Géographie, Géographie de la France

Dictionnaire usuel et scientifique de géographie

Contenant les articles les plus nécessaires de la géographie ancienne, ce qu'il y a de plus important dans la géographie historique du Moyen Âge , le résumé de la statistique générale des grands États et des villes les plus importantes du globe, et un grand nombre d'articles, pris dans les voyages publiés ou inédits de l'auteur. suivi d'un Dictionnaire des villes et communes de France

Auteur(s) : DOMENY de RIENZI Louis Gabriel

 Paris, LANGLOIS et LECERCQ, libraires-éditeurs, rue de la harpe, 85
 troisième édition
  1843
 1 vol (XIV-1008-114 p.)
 In-octavo
 demi-basane prune, dos à nerfs, fleurons dorés, titre en lettres dorées
 orné de neuf cartes coloriées, dont huit dépliantes


Plus d'informations sur cet ouvrage :

À priori rien ne semblait destiner Louis DOMENY de RIENZI à une vie aventureuse et à une grande célébrité de son vivant. Notaire de son état, engagé dans l’armée napoléonienne, il est blessé à Wagram. Démobilisé, il entreprend un voyage en Italie puis, compromis dans la conspiration de MALLET, part en Amérique visiter plusieurs pays. Amnistié, il reprend du service en 1814 et 1815 et achève sa carrière militaire avec le grade de capitaine. Se consacrant désormais au journalisme et à la littérature, il prend part aux polémiques politiques du moment.

En butte à la défiance du pouvoir royal, il voyage à travers l’Europe avant de visiter le Caucase et le Proche-Orient. En 1821 il se trouve aux côtés des insurgés dans la guerre d’indépendance grecque, au cours de laquelle il devient général d’artillerie. Les combats terminés, il traverse l’Égypte, l’Arabie, l’Abyssinie, la Mésopotamie et la Perse. Poursuivant son périple, il parcourt l’Inde et la Chine avant de se rendre aux Philippines puis d’explorer l’archipel indonésien, les îles Salomon et la Polynésie. Au fil de son errance, il collecte un très grand nombre d’objets et rédige de multiples récits. Mais le navire qui le ramène avec sa précieuse cargaison fait naufrage en mer de Chine ; très affecté par la perte de sa collection, il voyage encore un certain temps temps en Asie. Après la Révolution de 1830, à l’occasion d’un passage à l’île Bourbon, il réussit à s’y faire élire comme député.

De retour en France, il devient membre de plusieurs institutions, dont la Société géographique et la Société Asiatique, et se lie d’amitié avec le navigateur DUMONT d’URVILLE. En 1833, il rédige un mémoire à l’attention du ministère de la Marine pour encourager les autorités à étendre l’influence française dans le Pacifique grâce à des projets d’implantation dans les îles Salomon, la Nouvelle-Guinée et Bornéo. L’année suivante, la maison d’édition Firmin-Didot le sollicite pour rédiger la partie océanienne de sa collection l’Univers pittoresque. Les trois volumes de l’Océanie ou cinquième partie du monde, revue géographique et ethnographique de la Malaisie, de la Micronésie, de la Polynésie et de la Mélanésie sont publiés entre 1835 et 1836. Cet ouvrage, qui n’est en réalité qu’une simple compilation réalisée à partir des récits de voyages de COOK, de BOUGAINVILLE et de DOMENY de RIENZI lui-même, connaît un grand succès et sera traduit en plusieurs langues.

Célèbre et estimé — il suffit, pour s’en faire une idée, de se référer à la longue liste de titres et d’honneurs qui figurent sous son nom sur la page de titre — DOMENY de RIENZI développe un nouveau projet : un dictionnaire général de géographie. Jugeant que la plupart des ouvrages existants sont truffés d’erreurs, se perdent dans une érudition foisonnante ou au contraire sont trop succincts et dépouillés, il aspire à élaborer un dictionnaire véritablement accessible au grand public « également éloigné de l’insuffisante brièveté d’une simple nomenclature et de l’aride prolixité des grandes compilations, résumant tout ce qui a été écrit de plus vrai, de plus judicieux, de plus récent, surtout dans les écrits des voyageurs, serait un véritable service rendu à un public qui recherche avec avidité les livres qui apportent rapidement la lumière ». Le Dictionnaire usuel et scientifique de géographie est publié pour la première fois en 1840. Une seconde édition voit le jour dès l’année suivante. La troisième, celle ici présentée, est publiée en 1843, l’année même du spectaculaire suicide de son auteur dans le parc de l’hospice de Versailles.

Dans son ouvrage DOMENY de RIENZI cherche à être le plus exhaustif possible, revendiquant le fait d’avoir pu faire figurer dans son livre « toutes les localités étrangères à la France dont la population est de 5 000 et parfois de 3 000 habitants ; quant à la France tous les bourgs et villages de 1 500 et quelquefois même de 1 000 habitants, ainsi que tous les chefs-lieux de cantons ». Se sentant investi d’une mission d’intérêt public, il se montre très pointilleux : « Un grand nombre de positions astronomiques sont inexactes dans les ouvrages géographiques et surtout dans les dictionnaires. J’ai fait tous mes efforts pour les rectifier, et je puis répondre de celles que j’ai relevées même… dans les plus belles contrées que j’ai parcourues dans les cinq parties du globe. » Il met un point d’honneur à indiquer les noms “autochtones” comme l’archipel de Nouka-Hiva au lieu des îles Marquises, ou Kouang-Tchéou pour Canton. En dehors d’un bref résumé introductif, l’auteur ne s’attarde pas sur les définitions des termes de géographie physique, son dictionnaire ne s’intéressant qu’aux noms de lieux et aux populations. Un Dictionnaire des villes et communes de France d’une centaine de pages, présenté sous la forme d’un annuaire indiquant pour chaque localité le département et l’arrondissement, complète le dictionnaire général.

Marqué par ses voyages, il montre un intérêt très marqué pour l’ethnologie, étayant ses analyses par ses souvenirs personnels comme ceux de son séjour à Macao ou de son passage à Nicobar. Il n’hésite pas à se mettre souvent lui-même en scène en usant de la troisième personne. En fonction des connaissances de l’auteur, les articles sont plus ou moins développés, certains peuples étant oubliés ou sommairement évoqués. En règle générale il s’attache à faire une description des mœurs et des coutumes des différentes ethnies, assorties des inévitables considérations physiques, psychologiques et raciales typiques de l’époque. Il s’attarde sur les Battas et leurs cruelles coutumes judiciaires, les différents groupes cosaques et tsiganes, ces derniers étant désignés ici comme Bohémiens, ou encore les mœurs des Patagons, des Kirghiz, des Berbères et des Aschantis.

Il fait sienne la théorie controversée de l’origine d’une race andamène (ou endamène), descendante d’un peuple qui aurait été expulsé de Papouasie avant de venir peupler l’Australie et aurait été remplacé par une autre famille de Mélanésiens : les Papouas. Cette hypothèse fera l’objet de débats passionnés entre DOMENY de RIENZI et DUMONT d’URVILLE. Il contribue de manière significative à faire connaître en France l’Océanie, continent encore très méconnu à l’époque, et à promouvoir une expansion coloniale dans cette partie du globe. Rappelons qu’après une tentative avortée en Nouvelle-Zélande, la France établira son protectorat à Tahiti en 1842.

Pour l’anecdote, signalons que la petite île Rienzi, située entre Bornéo et Palawan et “découverte” par notre auteur, fait l’objet d’un assez long article, dans lequel il raconte des anecdotes, comme par exemple son échange rituel de nom de famille avec le chef local. Il y évoque aussi son projet d’y fonder une sorte de société utopique mais, ajoute-t-il : « Le naufrage de l’auteur, l’injustice et l’égoïsme de quelques personnes ont ruiné ses espérances. »

Dès avant sa disparition, certaines personnes avançaient que DOMENY de RIENZI, en bon Méridional, avait parfois “amélioré” le récit de ses voyages et de ses aventures. De surcroît, certains biographes et éditeurs avaient également un peu tendance à embellir la vie d’un personnage naturellement peu enclin à la modestie et à la discrétion. Ces suspicions expliquent probablement le rapide effacement dans la mémoire collective de celui qui fut pourtant un véritable explorateur et eut le mérite de militer avec beaucoup de conviction pour le développement de l’enseignement de la géographie en France.



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