Hygiène

Dictionnaire d’hygiène publique et de salubrité

ou Répertoire de toutes les questions relatives à la santé publique: considérées dans leurs rapports avec les subsistances, les épidémies, les professions, les établissements et institutions d'hygiène et de salubrité, complété par le texte des lois, décrets, arrêtés, ordonnances et instructions qui s'y rattachent

Auteur(s) : TARDIEU Auguste Ambroise

 à Paris, chez J.-B. BAILLIÈRE, libraire de l'Académie nationale de Médecine, rue de Hautefeuille, 19 / à Londres, chez H. BAILLIÈRE, Regent street / à New-York, chez H. BAILLIÈRE, 290, Broadway / à Madrid, chez BAILLY-BAILLIÈRE, casa del Principe, 11
 édition originale
  1852
 3 vol (250 pages environ)
 In-octavo
 demi-veau blond, dos lisse ornés de fleurons à froid, pièces de titre noires


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Issu d’une lignée de maîtres-graveurs parisiens, Auguste Ambroise TARDIEU se tourne vers la médecine. Il obtient son diplôme en 1843, l’agrégation l’année suivante puis, en 1847, réussit le concours de médecin des hôpitaux. Exerçant en qualité de médecin légiste au bureau central des hôpitaux, il cumule la fonction d’inspecteur adjoint du service de vérification des décès de la ville de Paris. Il est également membre du Comité consultatif d’hygiène publique créé par décret en août 1848. La population urbaine a alors considérablement augmenté et la révolution industrielle, qui s’amplifie, modifie en profondeur le monde du travail. Les questions de salubrité deviennent une priorité essentielle pour les pouvoirs publics. Auteur prolifique, TARDIEU ne signera pas moins de 120 publications en 37 années.

Notre médecin postule au concours de la chaire d’hygiène de la faculté de médecine, avec une thèse intitulée Voiries et cimetières. À ce sujet, il consacre un ouvrage de synthèse – Le Dictionnaire d’hygiène publique et de salubrité – dont les trois tomes sont publiés à Paris entre 1852 et 1854 ; il s’agit de l’ouvrage présenté ici. TARDIEU part d’un constat : “Il s’en faut de beaucoup que la science, appliquée à la santé publique, soit toujours en mesure de fournir ces notions précises, ces données simples et justes qui peuvent seules conduire dans la pratique à des résultats vraiment utiles et durables. Et, sur les points mêmes où des recherches savantes et fécondes ont jeté la lumière, il est permis de regretter que les idées et les découvertes les plus importantes ne soient pas suffisamment répandues, et par suite, ne puissent pas porter tous leurs fruits. Il en est de même des mesures souvent très sages que certaines administrations locales ont pu prendre dans des circonstances particulières, et qu’il y aurait un avantage réel à généraliser. La principale raison de ce fait réside certainement dans l’extrême dissémination des documents relatifs à l’hygiène publique. On peut affirmer qu’il n’est aucune branche des sciences médicales dont les éléments soient à la fois plus divers, plus épars, plus complexes, et qui en même temps aient reçu jusqu’ici moins de développements.” C’est ainsi qu’il se propose de réaliser un ouvrage abrégé et pratique, dans lequel il pourra développer certains aspects techniques, administratifs et juridiques.

L’objectif premier du livre est, aux dires de son auteur, “de réunir et de coordonner les nombreux matériaux qui peuvent servir de fondement à la science de l’hygiène publique”, car “il pouvait être opportun d’offrir aux membres des Conseils répandus dans toute la France, aux administrateurs et aux divers agents à qui sont confiés les intérêts de la santé des populations, un résumé aussi succinct et aussi complet que possible de toutes les questions qui se rapportent à cet objet de leurs études et de leur haute mission”.

L’hygiène publique étant un enjeu afférent à la plupart des activités humaines, les thèmes abordés sont multiples : les professions et les conditions de travail, les falsifications – un véritable fléau à l’époque -, l’urbanisme, les techniques industrielles et artisanales, la voirie, les maladies contagieuses, les épidémies et les épizooties, la prophylaxie quotidienne, les méthodes de conservation des aliments, l’agriculture, l’aliénation mentale, les égouts et l’assainissement, la promotion de la tempérance et même ce qu’on appelle aujourd’hui “les premiers secours“. La liste des articles est ainsi un véritable inventaire à la Prévert, qui montre à quel point TARDIEU, incontestablement investi dans sa mission, veille à se montrer exhaustif et pointilleux. Dans les premières entrées nous découvrons le mot Arsenic, qui permet à l’auteur de rappeler que cette matière a été utilisée industriellement de manière inconsidérée dans l’élaboration de papiers peints nocifs aux belles teintes vertes. Autres sujets traités pêle-mêle : Feux d’artifice, Abattoirs, Pavage, Engrais, Cidre, Rouissage, Filatures, Œufs, Système pénitentiaire, Sangsues, Zinc, Suette militaire, Carrières et catacombes, Lavoirs, Imprimeurs, Huîtres et Choléra (la dernière flambée épidémique en France,  datée de 1832, sera suivie par une autre en 1854 ).

Chaque article est un véritable petit traité où rien n’est omis. Par exemple, celui consacré aux allumettes détaille un mode de fabrication qui nécessite de nombreuses manipulations de produits chimiques, les accidents “produits par leur fabrication, leur transport et leur emploi”, les maladies et les pathologies des ouvriers. Il termine son article en définissant les “règles hygiéniques” et les procédures à appliquer impérativement dans le travail en usine pour réduire ou supprimer les risques. TARDIEU est également l’un des premiers à dénoncer les terribles conditions de travail des enfants dans les mines et les manufactures. L’auteur, qui s’appuie le plus possible sur les données statistiques à sa disposition, est également très soucieux de rappeler, parfois de manière très détaillée, le cadre juridique existant, son livre étant avant tout destiné à aiguiller et éclairer les décideurs et les administrations compétentes.

Jusqu’à son décès en janvier 1879, TARDIEU poursuivra une brillante carrière. En 1859 il est élu à l’Académie de médecine, section hygiène, médecine légale et police médicale. Médecin consultant de l’Empereur en 1860, il obtient l’année suivante la chaire de médecine légale, et c’est pour ses nombreux apports dans la discipline – il signera 5239 rapports d’expertise médico-légale – qu’il deviendra célèbre de son vivant. Pourtant, ses travaux sur l’hygiène seront loin d’être négligés et son Dictionnaire d’hygiène publique et de salubrité sera réédité en 1862, “considérablement augmenté”, enrichi d’un volume supplémentaire.

Extraits

Goitre et crétinisme. Parmi les maladies endémiques qui font sentir leur pernicieuse influence sur les populations, il n’en est pas qui exerce une action plus profonde sur la constitution physique et morale de l’homme que le goitre et le crétinisme. L’abâtardissement de générations entières est la conséquence de cette affection, qui forme comme le sceau originel d’une race particulière, et qui, due à des causes locales encore obscures, mérite de fixer au plus haut degré l’attention des pouvoirs publics. Des travaux et des faits récents montrent du reste que la sollicitude de la science et de l’autorité est puissamment éveillée sur cette question, et que ce mal, qui n’est pas seulement isolé sur quelques points reculés du globe, mais étend ses ravages jusque dans nos contrées et au seuil de nos terres les plus riches, est activement poursuivi et combattu dans sa source même. C’est pour nous un devoir de ne pas négliger un sujet si important à tant de titres, et de réunir, autant que le permettent les limites de notre répertoire, les faits qui peuvent éclairer les recherches que nécessite encore l’histoire du goitre endémique.

AiguiseursOn peut réunir sous la dénomination commune d’aiguiseurs les ouvriers appartenant à diverses professions, telles que affûteurs, couteliers, ciseliers, canifiers, émouleurs, armuriers, quincailliers, qui sont employés à façonner sur la meule le tranchant de la lame, la surface ou la pointe des différents instruments métalliques. En effet, outre la similitude du travail, il existe une complète analogie dans les inconvénients et les dangers que présentent ces métiers pour la santé et la vie de ceux qui les exercent. Ces inconvénients résultent de plusieurs causes : la rupture des meules, la projection de parcelles de grès ou de fer, l’éclaboussage humide, les blessures par coupure et la mauvaise position prise pendant le travail. Avant d’examiner en détail chacune de ces conditions, nous devons dire d’une manière générale que les ouvriers aiguiseurs, ainsi que cela résulte des statistiques recueillies dans les fabriques d’armes et de quincaillerie, sont très exposés aux affections des organes respiratoires, et succombent en grand nombre et à un âge peu avancé à la phtisie pulmonaire. Le danger de l’éclatement des meules, dont les débris lancés par la force centrifuge sont souvent projetés à de grandes distances, est dû soit à la mauvaise qualité, soit à la monture vicieuse des pierres, soit à la trop grande vitesse de rotation. Il est sans doute inutile d’insister sur la gravité des accidents que peut causer cette rupture. Les exemples ne sont pas rares où une mort instantanée en a été la suite. Les blessures produites par les éclats projetés avec violence offrent ceci de remarquable qu’elles portent le plus souvent sur les parties supérieures, et principalement à la tête. Mais il faut reconnaître que ces dangers, autrefois très fréquents, sont aujourd’hui un des moins redoutables, par suite des perfectionnements introduits dans le montage des meules. Il n’en est pas de même de l’aspiration de la poussière siliceuse, qui s’échappe des meules lorsqu’on aiguise à sec ou quand on tourne les meules pour repolir leur surface usée. Le grès très divisé, qui pénètre dans les voies aériennes, est une source d’accidents très sérieux. C’est ce qui faisait dire à Turner Thackrah, que parmi les procédés dont se servent les couteliers, l’aiguisage et le limage sont les plus dangereux. Quelquefois les ouvriers couteliers reçoivent dans les yeux des pailles de fer ou d’acier, de petits grains de sable ou d’émeri, des débris de feutre, qui se détachent soit des lames, soit des meules ou des polissoirs, et entraînent promptement une altération plus ou moins profonde de la vue.



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