Synonymes, Français (langue)

Dictionnaire universel des synonymes de la langue française

contenant les synonymes de GIRARD, BEAUZÉE, ROUBAUD, D'ALEMBERT, etc., et généralement tout l'ancien dictionnaire, mis en meilleur ordre, corrigé et augmenté d'un grand nombre de nouveaux synonymes

Auteur(s) : GUIZOT François Pierre Guillaume

 Paris, DIDIER, libraire-éditeur, 35, quai des Augustins
 quatrième édition revue et corrigée (la première édition date de 1809)
  1850
 2 vol : tome 1. A-H (XLIV-480 p.), tome 2. I-Z (500 p.)
 In-douze
 demi-basane brune, dos à quatre nerfs, filets dorés, titre et tomaison dorées


Plus d'informations sur cet ouvrage :

François GUIZOT sort d’une enfance agitée. En effet son père a été guillotiné en 1794 et sa famille a dû quitter Nîmes pour s’exiler à Genève. Grâce à la force de caractère de sa mère, il bénéficie d’une éducation solide et complète. Travailleur infatigable, il arrive à Paris en 1805 et rédige des articles dans Le publiciste, journal de Jean-Baptiste Antoine SUARD. La qualité de sa plume et sa large érudition le font peu à peu connaître du milieu intellectuel et littéraire de la capitale.

Grâce à l’entregent de la femme de lettres Pauline de MEULAN, sa future épouse, GUIZOT signe avec l’éditeur parisien Claude-François MARADAN un contrat l’engageant à reprendre et à augmenter un ouvrage dont il vient d’acquérir les droits : le Dictionnaire universel des synonymes de la langue française. Initialement rédigé par le libraire Benoît MORIN, ce livre a déjà été publié en 1801 et réédité l’année suivante. Cet ouvrage n’est pas une création ex nihilo mais une compilation établie d’après les grands auteurs qui, au XVIIe siècle, se sont consacrés à l’étude de la synonymie dans la langue française.

En marge des grammairiens et des étymologistes qui se succèdent depuis le XVIe siècle, d’autres philologues, appelés les “synonymistes”, étudient les nombreuses concordances sémantiques présentes dans le champ lexical français, jetant ainsi les bases d’une nouvelle branche de la linguistique française. Reconnu comme pionnier, l’abbé Gabriel GIRARD est le premier à doter l’étude des synonymes de bases scientifiques et méthodologiques. En 1718, il publie la Justesse de la langue françoise, qui constitue le premier véritable dictionnaire moderne des synonymes. Remanié et augmenté, ce livre est publié de nouveau en 1736 sous le titre de Synonymes français, leurs différentes significations, et le choix qu’il en faut faire pour parler avec justesse ; il s’agit de l’ouvrage fondateur sur lequel vont s’appuyer tous ses successeurs. En 1769, le grammairien et encyclopédiste Nicolas BEAUZÉE réédite l’ouvrage de GIRARD en le complétant par sa propre liste de synonymes. À noter que d’autres écrivains des Lumières, comme CONDILLAC, DIDEROT, D’ALEMBERT et JAUCOURT travaillent également sur le sujet. Enfin, en 1785, l’abbé André ROUBAUD publie les Nouveaux synonymes françois, en mettant plus particulièrement l’accent sur l’étymologie.

C’est donc à partir d’un corpus déjà compilé par MORIN que GUIZOT réalise une nouvelle mouture qui est publiée en 1809 sous le titre de Nouveau dictionnaire des synonymes de la langue française. La brillante carrière politique de GUIZOT, plusieurs fois ministre avant de s’imposer comme l’homme-clé du gouvernement de LOUIS-PHILIPPE, n’interrompt pas son travail lexicographique. Une seconde édition revue et corrigée voit le jour en 1822, puis une troisième en 1833, l’année même de la promulgation de la fameuse loi scolaire sur l’instruction publique portée par GUIZOT lui-même. Malgré sa chute et son exil consécutifs à la Révolution de 1848, son travail linguistique reste suffisamment estimé pour qu’une quatrième édition voie le jour en 1850. Il s’agit de l’ouvrage ici présenté.

Conformément au cahier des charges prévu dans son contrat, GUIZOT augmente le livre de près de 150 mots, en réhabilitant certains termes de GIRARD écartés par MORIN. Le nombre d’articles reste inchangé, mais ceux-ci sont remaniés et développés. Notre version de 1850, comme celle de 1809, comprend 1 342 articles. Par ailleurs, il allège les développements étymologiques souvent complexes de ROUBAUD pour ne conserver que « ceux… absolument nécessaires au développement de ses idées ».

Un des apports essentiels de GUIZOT est constitué par le texte d’introduction, un essai théorique sur la notion de synonyme et son importance dans l’étude de la langue française. Dès l’ouverture, il fait cette profession de foi : « Le caractère de la langue française donne encore pour nous un degré de plus à cette importance. Peu riche par le nombre des mots, notre Dictionnaire doit suppléer à cette indigence par la variété des significations. Un mot susceptible de trois acceptions est l’équivalent de trois mots ; il ne s’agit que de déterminer positivement la différence de ces acceptions ; cette détermination ajoute aux ressources de la langue par des distinctions fines, mais toujours vraies. »

Outre l’étymologie et l’analyse sémantique, GUIZOT accorde une place centrale à l’usage et donc à l’environnement social et historique de la langue : « Pour déterminer avec justesse le sens propre des termes, il faut connaître l’histoire des mœurs, des usages de la nation qui les emploie, et de celle à qui ils ont été empruntés. La langue est intimement liée avec les habitudes, les principes de ceux qui la parlent ; elle en dépend comme l’image dépend de l’objet, comme le signe dépend du signifié : cette liaison, moins sensible lorsque la grammaire formée et perfectionnée s’est mise en quelque sorte à l’abri de la variation des opinions, ne laisse pas d’avoir toujours une influence réelle. »

Une table des matières clôt le dictionnaire, permettant ainsi au lecteur de retrouver tous les termes cités ; elle s’avère d’autant plus utile que ceux-ci sont classés en fonction d’un mot principal. Par exemple, jargon et patois sont rangés sous le mot langage.

Cette synthèse sur les synonymes, dont la paternité sera désormais assumée par GUIZOT, poursuivra sa carrière et sera rééditée en 1859, 1861, 1863 et 1864. L’ouvrage s’imposera comme une référence malgré une rude concurrence, les dictionnaires de synonymes ayant été particulièrement nombreux à avoir été publiés au XIXe siècle. Citons parmi eux ceux de Jean-Étienne BOINVILLIERS, Jean-Baptiste LEROY de FLAGIS et surtout celui publié par Benjamin LAFAYE en 1858.



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