coutures et cérémonies conventuelles et anecdotes sur les abus Monastiques

Auteur(s) : CHABOT Charles

 paris, Édouard LE ROY, libraire, rue du Marché-Saint-Honoré, 8
 édition originale
  1827
 1 vol (XX-448 p.)
 In-octavo
 veau marbré, dos lisse à filets dorés, pièce de titre de maroquin rouge


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Nous ignorons tout de la vie de E.-Charles CHABOT. Il est par conséquent légitime de se demander s’il ne s’agit pas d’un pseudonyme, d’un nom de plume. Il est parfois confondu dans les notices avec Jules CHABOT de BOUIN, mais il reste difficile de savoir s’il s’agit d’une seule et même personne. Quoi qu’il en soit, notre auteur, qui semble avoir été également chansonnier, s’est montré prolifique, signant une œuvre très éclectique. À son actif, nous trouvons aussi bien Kinne ou Que de génie en désordre : “variété en 99 couplets”, Ce bon monsieur de Robespierre !!, ou encore, de manière plus inattendue, un Dictionnaire des connaissances élémentaires que doivent étudier et posséder en matière d’administration municipale, de police judiciaire et municipale, de comptabilité des communes, les maires, adjoints, secrétaires de mairie.

En 1827, il publie L’Encyclopédie monastique, que nous vous proposons ici. CHABOT présente cet ouvrage comme un essai historique sur les “monastères, congrégations religieuses et couvents qui ont existé en France”, mais l’ouvrage est en réalité une charge clairement anticléricale. Les ordres religieux réguliers avaient été dissous et abolis sous la Révolution, et certaines congrégations séculières enseignantes et hospitalières avaient également été supprimées. Avec le retour des Bourbons, les congrégations feront un retour en force, ce qui désole très clairement un auteur qui juge ce clergé bien trop pléthorique et désireux de reprendre ses “mauvaises habitudes” de l’Ancien Régime, comme le goût des privilèges et la cupidité. Il annonce son parti pris dès l’introduction : “Anciennement, les ecclésiastiques vivaient des aumônes du peuple ; bientôt le peuple se verra réduit à vivre de leurs aumônes. L’esprit prêtre nous fait rétrograder chaque jour vers cet heureux temps où tous les Rois étaient sous la puissance des Évêques, et jamais la patrie n’a été dans un état de prospérité aussi déplorable.”

Ce dictionnaire n’est pas un véritable lexique, puisqu’il ne s’étend guère sur les définitions et même souvent les néglige. Il s’agit ici pour CHABOT de placer un grand nombre d’anecdotes, assorties de commentaires, qui mettent en avant, de manière plus ou moins subtile, les archaïsmes, les contradictions, les abus, l’hypocrisie ou même le ridicule des règlements et de certaines pratiques des ordres monastiques. Au fil des pages, il alterne le sarcasme et la rigueur scientifique d’un historien s’appuyant sur des sources et construisant un ouvrage plutôt bigarré et bancal, aussi bien dans le fond que dans la forme. Les articles, de longueur très inégale, servent de prétextes à des digressions érudites parfois incongrues, à l’image du chapitre Perruques, qui s’étend sur plus de soixante-dix pages. L’anticléricalisme, pourtant marqué, reste malgré tout tempéré dans le propos d’un auteur qui était sans doute soucieux de ne pas s’attirer les foudres des autorités.

 

Quelques extraits

*Barbe. De tous les moines barbus, le plus remarquable est le Capucin. Jamais petite maîtresse n’eut autant de soin pour une belle chevelure blonde, que le Capucin pour ces longs poils roux qui chargent son menton. Il peigne sa barbe avec coquetterie, la graisse avec complaisance, et l’enveloppe d’un petit sac de parchemin pour la préserver de la pluie. Cependant, on a vu des Frères conspirer contre un ornement qui trahissait l’incognito qu’ils voulaient garder quelquefois, et ourdir des trames perfides contre les barbes capucinales. Mais le Ciel a déjoué leurs tentatives impies, ainsi qu’on peut s’en convaincre en lisant un beau livre qui a pour titre Histoire des périls qu’a courus la barbe des Capucins.

*Gorgeon, Gorgeonner (techniques). Dans les couvents, chaque Frère avait ordinairement sa portion de vin ; mais, dans les jours de récréations ou de réjouissances, le père dépensier, armé d’une cruche au large ventre, faisait le tour du réfectoire en remplissant le verre de chaque convive : ce qu’on appelait, chez les Capucins, faire passer le gorgeon. Cette cérémonie était répétée toutes les fois que le père gardien rompait le silence au réfectoire. Lorsque celui-ci voulait devenir populaire, et passer pour libéral, il parlait souvent, afin que les frères pussent souvent gorgeonner.

*Récollets. Les Récollets forment une des branches de l’ordre séraphique, et ont le même Général que les Cordeliers. Jean Puebli, de Ferrare, fut le premier auteur de cette réforme qui commença en 1490, et fut secondé par le bienheureux Pierre d’Alcantara, dont les traits d’austérité font frémir. Il avait la tête pleine d’ampoules et de bosses des coups qu’il se donnait en passant par les portes, où il se heurtait exprès. Il marchait les yeux fermés, sans s’inquiéter des cailloux, ni des épines qu’il rencontrait en chemin, et qui déchiraient ses pieds toujours nus. Il portait sur la chair un rude cilice, tissu de cordes pleines de nœuds, ou une chemisette de fer-blanc. Pendant quarante-sept ans, il ne manqua jamais de prendre la discipline deux fois toutes les nuits, tantôt avec des cordes trempées dans le vinaigre, tantôt avec des liasses d’orties, ou bien avec des chaînes de fer. Avant sa mort, il demanda pardon à son corps de tous les mauvais traitements qu’il avait exercés contre lui.

*Obéissance aveugle. Lorsqu’en prenant l’habit, un religieux avait prononcé ces deux mots : promitto obedientiam, il était effectivement mort au monde ; car ce n’est plus vivre que de renoncer à l’impulsion de toute volonté. C’est l’abus du précepte de l’obéissance aveugle, qui a rendu despotique l’autorité de tant de Supérieurs, et qui a fait tant de religieux stupides.

*Pauvreté. En quoi consiste le vœu de pauvreté que font tous les moines ? me disait dernièrement un frondeur. Il oblige à renoncer à tous les biens de la terre. Cette promesse n’a-t-elle pas été oubliée quelquefois ? Non, car on excommuniait sans miséricorde ceux qui possédaient plus de quelques sous ; et chez les Minimes il fallait une permission pour écrire, car les Frères ne pouvaient pas se servir de papier sans violer le vœu de pauvreté. Mais je croyais que les religieux, et notamment les Minimes, avaient de grands biens, d’énormes revenus ? Oui, sans doute. – Ah ! je comprends, c’était le patrimoine des pauvres. Non, c’était le bien de la communauté. – Mais la pauvreté… Entendons-nous, un moine promet de ne rien posséder individuellement ; mais il ne renonce pas à sa part du bien de la communauté. Ainsi, dans une communauté composée de vingt pauvres moines, et qui auraient 60 000 francs de revenu, chacun jouirait de 3 000 francs pour sa part ? Rien de plus juste. Et anciennement, les moines, qui recueillaient le prix des sueurs des esclaves attachés à la communauté, ne violaient pas le vœu de pauvreté ? Non, sans doute. Quelle escobarderie ! s’écrie mon homme furieux ; est-ce donc pour posséder de l’or qu’on veut être riche ? Est-ce la privation de quelques pièces de monnaie qui rend le pauvre digne de pitié, ou l’impossibilité de satisfaire ses premiers besoins ? Heureuse pauvreté que celle qui n’exclut aucune jouissance ! J’allais répondre… Il était déjà loin.



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