Dictionnaire du jardinier françois
Ouvrage où l'on décrit les formes, l'aspect, & la stature et les habitudes de la plupart des arbres, des arbrisseaux , des arbustes et des plantes vivaces, bisannuelles, ou annuelles, qui entrent dans la formation des Jardins, tant utiles qu'agréables, et que l'un peut cultiver en pleine terre, sous tous les climats de la France ; avec les principes-pratiques les plus clairs , les plus détaillés, les plus propres à diriger leur multiplication , leur culture , leur conservation et leur emploi.
Auteur(s) : FILASSIER Jean-Jacques
Plus d'informations sur cet ouvrage :
Très marqué par les ouvrages de Jean-Jacques ROUSSEAU, particulièrement par l‘Émile, Jean-Jacques FILASSIER (parfois orthographié FILLASSIER) écrit plusieurs essais sur l’éducation, dont un Dictionnaire historique de l’éducation, par la suite traduit en allemand, et Éraste, ou l’Ami de la jeunesse, entretiens familiers dans lesquels on donne aux Jeunes Gens, de l’un et de l’autre sexe, des notions suffisantes sur la plupart des connoissances humaines, livre qui, pour lui, devait “intéresser les Pères et Mères, et généralement toutes les Personnes chargées de l’Éducation de la Jeunesse. Cet ouvrage, écrit en collaboration avec un magistrat nommé ROSE, connaît un petit succès et lui ouvre les portes de l’Académie d’Arras. Mais, c’est dans un autre domaine qu’il fait carrière, celui de l’agronomie, science dans laquelle il se livre avec passion à des expériences. Ses efforts finissent par lui valoir une certaine reconnaissance et il se voit nommer à la tête de la pépinière de Clamart. Absorbé par sa tâche, il ne prend aucune part aux événements de la Révolution. L’année 1789 correspond dans sa biographie à la date de parution de son Dictionnaire du jardinier françois, ouvrage qui reçoit un bon accueil et sera réimprimé deux ans plus tard. C’est le livre que nous vous présentons ici.
L’auteur nous livre en préambule une vision très personnelle de la nature et d’un métier qu’il conçoit comme celui d’un “éducateur” de la nature : “Ces plantes nombreuses & si variées qui m’environnent depuis tant d’années, ces plantes, enfans de mon labeur, & qui me doivent en quelque manière l’existence, me pressoient, pour ainsi dire, de parler de leurs charmes. Plus facile que prudent, j’ai enfin cédé à leurs instances. Je les suis depuis leur premier développement jusqu’à leur entière adolescence ; j’en examine les inclinations, les penchans, les habitudes dans leurs différens âges ; j’en développe les caractères physiques & moraux & après en avoir donné un signalement assez détaillé pour habituer à les reconnoître au premier coup d’œil. Après en avoir peint les formes, les livrées, les couleurs, je les envisage dans les effets que chacune d’elles peut produire sur nos sens & dans ceux qui peuvent résulter de leurs associations mutuelles.” Il s ‘agit là pour lui du cœur même de son travail, précisant plus loin son objectif : “Ce point m’a paru d’autant plus essentiel, qu’il a été presque généralement négligé dans tous les livres de jardinage publiés jusqu’à ce jour : de là ces quiproquo nombreux, ces méprises absurdes, ces ridicules contresens que l’on observe souvent dans les jardins vantés comme les plus ingénieusement composés.”
D’autres auteurs ayant avant lui déjà traité de manière plus détaillée le sujet de la botanique proprement dite, il propose de centrer son propos sur l’art de l’horticulture : “En décrivant mes plantes, mon objet a donc été, moins de satisfaire le botaniste que d’esquisser le travail du jardinier-décorateur : celui-ci a peu de guides ; celui-là trouvera sous sa main quantité d’autres ouvrages qui valent beaucoup mieux que le mien, & qui sont faits précisément pour l’instruire.” Il s’agit donc de donner les clés pour utiliser fleurs, arbres et arbustes, dans la perspective d’aménager les jardins, les vergers et les potagers, qui pouvaient être considérés comme un lieu ornemental et/ou d’agrément.
Pour chaque plante, désignée d’après son appellation usuelle la plus répandue, il précise le nom savant, les variantes locales, et en donne les principales caractéristiques physiques. Il décrit ensuite son meilleur mode de culture et multiplie les conseils en livrant des astuces pour en assurer le bon développement et la multiplication. Il est particulièrement pointilleux sur les semis et les méthodes pour les préserver des parasites et des aléas du climat. Comme annoncé, il ne se préoccupe prioritairement que de considérations esthétiques et, contrairement à d’autres ouvrages pratiques, fait l’impasse sur les vertus médicinales, pharmacologiques ou thérapeutiques, ne citant que brièvement les propriétés fourragères et alimentaires. Il se concentre particulièrement sur l’aspect des végétaux et l’effet qu’ils peuvent produire sur les sens du propriétaire ou du visiteur.
Presque malgré lui, cédant à la sollicitation des habitants de Bourg-la-Reine, il est élu procureur-syndic ; fonction qui le lance en politique, lui donnant ainsi la possibilité de devenir plus tard député à l’Assemblée législative. Après les événements du 10 août 1792, il est dénoncé comme monarchiste, mais parvient à contrecarrer cette accusation. Retiré dans sa commune, il est nommé juge de paix. Plus tard, suspendu de ses fonctions, il se consacrera de nouveau à l’étude et mènera une vie paisible jusqu’à sa mort en juillet 1799.
Extraits
Alpiste en roseau : Non moins vivace que le chiendent, qui est si souvent la désolation de nos jardins, l’Alpiste en roseau se multiplie en tout temps par la division de ses racines. La plus petite portion, pourvu qu’elle soit munie d’un nœud & de deux ou trois filets naissants, reproduira la plante si on la met dans une terre un peu fraîche, & dans l’année même de sa première végétation elle formera une superbe touffe. Ces touffes produisent le plus charmant effet, si l’on a soin d’en borner les racines, afin d’obliger les tiges de se rapprocher les unes des autres. Il n’y a pas de bouquet qui puisse plus agréablement flatter les regards : en les apercevant, l’œil jouit & se repose. Ainsi toutes les portions du jardin réclament cette plante comme un de leurs ornements les plus durables. Les bosquets de toutes les saisons, les parterres, les vides de toute nature, en un mot elle embellira tous les lieux où l’on voudra la placer, pourvu qu’on lui ménage un peu d’ombre ; car le trop grand soleil diminue beaucoup le ravissant éclat de son feuillage.
Chicorée : Dans les années froides & humides, la graine de la Chicorée des premiers semis parvient rarement & difficilement à maturité & souvent d’ailleurs elle dégénère. Pour s’assurer d’en recueillir de bonne, il faut planter quelques pieds de celle des derniers semis contre un mur exposé au midi & les couvrir avec soin pendant les grands froids, les pluies & les neiges. Ces pieds ayant une grande avance donneront leur graine de bonne heure & cette graine s’aoûtera beaucoup mieux. Pour que cette plantation réussisse, il est nécessaire de lever chaque pied avec une bonne motte, & de les mettre en place au moins à la fin d’octobre. Ne faites choix, pour porter graine, que des pieds qui offrent le plus complètement les caractères de leur espèce : ce sera le moyen d’avoir toujours des semences bien généreuses & bien franches. À mesure que les tiges s’élèveront, vous les soutiendrez avec des tuteurs ; & lorsqu’elles commenceront à sécher, vous serez assuré de leur maturité. Laissez-les mûrir tant qu’il vous plaira ; mais alors, préservez-les des oiseaux, qui en sont très friands, soit par quelque épouvantail, soit plutôt par un filet.