Dictionnaire encyclopédique des ordres de chevalerie civils et militaires
créés chez les différents peuples depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Accompagné de la nomenclature des ordres étrangers reconnus par le gouvernement français, d'un résumé de la législation spéciale qui les régit, et d'un tableau colorié de leurs rubans.
Auteur(s) : MAIGNE W.
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Les premiers ordres de chevalerie, qui apparaissent en Occident au XIVe siècle, s’inspirent d’un idéal chevaleresque forgé au Moyen Âge classique. À cette époque, les monarques et les princes souverains mettaient progressivement en place des ordres placés sous leur autorité directe et fondés sur le partage de valeurs morales, principalement la défense de la foi chrétienne, l’esprit de corps et l’élitisme. Pour ce faire, ils s’inspiraient des rituels des associations religieuses et de l’organisation des ordres militaires nés dans le contexte des croisades et de la Reconquista. Ces confréries étaient rattachées à une dynastie ou à un État souverain, ce qui impliquait pour leurs membres un devoir de fidélité et d’assistance au suzerain.
Les ordres chevaleresques se multiplieront au cours des siècles, chaque cour mettant un point d’honneur à créer le sien. Dès lors, une certaine surenchère, ayant pour enjeu des rivalités dynastiques et une quête de prestige, engendrera de nouvelles créations. Ainsi, l’ordre de l’Étoile sera fondé en 1351 en réponse à l’ordre de la Jarretière, et l’ordre de Saint-Michel sera institué par LOUIS XI en 1469 pour concurrencer celui, très prestigieux, de la Toison d’or, fondé par le puissant duc de Bourgogne.
Beaucoup d’ordres de chevalerie n’auront qu’une existence éphémère quand d’autres réussiront à perdurer, souvent au prix d’une évolution des valeurs chevaleresques qui leur sont attachées. Au cours du temps, leur aspect militaire finira par s’atténuer voire disparaître, et le titre de chevalier deviendra souvent une distinction honorifique dispensée avec beaucoup de prodigalité pour étancher la soif d’honneurs et de titres des courtisans. A contrario, certains ordres conserveront leur vocation militaire initiale et s’organiseront même en véritables États, comme les hospitaliers à Rhodes, les chevaliers de Malte ou, en Europe orientale, les chevaliers Teutoniques. La Révolution française abolira les ordres de chevalerie le 30 juillet 1791 mais, au siècle suivant, ceux-ci refleuriront dans les cours princières d’Europe, Napoléon BONAPARTE fondant, dès 1802, la Légion d’honneur.
Avec la Restauration, la France renouera de plus belle avec les fastes et les extravagances de la vie de cour. Il sera alors de bon ton d’arborer des décorations spectaculaires : des médailles, des rubans, des plaques, des broches voire même des colliers. Pour mettre bon ordre à cet étalage et lutter contre les nombreuses usurpations, une première ordonnance royale du 26 mars 1816 soumet le port d’une décoration étrangère à l’autorisation préalable du grand chancelier de la Légion d’honneur. Tout port illégal de décoration ou d’uniforme relevant de l’article 259 du Code pénal devient susceptible d’entraîner une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. Malgré ce règlement, et “voulant faire cesser des désordres d’autant plus fâcheux que leur effet naturel est d’affaiblir le prix des récompenses obtenues régulièrement et données à des services certains et vérifiés”, il s’avèrera nécessaire de renforcer la loi par l’ordonnance du 16 avril 1824.
Avec l’établissement du Second Empire, le régime impérial entend démontrer son prestige avec une cour et une vie mondaine fastueuses. Pour éviter un étalage trop tapageur de décorations souvent usurpées, le décret du 13 juin 1853 réglemente de manière stricte le port de décorations étrangères, signe que les abus dans ce domaine n’ont guère cessé depuis 1824 : “Tout Français qui, ayant obtenu des ordres étrangers, n’a pas reçu l’autorisation de les porter, doit les déposer à l’instant, sauf à se pourvoir auprès du grand chancelier pour solliciter cette autorisation.” Dès lors, toute promotion doit faire l’objet d’une autorisation officielle accordée, pour les agents de l’État par leur ministre de tutelle, pour les autres par les services du préfet.
C’est donc dans ce contexte qu’un guide, présenté sous forme de dictionnaire, se propose de réaliser un tour d’horizon des ordres chevaleresques et de leurs attributs. Publié en 1861, le Dictionnaire des ordres de chevalerie civils et militaires, présenté ici, est l’œuvre d’un certain W. MAIGNE., nom de plume de Paulin Guillaume NEULAT. Homme de lettres, enseignant puis inspecteur de l’instruction primaire, il fut également le rédacteur de très nombreux manuels techniques, en particulier pour la collection Roret, traitant aussi bien de la lutherie, de la tannerie, de la boucherie, de la dorure, de l’ébénisterie que de la fabrication du vin. Nous lui devons également plusieurs dictionnaires portatifs ainsi qu’un abrégé sur l’héraldique.
MAIGNE n’est pas le premier à écrire sur le sujet car, dès 1820, Aristide-Michel PERROT a publié une Collection historique des ordres de chevalerie, suivie en 1844 par Ordres de chevalerie et marques d’honneur d’Adolphe WAHLEN, puis quelques années plus tard par Henri GOURDON de GENOUILLAC, auteur d’un Dictionnaire historique des ordres de chevalerie créés chez les différents peuples.
En préambule, l’auteur distingue trois types principaux d’ordres chevaleresques : les “grands ordres”, réservés aux souverains, à leur entourage et aux principaux dignitaires ; les “ordres de cour”, réservés à une élite privilégiée mais beaucoup plus élargie ; et enfin les “ordres de mérite”, accessibles à tout un chacun, sans distinction d’origine, de fonction, de fortune ou de classe sociale. Ces dernières distinctions sont accordées sur simple décision du souverain, en récompense de services rendus en matière militaire, mais aussi dans les domaines administratif et “civil”.
Dans certains ordres, les bénéficiaires peuvent appartenir à un cercle très restreint, pour ne pas dire exclusivement aristocratique, comme c’est le cas pour la Toison d’or, les ordres de la Jarretière, de l’Éléphant ou de la Très Sainte Annonciade. D’autres, au contraire, sont largement ouverts à la société civile, comme l’ordre de François-Joseph ou l’ordre de l’Hermine, accessible aux femmes et aux roturiers. L’auteur exclut de son propos les sociétés littéraires, gastronomiques et savantes, mais aussi les ordres dits « de fantaisie » ou ceux créés par des aventuriers.
Certains ordres sont organisés selon un principe d’égalité entre les membres, d’autres sont au contraire hiérarchisés en un système de titres et de grades. C’est ainsi que la Légion d’honneur comprend trois grades et deux dignités ; l’ordre de Dannebrog, trois classes ; l’ordre de la Couronne de chêne, quatre ; et l’ordre royal d’Albert le Valeureux roi de Saxonie, cinq. L’auteur précise que certains ordres sont hiérarchisés entre eux. Par exemple, en Prusse, celui de l’Aigle rouge vient après celui de l’Aigle noir, alors que les membres de l’ordre de Saint-Alexandre Nevski ont la prééminence sur ceux de l’ordre de l’aigle blanc de Russie.
MAIGNE évoque l’histoire de ces ordres, dont certains ont une existence quasi confidentielle, comme celui de la Cosse de genêt ou celui du Miroir. Le cas échéant il détaille les grades et les classes tout en décrivant les insignes et devises correspondants. Mises à part les notices sur la Légion d’honneur, les ordres de Malte, des chevaliers teutoniques ou de la Jarretière, elles ne sont généralement pas très longues, le dictionnaire étant avant tout conçu comme un vade-mecum pratique pour grand public.
Auteur pourtant prolifique, MAIGNE décède en 1893 sans même que la postérité ne retienne son prénom. En France, les ordres de chevalerie vont fortement décliner, suite à la proclamation de la République, la Légion d’honneur demeurant jusqu’à ce jour la distinction la plus recherchée et la plus prestigieuse de la nation française.