Breton (langue)

Dictionnaire français-celtique, ou français-breton

nécessaire à tous ceux qui veulent apprendre à traduire le françois en celtique ou en language breton, pour prêcher, catéchiser selon les différents dialectes de chaque diocèse, utile et curieux pour s'instruire à fon de la langue bretonne et pour trouver l'étymologie de plusieurs mots françois et bretons de noms propres de villes et de maisons

Auteur(s) : GRÉGOIRE de ROSTRENEN

 à Guingamp, chez Benjamin JOLIVET, imprimeur et libraire-éditeur, reliure signée WEBER et portant le nom du Dr HULOT
 revu et corrigé (nouvelle édition, la première date de 1732)
  1834
 2 vol : tome 1. A-G (XXIV-468 p.), tome 2. H-Z (482 p.)
 In-octavo
 demi-basane brune, dos à cinq nerfs, titre et tomaison en lettres dorées


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Bien que très massivement parlé dans la partie occidentale de la péninsule bretonne, tout au long du Moyen Âge le breton n’a jamais été utilisé comme une langue administrative et “officielle”, car les élites lui préféraient le latin puis le français. Cette langue laissera pourtant quelques traces littéraires à partir du XVe siècle, avec en particulier la publication du Catholicon , achevé en 1464 mais imprimé plus tard, en 1499. Avec cet ouvrage, la langue bretonne se dotait de son premier dictionnaire plurilingue (breton-français-latin) moderne. Par la suite, ce sont surtout les religieux qui prendront en charge l’élaboration de manuels, de lexiques et de glossaires de breton. Le français n’étant guère pratiqué au quotidien dans une grande partie des campagnes, il s’avérera en effet nécessaire de fournir des outils pour aider les clercs à se faire bien comprendre de leurs ouailles. C’est ainsi que le père Julien MAUNOIR, en 43 ans, n’effectuera pas moins de 429 missions rurales dans la province et rédigera une grammaire et des dictionnaires bilingues qui renouvelleront en profondeur les règles orthographiques du breton écrit.

Cet objectif pastoral est également celui qui, quelques décennies plus tard, guide un certain GRÉGOIRE de ROSTRENEN, auquel nous allons nous intéresser aujourd’hui. Son identité correspond certainement à son nom religieux qui, avec le temps, s’est retrouvé accolé à celui de sa paroisse natale, certaines sources avançant que son vrai nom de famille était TANGUY. Nous ne connaissons pas avec certitude la date de sa naissance, peut-être vers 1667. Seuls éléments biographiques connus, nous savons qu’il entre dans l’ordre des Capucins en 1691, qu’il est ordonné prêtre à Saint-Malo en 1702, et qu’il séjournera au couvent de Quimperlé avant d’intégrer celui de Morlaix en 1730.

Quoi qu’il en soit, notre moine avait manifestement démontré certaines prédispositions pour la linguistique. Il avait par exemple constitué un recueil des mots bretons que, depuis 1700, il avait pris soin de collecter dans les diocèses voisins de celui de Vannes dont il était originaire. Vers 1720, le révérend père FRANCOIS-MARIE, originaire de Saint-Malo et provincial des Capucins, lui confie la mission de rédiger un nouveau dictionnaire français-breton “afin, écrit-il, d’aider par ce moïen nos jeunes religieux, & plusieurs ecclésiastiques zélés du pays, à traduire leurs sermons françois en breton, pour pouvoir prêcher aux peuples de la basse-province, dont la plus grande partie ne sait pas sa langue françoise”. Après douze années de travail, son Dictionnaire français-celtique ou français-breton est enfin publié à Rennes, avec le soutien des États de Bretagne, auxquels le livre est dédié.

En 1834, Benjamin JOLLIVET, imprimeur, libraire et éditeur à Guingamp, édite une nouvelle version du livre, celle présentée ici, mais il juge nécessaire d’y apporter un grand nombre de corrections, pour ne pas “avoir à ne livrer au public qu’un ouvrage où les fautes d’orthographe et de français ; les définitions inexactes, et par suite, les contresens, se fussent rencontrés par milliers”. En revanche, soucieux de conserver le cœur du travail de GRÉGOIRE de ROSTRENEN, il adopte le parti de ne pas modifier les termes imprimés en breton, même si certains sont incorrects et parfois utilisés à contresens. Autre modification, il sépare le I du J et le U du V, lettres qui se trouvaient mélangées dans l’édition originale.

GRÉGOIRE de ROSTRENEN reprend à son compte les origines “légendaires” du breton, qu’il considère volontiers comme l’un des derniers reliquats d’une langue celtique originelle, c’est-à-dire ʺune langue matrice ou une langue mère” dont découlerait la majorité des langues européennes. Une tradition, forgée au Moyen Âge, la faisait remonter à l’épisode de la tour de Babel, et plus précisément aux descendants de GOMER, fils de JAPHET et petit-fils de NOÉ. Pour soutenir cette thèse, l’auteur s’inspire très largement des théories développées par dom PEZRON dans son Antiquité de la nation et de la langue des Celtes, autrement appellez Gaulois, livre également présent sur Dicopathe. Au soutien de cette théorie, notre Capucin fait appel de manière abusive, voire même très fantaisiste, à l’étymologie. À son époque, le concept des langues indo-européennes n’était pas encore établi, et il était encore loisible de faire des rapprochements plus ou moins hasardeux entre les langues celtique, grecque, latine et persane.

Selon les cas, quand les différences sont notables, l’auteur traduit le terme français dans les différents “dialectes” bretons, puisque aussi bien la langue bretonne n’est pas unifiée et se trouve subdivisée en léonard, trégorrois, cornouaillais et vannetais. À cette répartition géographique s’ajoutent des zones intermédiaires et de nombreuses nuances locales. De plus, la pratique du breton s’amenuise fortement lorsqu’on progresse à l’est d’une ligne allant de Saint-Brieuc à Guérande, pour disparaître dans les diocèses de Rennes, Dol-de-Bretagne et Saint-Malo.

Parmi les ouvrages consultés par l’auteur, nous retrouvons sans surprise le Catholicon de LAGADEUC et les travaux sur le gallois de John DAVIES. Mais GRÉGOIRE de ROSTRENEN se réfère également à une source assez mystérieuse : le livre des prédictions de l’astrologue GUINCLAN, qu’il désigne comme “très fameux encore aujourd’hui parmi les Bretons”. Déjà évoqué par LE PELLETIER sous le nom de GWINGLAFF, ce “prophète”, originaire du Trégor, était connu par une copie de son texte datée du XVe siècle. De manière arbitraire, GRÉGOIRE de ROSTRENEN situe la rédaction de son livre aux alentours de 240 puis, quelques années plus tard, il le date cette fois de 450. Ce personnage mythique sera repris à l’époque romantique, orthographié GWENC’HLAN, par des auteurs comme MIORCEC de KERDANET et LA VILLEMARQUÉ.

À noter en préambule du dictionnaire, la représentation d’un arbre de consanguinité. À l’image d’un arbre généalogique, ce tableau permettait de situer les différents membres de la famille les uns par rapport aux autres, dans le but d’expliquer aux fidèles les interdictions de mariage entre parents trop rapprochés. L’interdiction des unions consanguines avait d’abord été fixée au septième degré de parenté à partir de l’ancêtre commun, puis ramenée au quatrième degré, à partir du XIIIe siècle.

Le travail de GRÉGOIRE de ROSTRENEN sera salué comme une œuvre d’érudition utile à la connaissance de la langue bretonne, mais dès sa sortie, l’auteur sera également la cible de vives critiques, dom TAILLANDIER pointant par exemple les nombreuses erreurs que contiendrait l’ouvrage. Jacques LE BRIGANT en fera de même, avec encore plus de sévérité, quelques décennies plus tard.

Avant de décéder à Roscoff aux alentours de 1750, GRÉGOIRE de ROSTRENEN publiera, en 1738, une Grammaire françoise-celtique ou françoise-bretonne. Ce dictionnaire ne deviendra jamais le dictionnaire de référence sur le sujet ; c’est celui de Louis LE PELLETIER, publié à titre posthume en 1752 et présenté sur Dicopathe, qui jouira de la meilleure et la plus durable réputation.



2 commentaires

    • Non, bien qu’ils soient effectivement tous les deux gallois et pasteurs. Celui qui a écrit sur la chasse aux loups se prénomme Franck et est venu à deux reprises en Centre Bretagne en 1854 et 1855. Son livre n’a été publié que 20 ans plus tard. Celui dont nous parlons ici a vécu entre 1567 et 1644, et ne semble pas être venu en Bretagne. Mais sa grammaire galloise va servir de base aux lexicographes du breton.

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