Dictionnaire médicinal

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Sur l’auteur de ce Dictionnaire médicinal, publié pour la première fois à Bruxelles en 1742 puis réédité à Paris en 1757, nous ne disposons que de peu d’éléments biographiques. La page de titre précise que Jean GUYOT est “docteur en médecine”, et dans la préface l’auteur révèle avoir exercé dans “les plus grandes villes de l’Europe” – certains indices laissant penser qu’il a séjourné en Angleterre – et passé trois années à l’Hôtel-Dieu de Paris.

 

À l’image d’autres abrégés publiés à la même époque – comme le Dictionnaire portatif de santé de Charles-Augustin VANDERMONDE -, il s’agit avant tout d’un ouvrage de vulgarisation. GUYOT, malgré sa formation et son titre, met un point d’honneur à s’éloigner de l’académisme, au point même, par moments, de remettre en cause le monopole de sa profession et certains dogmes obsolètes toujours très vivaces. Il témoigne d’ailleurs d’une certaine modestie – feinte ou sincère ? – quand il déclare que “dans l’art de la médecine, le meilleur maître est toujours apprenti ; la science est trop longue à acquérir, la vie trop courte & l’expérience trop difficile pour sortir des bornes de l’apprentissage”. Il s’oppose à une médecine ésotérique, trop théorique et “bavarde” qui, à dessein, cultive son mystère pour rester inaccessible au “vulgum pecus“.

 

GUYOT souhaite proposer des “remèdes éprouvés” et faire partager des réflexions issues de sa propre expérience professionnelle. Il écrit, dans sa longue préface : “On peut être surpris qu’entrant dans les vues de l’institution de la médecine & de la société, qui a reçu les médecins dans son sein, je me livre ainsi au bien public. Oui, je l’ose dire : l’humanité & la pitié sont les deux mobiles de ma plume […] Qu’on ne s’attende pas à trouver dans cet ouvrage une théorie inutile à mon propos, de définitions, d’aphorismes, de dissertations, de critiques, ni d’élocutions mystérieuses, inintelligibles à Dieu. Je n’ai pas dessein de former des docteurs en Médecine. Celui que je me propose est de rendre un chacun savant & expérimenté pour lui-même, & de lui montrer le moyen sûr & court de jouir de la santé & de changer sa mauvaise situation en bonne, & la bonne en meilleure.” En outre, il témoigne d’une prudence inaccoutumée pour l’époque, en prenant soin de préciser qu’un même remède n’agit pas forcément avec la même efficacité selon les individus, tout en mettant en garde contre les remèdes, souvent trop violents voire corrosifs, promus par des charlatans ou des praticiens peu regardants.

 

L’ouvrage se présente en plusieurs parties. La première est un dictionnaire classique qui, dans une série d’articles allant d’Abcès à Yeux, propose pour chaque entrée des recettes et des remèdes adaptés. À sa suite, il présente, sur une douzaine de pages, une liste de remèdes connus, comme l’Eau précieuse, les Gouttes d’Angleterre, l’Élixir de Garus, l’Eau de Mélisse ou encore l’Eau des Carmes, avec leurs compositions, leurs posologies et leurs vertus. Plus loin, il s’attarde également sur “les plantes les plus connues et les plus en usage”. Sans doute soucieux de rendre son ouvrage utile aux habitants des campagnes, il joint également un deuxième dictionnaire abrégé recensant les “remèdes pour les chevaux et les bestiaux”. Sur la page de titre, GUYOT indique d’ailleurs avoir largement puisé dans “le cahier d’un des plus grands écuyers qui ait vécu jusqu’à nous”.

 

Bien que revendiquant la simplicité de ses remèdes, beaucoup d’ingrédients et même de préparations requièrent les services d’un apothicaire expérimenté. Étonnamment, certaines des recettes présentées semblent parfois plus relever de la magie voire de l’alchimie que de la pharmacie académique, mais, à l’époque, la médecine ne s’est pas totalement affranchie de son héritage, de sorte que la théorie des humeurs est omniprésente ainsi que le cortège plus ou moins fantaisiste des saignées et purgatifs en tous genres.

 

Si notre médecin ne semble pas avoir publié par la suite, son ouvrage connaîtra une réédition en 1763. Les “dictionnaires de santé” vont continuer à proliférer durant tout le siècle et le suivant, pour rencontrer un succès croissant auprès d’un public de plus en plus large.

 

Extraits

 

Eau de Dalibous contre les coups d’épée ou d’armes blanches. Prenez une chopine d’eau de fontaine dans laquelle vous jetterez une dragme de vitriol blanc, autant de vitriol bleu & autant de camphre ; vous les laisserez infuser à froid pendant vingt-quatre heures ; après quoi vous pouvez vous en servir pour bassiner les blessures & y en appliquer des compresses mouillées.

 

Dos enflé par la selle. Faites fondre un morceau de beurre frais à petit feu avec un peu de sel dans une écuelle ; retirez l’écuelle du feu & jetez-y du vin rouge à proportion ; battez le tout ensemble jusqu’à ce que le beurre se ramasse en forme d’onguent. Alors, jetez le vin & servez-vous de ce beurre pour en bassiner l’enflure.

 

Fièvre. Prenez des grenouilles vertes de haie ; celles qu’on trouve sur les branches sont les meilleures ; faites-les sécher entre deux pots dont les jointures sont fermées avec de la pâte, réduisez-les en poudre subtile, que vous passerez par un tamis de soie. Prenez encore des racines de chicorée sauvage, de mauve & de persil ; faites-les sécher & mettez-les en poudre subtile séparément. Mêlez une once de la poudre de grenouilles, avec une demi-once de celle de chicorée, deux dragmes de celle de mauve & autant de celle de persil. La dose est d’une dragme depuis quinze jusqu’à soixante ans ; pour les jeunes, deux scrupules, & aux enfants, un scrupule. Cette poudre se met dans un demi-verre d’eau-de-vie, & quand elle est précipitée dans le fond du verre on y mêle un demi-verre d’eau qu’on bat bien ensemble, & le malade avale tout. Après quoi on lui fait rincer la bouche avec de l’eau & du vinaigre, sans qu’il en avale. Il doit user de tisane faite simplement avec la racine de chicorée sauvage & la réglisse, pendant l’usage de ce remède.

 

Hypocondres. On connaît qu’une personne est attaquée d’affections hypocondriaques lorsqu’elle est inquiète & chagrine sans sujet ; qu’elle est timide sans raison, qu’elle se feint des causes de mort ou de maladie, & lors qu’ayant des rapports aigres, la respiration difficile & crachant fréquemment, elle a des palpitations de cœur & des bruits dans le ventre. On peut dire avec vérité que cette maladie est l’écueil de la médecine & très difficile à guérir. Il n’en est point en effet qui demande une cure plus méthodique. Il faut commencer par deux ou trois vomitifs & se servir du tartre émétique, & quoique les purgatifs mal ordonnés soient contraires à ce mal, il faut néanmoins donner celui que j’ai prescrit pour l’hydropisie avec la racine de jalap dans un verre de tisane apéritive.



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