Dictionnaire géographique des postes aux lettres de tous les départements de la République française
contenant les noms de toutes les villes, communes et principaux endroits, l'indication des départemens où ils sont situés et leur distance en kilomètres au plus prochain Bureau de poste par lequel il faut adresser les lettres. Dans lequel on trouvera les préfectures, sous-préfectures ou arrondissemens communaux et les chefs-lieux des cantons ou des justices de paix, les évêchés et archevêchés, les Tribunaux d'appel, criminels, de première instance et de commerce, les cohortes de la Légion d'honneur, les divisions militaires, les arrondissements maritimes, les hôtels des monnaies, les conservations forestières, les relais de postes aux chevaux, etc., les productions et le commerce de chaque lieu, les manufactures , fabriques, usines, forges, verreries, papeteries, mines, eaux minérales, etc. Présenté au Commissaire du gouvernement et aux administrateurs généraux des postes aux lettres.
Auteur(s) : LECOUSTURIER A.-F., CHAUDOUET F.
Plus d'informations sur cet ouvrage :
La poste royale date de Louis XIV, avec la création par Louvois, en 1676, de la Ferme des postes regroupant toutes les messageries existantes. En 1707 le pays compte sur le territoire plus de 800 relais de poste dont le nombre culminera à 1 300 à la veille de la Révolution. En 1789, les maîtres de poste sont destitués de leurs fonctions et remplacés par des directeurs et des contrôleurs de poste élus. L’affermage de la poste, officiellement supprimé en 1791, sera alors repris en gestion directe par l’État qui verra son monopole confirmé par l’arrêté du 27 prairial an IX (1801).
Le courrier est désormais transporté en malle-poste, et quarante routes postales sont instituées. En 1804, une Direction générale des postes, rattachée au ministère des Finances, est officiellement créée. Tous ces bouleversements justifient qu’un Dictionnaire géographique des postes aux lettres soit mis en chantier pour présenter le nouveau réseau et les règles qui régissent désormais la collecte et la distribution du courrier. Ce type d’ouvrage n’est pas le premier du genre, car un Dictionnaire des postes, rédigé par GUYOT, avait été publié pour la première fois en 1754 puis réédité en 1782 et 1787. Bien évidement, du fait de la Révolution et des importants bouleversements administratifs qui en ont résulté, cet ouvrage est devenu totalement obsolète.
Nous ne disposons que de peu de détails biographiques sur les deux auteurs de ce dictionnaire. À sa parution, A.-F. LECOUSTURIER est « sous-chef du Bureau de la recherche des lettres mal adressées », tandis que F. CHAUDOUET est « vérificateur de la taxe ». Nous sommes donc en présence de deux professionnels bien au fait du sujet à traiter et capables, de surcroît, de s’appuyer sur les informations fournies par les listes récapitulatives dites “Livres de poste”, régulièrement établies depuis 1707.
L’utilité première de cet ouvrage est rappelée dans le préambule. En effet chaque courrier doit désormais préciser le département où habite le destinataire, et le bureau de poste chargé de la remise dans le secteur où il réside. Certains départements, comme la Haute-Garonne, la Seine-et-Oise ou les Landes, sont très étendus, et un mauvais aiguillage du courrier est susceptible d’entraîner sa non-distribution. Précisons qu’à cette époque le courrier n’est pas encore remis à domicile, la France ne se dotant d’un service de facteurs qu’à partir de 1829.
Les notices se structurent comme suit : le nom de la localité, le département, le bureau de poste de référence, la distance entre la localité et ce bureau de poste. Ce qui donne par exemple : “Guisseny, Finist. Lesneven, 8 k.”, “Espedeillac, Lot. Figeac, 21 k.”, “Brain-sur-Allonne, Maine et L. Saumur, 12 k.” Le bureau de poste principal fait figure de chef-lieu. Pour chacun d’entre eux sont indiquées les institutions administratives civiles, judiciaires et militaires qu’il abrite, ainsi que les activités économiques, industrielles et commerciales majeures qui y sont représentées. Autres indications : la route postale auquel le bureau de poste est rattaché, mais aussi sa distance par rapport à la préfecture et à Paris « de sorte que l’on a pour chaque endroit de la République, sa distance approximative entre son chef-lieu de département et Paris ». Pour prendre l’exemple de Châteaudun, cela donne : “tribunal de 1ère instance, chef-lieu de sous-préfecture et du 3e arrondissement communal, sous-inspection forestière, chef-lieu de canton, relais de poste aux chevaux. Bureau de poste situé sur la route de Chartres à Vendôme, distant de 44 k. de Paris 136 k. Filature de coton”.
Les distances sont indiquées en kilomètres et non plus en lieues comme auparavant. Outre qu’il s’agit d’habituer les lecteurs au nouveau découpage administratif du pays, il convient de les initier à cette nouvelle unité de mesure : « Que le mot de kilomètre, auquel peu de personnes sont habitués, n’effraye cependant pas. Il y a à la suite de cet avertissement un tableau de réduction des kilomètres en lieues. »
L’ouvrage cherche à remettre de l’ordre dans la toponymie du pays. Pendant l’épisode révolutionnaire, bien des villes et des localités ont changé plusieurs fois de nom, ce qui entretient une certaine confusion. Par exemple, en quelques années Saint-Malo a été successivement rebaptisée Port-Malo, Commune-de-la-Victoire et Mont-Mamet, avant de retrouver son nom d’origine. L’auteur précise que « les anciens et véritables noms des villes ont été rétablis, à l’exception d’un très petit nombre dont les changements ont été maintenus par les arrêtés des Consuls contenant la division du territoire de la République en justices de paix, et qui, aux termes de l’arrêt du 9 fructidor an IX, doivent seuls déterminer le nom qui sera donné à l’avenir ». Quelques villes conserveront finalement leur nom révolutionnaire à l’instar de Bourg-la-Reine, devenu Bourg-Égalité, de Brie-Comte-Robert, remplacé par Brie-sur-Hières, ou encore de Port-Louis qui gardera sa nouvelle dénomination de Port-Liberté.
En 1817, LECOUSTURIER fera paraître une nouvelle édition de son dictionnaire des postes dont la publication sera ensuite reprise en direct par l’administration des postes. Actualisée et remaniée en 1835, une nouvelle version paraîtra en 1837 puis en 1845. Par la suite, la société Oberthur de Rennes, bénéficiant d’une délégation pour l’imprimer, l’éditera sous son nom. En 1884, l’ouvrage deviendra le Dictionnaire de postes et des télégraphes. Après 1913, il ne fera plus l’objet que de simples mises à jour, la dernière datant de 1922. En parallèle, les livres de postes, sous le titre d’État général des postes, continueront à être publiés jusqu’en 1859.