Dictionnaire universel, historique et critique des moeurs
loix, usages et Coutumes civiles, militaires et politiques ; et des cérémonies et pratiques religieuses et superstitieuses, tant anciennes que modernes, des Peuples des quatre parties du Monde. Contenant ce qu'il est important de connaître dans l'histoire des peuples ; leur culte, leurs dieux, leurs demi-dieux & leurs Héros ; leurs prêtres, leurs sacrifices, leurs superstitions, leurs ordres religieux, & généralement tout ce qui peut éclaircir les dogmes & la croyance des Chinois, des Japonais, des Siamois, des Indiens, des Tartares, des Mexicains, des Péruviens, & des différents peuples de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique & de l'Amérique. Les principales loix des nations, les tribunaux de justice, leurs droits & leurs prérogatives, leurs officiers militaires & de police ; & enfin tout ce qui peut donner des idées justes & exactes du génie & du caractère de chaque peuple, &c.&c.&c
Auteur(s) : COSTARD Jean-Pierre, FALLET Nicolas, CONTANT d'ORVILLE André-Guillaume
Plus d'informations sur cet ouvrage :
Après avoir tenté sa chance comme écrivain, Jean-Pierre COSTARD fait son apprentissage chez l’imprimeur HÉRISSANT au cours de l’année 1768. Il s’inscrit comme libraire à Paris en janvier 1769 et publie des ouvrages de littérature, de théâtre et de poésie, sans pour autant dédaigner les recueils et les compilations.
Le public français, alors fasciné par les grandes expéditions d’explorations comme celles de BOUGAINVILLE et de COOK, se montre particulièrement friand de récits de voyages, mais aussi, pour reprendre la terminologie de l’époque, de « descriptions des différentes parties du monde ». Ancêtres des encyclopédies de géographie générale, ces panoramas présentent les différentes civilisations connues du globe, en jouant la carte de l’exotisme. Aux données purement géographiques, ces encyclopédies associent des informations d’ordre historique, mais aussi ethnologique : organisation sociale, croyances et religion, us et coutumes, etc.
COSTARD se lance en personne dans l’élaboration d’un tel ouvrage, rédigé sous forme de dictionnaire et, pour ce faire, constitue une “Société de gens de lettres”. Participent à l’aventure deux écrivains, d’ordinaire plus portés sur le théâtre et la poésie : Nicolas FALLET et André-Guillaume CONTANT d’ORVILLE. Ce dernier a déjà collaboré, en parallèle à sa carrière d’auteur dramatique, à une série de compilations traitant de sujets très divers, dont certaines publiées par COSTARD lui-même.
Le Dictionnaire universel, historique et critiques des mœurs, loix, usages et coutumes en quatre volumes est édité au cours de l’année 1772. Selon BARBIER, COSTARD serait en droit de revendiquer la paternité d’un volume et demi, FALLET d’un demi-volume, et CONTANT de deux volumes.
Hétéroclite et inégal dans son contenu, ce dictionnaire fait figure de véritable cabinet de curiosités dans la mesure où il privilégie l’anecdote et la “petite histoire” à un récit structuré et pédagogique. On y retrouve pêle-mêle des récits mythologiques, des peuplades, des titres officiels et religieux, des corps militaires, des pratiques divinatoires, des talismans, des textes de lois, des fêtes populaires et des habitudes vestimentaires. Civilisation de référence pour l’Europe, l’antiquité gréco-romaine y est largement surreprésentée par rapport au reste du monde.
Malgré ce tropisme évident, l’ouvrage renseigne les lecteurs sur les mœurs encore assez mal connues de nombreux peuples. Les auteurs ne cherchent nullement à atténuer les préjugés de leur temps et n’hésitent pas à porter des jugements de valeur d’autant plus tendancieux que leurs sources proviennent souvent de récits de missionnaires. C’est ainsi qu’il est possible, en feuilletant l’ouvrage, de découvrir les coutumes funéraires des Lapons, les sacrifices cannibales pratiqués par les tribus du Brésil, la procession du Dairi au Japon, la liberté sexuelle des jeunes Malgaches (« les filles ont la liberté de disposer de leurs faveurs, & lorsqu’il est question de les marier, on ne fait aucune information sur leur conduite précédente »), le déroulement de la fête du Ramadan ou les curieux rituels de fécondité des Persanes.
Affichant sans ambiguïté, et ce, dès la préface, une vision hiérarchisée des coutumes et des croyances, ce dictionnaire des mœurs place la culture européenne au premier plan de l’humanité. Les auteurs revendiquent la supériorité du christianisme — “morale sublime” — et de l’Église catholique. D’entrée de jeu ils affichent clairement leur objectif : « La religion chrétienne, la seule, la vraie, la seule inspirée, la seule révélée, s’y montre dans ton son éclat, & les profondes ténèbres du paganisme, & les monstrueux dogmes de l’hérésie, qui l’assiègent de toutes parts, servent à rendre encore sa lumière plus brillante. » Ce parti-pris explique la place occupée dans le livre par la description des différents cultes religieux, des légendes, des récits mythologiques, des hérésies et des autres grandes religions.
Les multiples mouvements hérétiques qui ont proliféré de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge font tous l’objet d’un article. Les différentes Églises protestantes sont présentées afin de dénoncer leurs “erreurs”. Toujours étudiés en miroir du christianisme, les juifs, les “Grecs schismatiques”, et les musulmans, en tant que membres de religions monothéistes, font l’objet d’une attention particulière. Les autres croyances, aussi bien celles des anciens Romains, Phéniciens, Grecs et Égyptiens que les cultes des Japonais, des Chinois, des Indiens ou des Siamois, sont toutes classées, dans la table des matières, dans la catégorie “Idolâtres”
Au-delà de la religion et des croyances, l’étude des mœurs se résume ici le plus souvent à la description des lois “différentes”, des coutumes funéraires et nuptiales, des pratiques superstitieuses et magiques. Les auteurs cherchent à instruire le lecteur, mais sans relativiser les différences culturelles entre les peuples ni attenter à la supériorité morale et historique du catholicisme.
Par la suite COSTARD éditera de nombreux livres, comme en témoignent ses catalogues, dont des dictionnaires comme le Dictionnaire des voyages, et entretiendra des relations suivies avec des maisons d’édition suisses et hollandaises. Pour avoir publié un ouvrage sans autorisation, il verra son activité suspendue pendant un an et ne reprendra ses publications qu’à partir de 1775, puis il se tournera vers le journalisme. Mais, ses revers de fortune se multipliant, il sera embastillé, entre septembre 1781 et juillet 1782, pour avoir publié des libelles de JACQUET de LA DOUAY. En 1788, suite à de mauvaises affaires, il devra se réfugier en Allemagne. Il semble avoir interrompu son activité sous la Révolution pendant laquelle on perdra sa trace, et il mourra dans la misère à l’hospice de Bicêtre en 1815.
Deux ex-libris sont présents dans l’exemplaire de Dicopathe : un manuscrit au nom du capitaine GACHET, de la Légion étrangère, et un ex-libris moderne imprimé au nom de Paul BURGAUD.