Dictionnaire des pseudonymes
Auteur(s) : HEILLY Georges d' (POINSOT Edmond Antoine)
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Edmond-Antoine POINSOT, alias Georges d’HEILLY, occupe un poste de chef de bureau à la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur. Il se revendique également “publiciste”, pour reprendre son expression, comme auteur de livres sur le théâtre et l’histoire.
Détail amusant, celui qui va se lancer dans la rédaction de ce Dictionnaire des pseudonymes écrit lui-même dès l’origine sous des noms d’emprunt. Dès la deuxième édition, il est contraint de se dévoiler. En effet, ayant emprunté son nom de plume au village d’Heilly, dans la Somme, une famille noble dont c’est le patronyme traditionnel lui demande, courtoisement mais fermement, d’en changer. Pour ne pas dérouter ses lecteurs, il se contente d’intervertir des lettres et signe dès lors HEYLLI. Comprenant qu’il peut paraître surprenant de “démasquer” autrui tout en adoptant soi-même un faux nom, il se justifie en ces termes : « J’ai dû, pour des raisons qui intéresseraient fort peu les lecteurs, ne pas signer le nom de mon pèr”. »
Dans la troisième édition de 1887, signée HEYLLI, il rédige à ce nom sa propre notice (voir le lien ci-dessous). Pour l’anecdote, il y traite également au passage de son épouse, Emma BASCANS, qui a publié à la fois sous son nom de jeune fille et sous le faux nom de Frédéric WALD.
Pour rédiger son ouvrage, POINSOT adopte une définition assez large du pseudonyme : « J’ai considéré comme pseudonyme tout nom ou prénom n’étant pas absolument et légalement celui de son propriétaire. J’ai complété beaucoup de noms à plusieurs parties et dont leurs propriétaires n’affichent habituellement qu’une seule, et enfin j’ai restitué à quelques dames connues seulement sous leurs noms de jeune fille, ou sous un pseudonyme, le nom légal que monsieur le maire leur a conféré. » Il consacre aux écrivains, aux journalistes, aux artistes et aux acteurs de théâtre la très grande majorité des articles, mais on trouve aussi dans son dictionnaire des personnalités politiques, telles que Jules SIMON ou CAVOUR.
Dépourvu d’esprit polémique et d’animosité, ce dictionnaire constitue un hommage rendu à l’imagination humaine dans le domaine du travestissement littéraire, phénomène d’autant plus important que le pseudonyme a souvent définitivement remplacé le nom de baptême pour la postérité. Outre les noms totalement inventés, d’HEILLY cite des patronymes tronqués (BANVILLE au lieu de FAULLAIN de BANVILLE), ceux de femmes qui adoptent un nom de plume masculin (Daniel STERN pour la comtesse d’AGOULT, George SAND pour DUPIN), des pseudonymes collectifs (ERCKMANN-CHATRIAN) ou des anagrammes (NOIRAC pour CAIRON). Il s’intéresse même aux légères modifications patronymiques qui permettent de conserver la phonétique du nom (HOUSSAYE à la place de HOUSSET) et aux noms de lieux accolés au patronyme (DAVID d’Angers).
Signalons que de nombreux journalistes et écrivains, dont certains célèbres comme BALZAC, ont souvent eu recours à des noms d’emprunt pour contourner la censure ou pour publier plusieurs livres par an, mais aussi pour pouvoir écrire dans plusieurs revues à la fois en contournant ainsi les contrats d’exclusivité.
S’il reconnaît BARBIER et DE MANNE comme précurseurs sur le sujet, POINSOT se réfère plus directement à QUÉRARD, auteur des Supercheries littéraires dévoilées, et à JOLIET, auteur des Pseudonymes du jour, ouvrage publié peu de temps avant le sien. Il s’appuie également sur le Dictionnaire des contemporains de VAPEREAU, particulièrement riche en détails biographiques personnels. De manière plus inattendue, il confesse avoir souvent consulté le Bulletin des lois, ancêtre du Journal officiel ,sans pour autant préciser le type d’informations qu’il a pu y trouver. POINSOT dédicace son livre au romancier Jules CLARETIE, en précisant : « Ce petit livre est né chez vous. »
Publié en octobre 1867, mais daté de 1868, le Dictionnaire des pseudonymes, présenté ici en édition originale, rencontre un petit succès, mais vaut à l’éditeur de recevoir un abondant courrier signalant des oublis et des erreurs. L’auteur lui-même était d’ailleurs conscient de ce risque et le signalait en préface, invitant les lecteurs à lui faire part de leurs remarques. Une deuxième édition est publiée dès 1869. Refondue, éditée par DENTU, elle sort considérablement augmentée, riche de plus de 420 pages, avec une nouvelle préface reprenant une liste de pseudonymes du temps passé. Le dictionnaire sera réédité une dernière fois en 1887 en étant de nouveau augmenté. Entre-temps, POINSOT a fondé en 1876, sous le nom de Georges d’HEYLLI, la bimensuelle Gazette anecdotique, destinée à relater « les faits curieux, nouveaux ou ignorés, les anecdotes, les détails biographiques, les documents, en un mot, toutes les particularités destinées à augmenter l’intérêt. »
Ex-libris au nom de G. GICQUEL sur le premier plat du livre.