Arabe (langue), droit

Dictionnaire français-arabe des termes juridiques

Auteur(s) : TABET Élie

 Alger, lithographie Adolphe JOURDAN, imprimeur-libraire-éditeur, 4, place du gouvernement
 édition originale
  1903
 2 vol : tome 1. A-L (XI-pages 1 à 778), tome 2. M-Z (pages 779 à 1610)
 In-octavo
 demi-chagrin, dos à cinq nerfs, motifs floraux dorés, pièce de titre et de tomaison de maroquin rouge


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Après la conquête militaire de l’Algérie, qui sera suivie par une longue période de “pacification”, la France met en place une société coloniale d’un type particulier. En raison de l’existence d’une importante population de souche européenne, une double société se met en place. Malgré les objectifs affichés d’assimilation, le décret Crémieux juxtapose les citoyens français de plein droit et les populations autochtones de confession musulmane soumises au statut de l’indigénat.

Cette dichotomie se retrouve au niveau juridique, car si la loi française s’applique dans les départements créés en Algérie, la justice traditionnelle exercée par les cadis continue de coexister, même si elle reste très encadrée par les autorités locales. La justice coloniale conserve, malgré tout, la prééminence et, en 1892, une chambre de révision musulmane est créée à la cour d’appel d’Alger, avec pour fonction d’unifier la jurisprudence. Cependant un problème demeure : celui de traduire et de retranscrire de manière claire les termes employés lors des auditions et des procédures, afin d’éviter toute confusion et assurer une certaine équité de traitement. C’est à cette tâche qu’au tournant du siècle s’attèle un dénommé Élie TABET, déjà auteur en 1882 de Notes sur l’organisation des tribus et l’étymologie des noms propres : ethnologie arabe.

Chef de bureau à la préfecture d’Oran, il renoue alors avec une fonction qu’il avait occupée au début de sa carrière : celle d’interprète judicaire pour la langue arabe auprès du tribunal d’instance de la ville. Il constate qu’il rencontre de grandes difficultés dans la transcription de certaines formules du français à l’arabe, ce qui, selon ses propres mots, génère des “circonstances embarrassantes”. Afin de faire profiter un large public d’une grande expérience acquise dans ce domaine, il travaille la masse de notes qu’il a accumulée, en lui adjoignant le fruit de ses recherches, pour composer un gros volume intitulé Dictionnaire français-arabe des termes juridiques.

Ayant cherché à le faire typographier, il constate que cette opération s’avèrerait trop coûteuse pour ses moyens. Grâce au soutien d’un imprimeur algérois, il recourt au procédé de l’autographie. Cette opération consiste à reproduire le manuscrit à l’identique, permettant ainsi au lecteur d’apprécier l’écriture de TABET, élégante mais souvent très serrée et tarabiscotée, ce qui la rend malaisée à déchiffrer. L’auteur espère que cet ouvrage “utile et pratique”, publié à la fin de l’année 1903, trouvera naturellement sa place “dans les bibliothèques des tribunaux, les offices ministériels, les préfectures et sous-préfectures, les communes mixtes et les mairies, les mahakams ou prétoires des cadis, les médersas, les administrations de l’État et les établissements d’instruction publique de tout ordre”.

Comme il le reconnaît lui-même, TABET a souvent été contraint de recourir à des périphrases tortueuses en langue arabe dans les cas où il n’existe pas d’équivalent aux termes français ; nous laisserons nos lecteurs arabophones juger de son talent en ce domaine… Quoi qu’il en soit, l’auteur a cherché à concilier deux versions du droit pour nous livrer un vadémécum apte à favoriser la compréhension et le dialogue entre deux cultures amenées à cohabiter. À côté d’un vocabulaire juridique “de base”, comme casier judiciaire, avocat, juge d’instruction, les phrases et les mots proposés peuvent parfois nous sembler curieux ou hors de propos, mais ils correspondent à des situations vécues de la vie quotidienne. Il en résulte un véritable guide de conversation français-arabe, qui outrepasse largement les simples questions juridiques. C’est ainsi que sont abordées aussi bien les questions de propriété ou d’héritage que celles de la vie conjugale et familiale. De nombreuses phrases types sont proposées pour être utilisées en cas de procédures judiciaires : “Il lui a opposé une fin de non-recevoir”, “contenant reconnaissance de la somme sus-énoncée”, “Il lui a interdit d’exercer ses fonctions”, etc. Parfois, TABET reprend des expressions qui peuvent paraître insolites dans un ouvrage juridique, comme “jusqu’à ce que Dieu hérite de la Terre et de ceux qui l’habitent”, “il est le meilleur de ceux qui héritent”, ou encore “de ses enfants et des enfants de ses enfants, aussi longtemps que leurs branches se multiplieront, s’étendront et se répandront dans l’Islam”.

Cet ouvrage est dédié à Eugène ÉTIENNE, député d’Oran et vice-président de la chambre des députés. Après la parution du livre, nous perdons définitivement la trace de TABET.



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