Argot, Français (langue)

Dictionnaire historique d’argot

neuvième édition des Excentricités du langage, augmentée d'un supplément mis à la hauteur des révolutions du jour

Auteur(s) : LORÉDAN LARCHEY

 Paris, E. DENTU éditeur, libraire de la Société des gens de lettres, Palais-Royal, 15-17-19, galerie d'Orléans
 neuvième édition augmentée (la première date de 1859 )
  1881
 1 vol (XLIII-365- XVII-134 p.)
 In-douze
 demi chagrin fauve d'époque, plats marbrés, dos à cinq nerfs orné, titrage doré


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Fils de général, Étienne Lorédan LARCHEY suit les cours de l’École des chartes mais, échouant en  troisième année, il abandonne son cursus pour se consacrer à la littérature, l’histoire militaire, le dessin et la gravure ; il finit par travailler comme bibliothécaire dans plusieurs bibliothèques parisiennes. En 1855, en créant La Revue anecdotique des lettres et des arts, il entame une prolifique carrière d’écrivain “polygraphe”, sous le nom de plume de LORÉDAN LARCHEY. Profitant de son accès à des fonds documentaires de première importance, il se lance dans l’étude de l’histoire militaire et de la philologie moderne, domaine dans lequel son intérêt se focalise sur les parlers populaires et argotiques. Entre 1858 et 1859, après avoir publié ses travaux dans sa propre revue, il les rassemble dans un livre, qui sort en 1860 sous le titre Les Excentricités de la langue française. Cet ouvrage connaîtra dès 1861 une seconde édition intitulée Les Excentricités du langage ; puis son succès ne se démentira plus, au point de compter onze éditions jusqu’en 1889 et d’être constamment réédité jusqu’à nos jours. L’édition présentée ici, la neuvième datée de 1881 sous le titre de Dictionnaire historique d’argot, intègre un supplément de 2 784 mots nouveaux par rapport à sa devancière.

L’engouement pour l’ouvrage s’explique par le fait que l’argot, devenu “tendance”, est largement utilisé par les journalistes à la recherche d’authenticité et de folklore urbain. Mais, surtout, cette forme de langage codé, autrefois réservée au petit peuple des villes, aux milieux professionnels, aux militaires, aux étudiants, aux marginaux et à la pègre, est désormais abondamment utilisée dans la littérature. Des auteurs comme Victor HUGO, Eugène SUE ou BALZAC, contribuent largement, au même titre que VIDOCQ dans ses Mémoires, à diffuser ce parler dans toutes les classes sociales. Le livre de LORÉDAN LARCHEY présente donc l’incontestable intérêt d’être l’un des premiers ouvrages à mettre un lexique exhaustif à la disposition d’un public devenu très friand du “langage de la rue”.

L’auteur s’est avant tout attaché à l’argot parisien car, de son point de vue, c’est dans la capitale que “se fabriquent ou se retrempent tous les mots nouveaux : ceux du bagne comme ceux du sport, ceux du boudoir comme ceux de l’atelier, ceux de la caserne comme ceux des couloirs de l’Assemblée, ceux de la Halle comme ceux du collège et du journalisme”. Dans une longue introduction, l’auteur revient sur le processus par lequel se forme le vocabulaire argotique. Il explique comment, pour forger un néologisme, l’argot emprunte un terme existant pour arriver à le déformer et à modifier son sens premier. Pour démontrer tout l’intérêt et la richesse de cette langue “alternative”, il emprunte à BALZAC la phrase suivante : “Il n’est langue plus énergique, plus colorée que celle de ce monde… L’argot va toujours, d’ailleurs ! Il suit la civilisation, il s’enrichit d’expressions nouvelles à chaque nouvelle invention.”

Si les définitions proposées par LORÉDAN LARCHEY sont généralement brèves, celui-ci est attentif à donner, si nécessaire, l’origine historique ou étymologique d’un mot ou d’une expression. Par exemple, pour expliquer le terme Prussien qui, en argot, signifie derrière, postérieur, il relate que ce terme fait allusion aux dysenteries qui décimèrent l’armée prussienne pendant l’invasion de 1792 ; que le Dessus du panier se réfère au  procédé des marchands qui placent les plus beaux fruits au-dessus du panier ; alors que Binette, dans le sens de tête, vient de Benoît BINET, perruquier de LOUIS XIV réputé pour ses créations extravagantes. Notre collectionneur d’argot émaille également une grande partie de ses articles de citations puisées dans une variété de sources, parmi lesquelles nous retrouvons aux places d’honneur VIDOCQ, SUE, HUGO et RABELAIS, à côté de “littérateurs” et de chansonniers moins connus, comme Alexandre PRIVAT d’ANGLEMONT, Jules LADIMIR, Paul de KOCK, et Arthur HALBERT d’ANGERS. Il a également repris des extraits de pièces de théâtre, de mémoires, de romans, de chansons, de journaux et de publications satyriques. Parmi les auteurs cités dans Le dictionnaire historique d’argot, il est surprenant d’y retrouver Alfred DELVAU. En effet, un sérieux différend opposa les deux hommes après la publication, en 1866, du Dictionnaire de la langue verte, que LORÉDAN LARCHEY avait dénoncé comme un grossier plagiat de son œuvre. Après arbitrage de la Société des gens de lettres, le livre de DELVAU dut être remanié et corrigé, avant de connaître une seconde édition augmentée l’année suivante.

En feuilletant ce livre, nos contemporains peuvent constater que beaucoup d’expressions, autrefois jugées argotiques ou du moins familières, sont désormais largement passées dans le langage courant. C’est par exemple le cas de Mettre du beurre dans ses épinards, Bric-à-brac, Cracher au bassinet, Faire de l’œil ou encore Vacherie ; tandis que d’autres ont disparu, tels que Trychine (prostituée), Valtreusier (voleur de valise), Gougoucher (se plaindre), Solir sur le verbe (acheter à crédit), Faire godard (mourir de faim), Gâcher du gros (faire ses besoins), Galoubet (voix), etc. L’auteur ne s’arrête d’ailleurs pas au parler populaire, intégrant également dans son lexique des termes “à la mode”, parfois éphémères, en particulier des anglicismes comme Speech, Pickpocket, Gentleman, Puff, Blackbouler ou Raout.

À sa mort, qui surviendra en 1902, LORÉDAN LARCHEY laissera une bibliographie fournie, en particulier sur l’histoire militaire, mais c’est bel et bien ses travaux sur l’argot qui assureront sa renommée posthume. Après lui, d’autres auteurs se pencheront sur le sujet et publieront des dictionnaires de référence. C’est ainsi qu’il faut citer Lucien RIGAUD et son Dictionnaire d’argot moderne , le Dictionnaire d’argot fin de siècle de Charles VIRMAÎTRE ou, plus tardivement,  Les sources de l’argot ancien de Lazare SAINÉAN.

Quelques définitions extraites de l’ouvrage

*Crucifix à ressort, Crucifix : Pistolet.  Comme le crucifix, il se montre à l’heure suprême. 

*Moquer comme de l’an 40 (s’en) : Sous-entendu de l’an 40 de la République, c’est-à-dire d’un an qui n’arrivera point. Expression sans doute due aux royalistes de la première Révolution.

*Graisser le train de derrière : Donner le pied au cul.

*Toiles se touchent (les) : Il n’y a pas d’argent. Mot à mot, mes poches sont vides puisque les toiles se touchent.

*Numéro cent : Latrines — « Dans toutes les maisons du monde, j’ai ma chambre au numéro cent. » (J. CHOUX) — Jeu de mots né dans les hôtelleries à chambres numérotées, où les latrines portent le numéro 100 pour que personne ne s’y trompe. C’est aussi le numéro qui sent le plus.

*Gloria : Petit verre d’eau-de-vie versé dans une demi-tasse. — De même que le Gloria Patri se dit à la fin des psaumes, ce gloria d’un autre genre est la fin obligée d’un régal populaire. « À la chaleur d’une demi-tasse de café bénie par un gloria quelconque. » (BALZAC) On appelle aussi gloria une demi-tasse. — « Ne fût-ce qu’une absinthe ou un gloria. » (ABOUT)



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