Dictionnaire hydrographique de la France
contenant la description des rivières et canaux flottables et navigables dépendans du domaine publi, avec une carte et un tableau synoptique indiquant le système général de la navigation intérieure ; ouvrage couronné par l'Académie des sciences ; suivi de la collection complète des trafifs des droits de nagigation
Auteur(s) : RAVINET Théodore
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Malgré quelques réalisations spectaculaires comme le canal de Briare, le canal d’Orléans et le canal du Midi, au début du XIXe siècle le réseau des voies navigables français reste encore sous-développé. Le transport fluvial, une alternative particulièrement intéressante au transport terrestre lent, coûteux et aléatoire, offre pourtant de belles perspectives pour le développement des échanges et l’expansion du commerce et de l’industrie. Conscientes de cet état de fait, les autorités publiques, sous l’Ancien Régime comme sous l’Empire, cherchent à relancer des grands travaux, comme ceux du canal de Bourgogne ou des canaux bretons ; mais ces projets sont souvent ralentis voire abandonnés par manque de crédits et à cause d’un contexte international de guerre permanente.
Au retour des Bourbons, le projet de doter la France d’un “système de navigation intérieure” à grande échelle devient d’actualité, bénéficiant désormais d’un contexte général favorable et de nombreux appuis dans le monde économique et politique. Le projet est d’autant plus crédible que le pays dispose d’ingénieurs très qualifiés appartenant au corps des Ponts et Chaussées. Louis BECQUEY, devenu directeur général de cette institution en 1817, va consacrer toute son énergie à l’amélioration du transport en France, qu’il soit routier ou fluvial. En août 1820, il rend son Rapport au roi sur la navigation intérieure de la France. Dans ce texte, fort débattu au sein même du gouvernement, il préconise de compléter le maillage des canaux en articulant le réseau autour de sept lignes principales qui relieraient les façades maritimes entre elles et auxquelles seraient adjoints les canaux secondaires. Le coût de ce projet ambitieux, qui porte sur plus de 220 000 kilomètres de voies navigables, s’élève à un milliard de francs. Pour parvenir à en boucler le financement, le Plan Becquey suggère de favoriser la constitution d’associations de particuliers désireux d’investir dans ces projets, prévoyant que les plus importants d’entre eux pourraient même faire l’objet de concessions. Ce plan, officialisé par des lois votées en 1821 et 1822, va permettre de lancer de nouveaux chantiers financés par des emprunts d’État, à l’exception de quelques rares concessions privées.
C’est donc dans un contexte marqué par une véritable “frénésie” de constructions de canaux qu’un sous-chef à la Direction générale des Ponts et Chaussées, nommé Antoine-Louis-Théodore RAVINET, publie un Dictionnaire hydrographique de la France, qui sera patronné par l’Académie des sciences. Dans son avant-propos, l’auteur précise d’emblée qu’il s’inscrit dans la démarche initiée par BECQUEY, auquel il dédie le livre. C’est ainsi qu’il écrit : “J’ai cru les circonstances favorables à la publication d’un Dictionnaire hydrographique qui contînt la description succincte de tous les canaux déjà faits et de ceux qui vont vous devoir leur existence, ainsi que de toutes les rivières flottables et navigables qui peuvent devenir la matière première de nouveaux canaux.” Si son ouvrage se veut accessible au plus grand nombre, il vise en premier lieu les autorités locales, ainsi que “ceux dont les spéculations consistent à transporter à de grandes distances les objets du commerce, tant intérieur qu’extérieur, qui ont besoin de connaître toutes les lignes navigables qui peuvent faciliter ces transports; il leur importe aussi de savoir avec quel tirant d’eau les bateaux peuvent naviguer sur les rivières ou canaux qu’ils ont à parcourir, ainsi que le chargement qu’il est possible de donner à ces bateaux dans les différentes saisons de l’année”. En outre, comme les rivières et les fleuves font partie du domaine public, RAVINET pense que son texte peut intéresser ceux qui y vivent et y travaillent : “Il peut servir à éclairer les propriétaires riverains sur les droits et les charges de l’État, tant sous le rapport des irrigations, de la jouissance de la pêche, du chemin de halage et du marchepied, de la propriété des îles et îlots, que sous le rapport du curage et de l’entretien des rivières.”
Le dictionnaire proprement dit occupe moins de 300 pages. Organisé par ordre alphabétique, il donne une description des cours d’eau navigables mais aussi du flottage, technique très utilisée pour le transport du bois. RAVINET prend soin de préciser, pour chaque rivière, les endroits où elle est praticable et la longueur des tronçons navigables pour permettre de calculer les droits de navigation, lesquels sont repris à la fin du second volume. Il fournit également des données techniques sur les canaux existants, sans oublier de lister les travaux en cours et les projets déjà approuvés. Notre ingénieur complète enfin son dictionnaire par un Tableau synoptique très complet, où se retrouvent classés, par ordre de bassin, les rivières et les canaux précédemment décrits.
Après la publication de cet ouvrage, RAVINET poursuivra une belle carrière de chef de service au ministère des Travaux publics. Il publiera, en 1829, un Code des Ponts et Chaussées et des Mines, qui connaîtra plusieurs éditions et sera complété de suppléments. Il sera en outre décoré de la Légion d’honneur.
Quelques extraits :
*SÉLUNE. (Bassin de la Sélune) Petite rivière qui prend sa source près de Baranton, département de la Manche, et qui, sans sortir de ce département, se jette dans la baie du Mont-Saint-Michel. Elle est navigable depuis Ducey jusqu’à son embouchure, sur une étendue de 8 000 m. Mais cette navigation, qui ne sert qu’à transporter des tangues de mer, du bois et du cidre, ne peut avoir lieu que douze à quinze jours par mois, à l’époque des marées de vives eaux de pleine et nouvelle lune.
*EICHEL. (Bassin du Rhin) Rivière qui a sa source près de Ratzweiller et qui se jette dans la Sarre, près de Weitzheim, département du Bas-Rhin. Le flottage s’y fait à bûches perdues, dans ce département, depuis Hambach jusqu’à la Sarre, sur une étendue de 25 000 m. Il existe, sur le cours de cette rivière, plusieurs moulins avec des pertuis pour le passage des bois ; leur largeur est de 1 m 80. Le flottage n’a lieu que pendant le mois d’avril ; la quantité des bois flottés est annuellement d’environ 5 000 stères.
*CANAL DE LUÇON. (Bassin du canal de Luçon) Ce canal, situé dans le département de la Vendée, est un vieux chenal amélioré, en 1807 et 1808, par des travaux exécutés aux frais du gouvernement, entre Luçon et l’écluse dite du Chapitre. Il a son origine à Luçon, traverse les marais desséchés de Fraisy et de Saint-Michel-en-Lherm, et se jette dans la mer, à l’anse de l’Aiguillon. Il reçoit, un peu au-dessous de Luron, par une rigole dite canal ou ceinture des Hollandais, les eaux des marais inondés par la Vendée, et est en outre alimenté, pendant les sécheresses, par la retenue des eaux de la mer, qu’on y introduit. Sa longueur totale est de 14184 m 90. L’écluse du Chapitre, qui n’a que 4 m 60 de largeur, se compose d’une vanne pour retenir les eaux dans le canal, et de portes de flot pour y laisser entrer la mer à volonté. La profondeur d’eau du canal dépend de la marée ; elle est communément de 1 m 50 à 1 m 60 ; mais on peut, à chaque nouvelle ou pleine lune, la porter à 2 m au moins. Les bateaux qui fréquentent le canal de Luçon portent de vingt à trente tonneaux ; ils ont de 20 à 21 m de longueur, et 3 m 60 de base. Le gouvernement vient d’approuver un projet qui a pour objet de donner au canal de Luçon une profondeur d’eau de 3 m et de substituer à l’écluse existante une nouvelle écluse avec portes d’èbe et de flot, d’une largeur de 6 m 50 entre les bajoyers.