Dictionnaire féodal
ou Recherches et anecdotes, sur les dîmes et les droits féodaux, les fiefs et les bénéfices, les privilèges, les redevances et les hommages ridicules, les coutumes féodales, les prérogatives de la noblesse et la misère des vilains, les justices ecclésiastiques et seigneuriales, les corvées, la servitude de la glèbe ; en un mot, sur tout ce qui tient à la féodalité
Auteur(s) : COLLIN de PLANCY Jacques Albin Simon
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Jacques COLLIN de PLANCY est un libre-penseur que beaucoup de biographes définissent comme un héritier “voltairien” du XVIIIe siècle. Né Jacques COLLIN, l’auteur ajoute de lui-même le nom de son village natal, Plancy, à la suite de son patronyme.
Il acquiert très tôt une certaine célébrité par des compilations antireligieuses mais aussi par des recueils de faits insolites, de descriptions de créatures fantastiques, de superstitions, de pratiques magiques et d’anecdotes. Ce Dictionnaire féodal demeure un classique du genre et continue toujours à être réédité. Dans sa préface, l’auteur prétend avoir voulu embrasser un projet plus vaste, se proposant initialement « d’y comprendre les institutions tyranniques, les violences du pouvoir, le distinctions odieuses et les misères des esclaves, chez tous les peuples du monde… Ce tableau prouverait d’une manière trop affligeante, que les hommes sont toujours malheureux avec la faiblesse, méchans avec la force. »
Il présente ensuite un tableau historique exposant les origines de la servitude depuis les temps bibliques et l’Antiquité et prend soin de préciser que, en dépit de la disparition de la féodalité, la monarchie de la Restauration doit désormais obéir à la Charte. La critique des seigneurs d’antan n’est pas sans rapport avec le retour des nobles émigrés sous la Révolution. À l’exception de certains nostalgiques de l’Ancien Régime, ceux-ci sont détestés par une large partie de l’opinion pour leur arrogance et leur avidité à retrouver rang et fortune.
Pour décrire l’univers féodal, COLLIN de PLANCY épargne prudemment le roi, mais il consacre toute son énergie à dépeindre une noblesse rapace, querelleuse et cruelle. Si les articles témoignent d’une grande érudition et de recherches historiques fouillées, ils font également la part belle à certains clichés de la “légende noire” de la féodalité comme le droit de ravage ou le droit de cuissage. L’ouvrage est centré sur la France, mais pour autant son auteur n’hésite pas à recourir à de nombreux exemples européens, asiatiques ou africains, la tyrannie étant, de son point vue, une notion universelle.
Bien qu’il dénonce les excès de la Révolution, il n’en fait pas moins l’éloge dans sa longue conclusion : « L’égalité des hommes était reconnue, la philosophie avait ouvert les yeux à la multitude sur sa dignité, ou, si on l’aime mieux, sur l’indignité de ses maîtres. » Soumis à interdiction dès sa seconde édition, cet ouvrage, comme d’autres de cet auteur volontiers polémique et farouchement anti-nobiliaire, est devenu rare, ce qui explique sans doute l’hétérogénéité de la version présentée ici. Soulignons qu’un arrêt du 16 novembre 1822 en ordonnait même la destruction.
Une table des matières est insérée en fin d’ouvrage. Pour l’anecdote, le nom de jeune fille de la mère de l’auteur est Marie-Anne DANTON, qui ne serait autre que la sœur du célèbre Georges DANTON, lui-même natif d’Arcis-sur-Aube, village proche de Plancy.
Sur la page de titre figure une citation d’Oliver GOLDSMITH, et sur un contreplat un ex-libris de la bibliothèque de Jules DEGERMANN à Sainte-Marie-aux-Mines.
Extraits d’articles
*Droit d’aînesse
« Les seigneurs imitèrent bientôt cet exemple, et dès lors celui qui eut le bonheur de naître le premier; hérita seul de tous les biens, tandis que les puînés furent réduits à une condition obscure, quand ils ne jugèrent pas à propos d’entrer dans le clergé…Mais tout le monde n’aime pas le froc, et personne n’ignore que le droit d’aînesse ait produit des milliers de méchans moines, et n’a fait le plus souvent, dans les filles sacrifiées que des nones bien dissolues ou bien malheureuses. »
*Femmes
« Le sort des femmes a presque toujours été la servitude et, à l’exception de quelques contrées de l’Europe, elles sont encore les esclaves plutôt que les compagnes de leurs maris. Le droit des hommes n’est cependant qu’un droit de force et de violence mais ce droit a toujours eu raison. »
*Droit de ravage (dans l’article Droits féodaux)
« Quand un seigneur était mécontent des paysans de ses fiefs, ou même lorsqu’il voulait se divertir d’une façon distinguée, il envoyait ses chiens et ses chevaux dans le petit champ du malheureux serf…et ravageait, en un instant, tous les espoirs et tous les travaux d’une année. En lisant de pareilles abominations, on est tenté de se demander si les droits féodaux ont été exercé par des hommes ? »
*Redevances (cet article regorge d’exemples de droits traditionnels ridicules)
« Le seigneur de Lahoc, en Picardie, obligeait les femmes de ses vassaux à tenir les pieds de la sienne, pendant la première nuit de ses noces. Elles pouvaient se dispenser de cette charge ridicule si leurs maris voulaient se laisser fouetter par elles, dans la cour du château de Lahoc, pendant la première heure que le châtelain passait dans le lit nuptial avec son épousée. »
« Les vassaux du baron de Montcontour étaient tenus de lui présenter, en lui faisant hommage, une alouette enchaînée sur un char tiré par deux bœufs. »