Basque (langue)

Dictionnaire français-basque

Auteur(s) : FABRE Louis-Marie-Hyacinthe

 Bayonne, P. CAZALS, librairie centrale, place du réduit, n°3
 édition originale
  1870
 1 vol (400 p.)
 In-quarto
 demi-toile bordeaux, plats en carton recouverts de papiers marbré bleu


Plus d'informations sur cet ouvrage :

La culture basque demeure encore aujourd’hui une véritable énigme… Elle s’appuie en effet sur une langue isolée, sans origine ni lien communs avec les langues indo-européennes, qui se sont succédées au cours des siècles. Mis à part quelques spécificités hématologiques, l’euskara, la langue basque, reste le seul héritage qui pourrait nous permettre de percer le mystère des origines d’un peuple dont les premières évocations écrites remontent au Ier siècle avant J.C.  Pendant très longtemps dépourvue d’un système d’écriture, cette langue a réussi à résister à l’assimilation linguistique, et à se maintenir dans un réduit s’étendant de la Cantabrie aux Pyrénées occidentales, du sud des Landes de Gascogne aux confins de la Meseta espagnole.

Langue agglutinante aux sonorités atypiques, dotée sur le tard d’un alphabet latin adapté, le basque a engendré une multitude d’hypothèses, et ce dès le XVIe siècle, où des auteurs ont voulu faire de TUBAL, petit-fils de NOÉ, l’ancêtre de tous les Basques, et ainsi attribuer à leur langue une origine biblique. En 1729, le premier grammairien du basque, Manuel de LARRAMENDI, affirme que l’euskara est l’une des soixante-quinze langues à avoir survécu à l’épisode de la tour de Babel. De ce fait, le basque acquiert la réputation durable d’être la langue la plus ancienne d’Europe. Des rapprochements sont alors faits avec d’autres langues comme le lapon, le turc, l’hébreu, le berbère, le sanskrit, l’arménien, le géorgien, et même avec des idiomes austronésiens et dravidiens. Aucune certitude ne prévaut à ce jour, mais c’est la piste d’une langue autochtone, descendant en ligne droite de la préhistoire, qui se trouve aujourd’hui privilégiée.

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles se succèderont plusieurs tentatives de dictionnaires et de lexiques, mais les projets resteront inachevés, soit qu’ils n’aient pas été publiés, soit que leurs manuscrits aient disparu sans laisser de trace. Au XVIIIe siècle, le mouvement prend de l’ampleur, poussant LARRAMENDI à publier, en 1745, un dictionnaire trilingue castillan-basque-latin. Mais c’est au cours de la seconde moitié du XIXe siècle que la lexicographie basque va, en quelques décennies, se développer de manière significative de chaque côté de la frontière. En France, de nombreux auteurs, souvent en contact avec les savants espagnols, tenteront d’établir un lexique de référence. Ce sera le cas de CHAHO, VAN EYS, GÈZE ou d’ HIRIBARREN.

À partir du XIXe siècle, les travaux sur l’origine de la langue basque vont connaître un véritable essor et susciter l’émergence de théories, parfois réellement scientifiques, mais souvent plus ou moins romanesques ou farfelues, comme celles évoquant les Atlantes ou une tribu perdue d’Israël. Des érudits se spécialisent dans l’étude de cette langue, parmi lesquels Fleury LÉCLUSE, Antoine d’ABBADIE et le prince Louis-Lucien BONAPARTE. Député, sénateur et polyglotte, ce dernier s’est fait connaître par ses travaux linguistiques, notamment sa passion particulière pour les langues régionales, dont le breton et le basque. Entouré de nombreux collaborateurs très qualifiés, il met au point la première véritable classification des dialectes de la langue basque, en trois groupes comprenant huit dialectes.

Autour de ces grands noms gravite un grand nombre de chercheurs et de linguistes autodidactes, dont un certain Louis-Marie-Hyacinthe FABRE. Les informations dont nous disposons aujourd’hui à son sujet sont assez ténues et parfois contradictoires. Il serait né à Sète en 1805 ou en 1807, et aurait travaillé comme agent des douanes à Ainhoa, dans une région depuis longtemps réputée pour ses circuits de contrebande. Fasciné par la langue basque depuis son installation dans une région devenue sa patrie d’adoption, il apprend la langue locale et consacre une grande partie de son temps à l’étudier. Correspondant avec ABBADIE, il semble qu’il ait un temps également collaboré avec le prince BONAPARTE.

En 1862, FABRE publie un premier ouvrage, le Guide de la conversation français-basque, suivi par deux œuvres de nature plus littéraire : Antonio le Navarrais (1868) et Lettres labourdines (1869). Mais notre auteur poursuit depuis longtemps un autre objectif : la réalisation de son propre dictionnaire. Depuis son arrivée au Pays basque, il a déjà recensé 30 000 mots et, dès 1846, son livre est sous presse lorsque, dit-il, « un mauvais vouloir et des circonstances malheureuses pour moi en arrêtèrent la publication”. Nous ignorons la raison et les détails de sa mésaventure, mais le fait est que ce livre attendra finalement 1870 pour être imprimé et publié, sous le sobre titre de Dictionnaire français-basque. Il s’agit de l’ouvrage présenté ici.

Après une présentation générale, indiquant les règles de prononciation, soumises à de grandes disparités locales, l’auteur prévient le lecteur de la limite de sa démarche : “Il est des mots ou des phrases qui ne peuvent se traduire que par des circonlocutions, parce que les mots correspondants manquent, comme par exemple dans les sciences, dans les arts, où l’on est obligé d’emprunter à l’espagnol et au français, c’est pourquoi il y en a dans le basque de francisés ou d’espagnolisés. Il est vrai de dire aussi que la langue basque a une foule de mots que nous ne possédons pas.”

FABRE ne se préoccupe pas d’étayer ses entrées par des exemples. Pour chaque mot français, il indique ses équivalents, soit en se contentant d’aligner les synonymes, soit en indiquant les nuances et les différents sens que peut prendre un même terme. C’est par exemple le cas du mot Agitation, qui a pour définition “émotion, ébranlement”, et pour lequel il énumère seize équivalents basques.

Du point de vue purement linguistique, le dictionnaire de FABRE, plus proche d’un lexique, se trouve vite concurrencé par un ouvrage beaucoup plus ambitieux paru en 1873, le Dictionnaire basque-français de Willem VAN EYS. En 1901, le capitaine DARRICARRÈRE publie à son tour un dictionnaire trilingue. Enfin, en 1905, le prêtre biscayen Resurreccion Maria de AZKUE édite son  Euskara-Gaztelania-Frantsesa Hiztegia (Dictionnaire espagnol-français-basque), qui finalement deviendra pour longtemps le grand dictionnaire de référence utilisé des deux côtés des Pyrénées.



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