Métiers, Orientation professionnelle

Dictionnaire des professions

ou Guide pour le choix d'un état. Indiquant les conditions de temps et d'argent pour parvenir à chaque profession, les études à suivre, les programmes des écoles spéciales, les examens à subir, las aptitudes et les facultés nécessaires pour réussir, les moyens d'établissement, les chances d'avancement et de succès, les devoirs

Auteur(s) : CHARTON Edouard, LAFITTE Paul, CHARTON Jules

 

CARNOT Adolphe, CAZEAUX Pierre Euryale, CHAMPIER Victor, CHENNEVIERE Jules, CLEMANDOT louis, DEHARME Ernest, DELEROT Emile, docteur DELESTRE, DOUHAIRE, DUFORT Charles de, DUQUESNE Ernest, ETEX Antoine, FOURNIER, GARNIER Edouard, GARNIER Joseph, GIRARD de RIALLE Julien, GUICHARD Victor, GUSSE E., HONORE Frédéric, HUSSON, HUZARD, JEANTAUD Charles, LABAT Alfred, LAFITTE Paul, LALANNE Paul, LECOCQ E., LEFEBVRE Charles, LESBAZEILLES Eugène, LUYT Charles, PAMARD E., PATHIER Achille, PORTES Ludovic, DE QUATREFAGES, RECLUS Paul, REGNIER François-Joseph, REGNIER Henri, RENARD Léon, RENOUARD Alfred, ROY Jules, RUYSSEN François, SAINT-GERMAIN L., SCHWAEBLE Paul, SURBLED, TAILLANDIER Charles, TRANCHANT Charles, TOURNEUR, VAUDOYER Léon, VAUDOYER Alfred, VINSON julien, YUNG Eugène

 Paris, librairie HACHETTE et Cie, boulevard Saint-Germain 79
 troisième édition (la première date de 1842)
  1880
 1 vol (XIV-557 p.)
 In-octavo
 chagrin rouge, dos lisses à caissons, dorures, reliure signée Charles MAGNIER & fils


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Longtemps transmises de manière héréditaire ou par le biais de la cooptation et de l’apprentissage au sein d’une corporation, l’acquisition d’un savoir-faire et l’entrée dans une profession s’ouvrent et se démocratisent après la Révolution. Si l’“orientation professionnelle” reste contingente aux ressources financières, au bagage scolaire et éventuellement à l’efficacité d’un réseau de relations, la possibilité de choisir un métier au-dessus de sa condition, d’en acquérir les bases par une formation adéquate et de rompre avec la tradition familiale, n’est plus réservée à une élite.

La loi Guizot sur l’instruction demeure encore limitée dans son application, mais l’école devient progressivement plus accessible. Depuis la Révolution, qui a cassé le monopole aristocratique dans certains secteurs, il est stipulé que « tous les citoyens ont également accès à tous les emplois publics, sans autre distinction que leurs capacités et leurs talents », offrant ainsi de nouvelles perspectives professionnelles à la petite bourgeoisie et aux “classes moyennes” émergentes.

Dans le même temps, une école de pensée philosophique et morale, aspirant à une société fraternelle, exerce une forte influence sur les mondes économique, politique et intellectuel : le saint-simonisme. Basant leur réflexion sur la nécessité de reconnaître les compétences et le mérite de chacun pour lui donner une juste place dans la société, ses disciples insistent sur la nécessité de dispenser l’instruction au plus grand nombre. On attribue à SAINT-SIMON, la maxime suivante : « À chacun selon ses capacités, à chaque capacité selon ses œuvres. »

CHARTON partage cet optimisme : « Chaque citoyen a le droit de prétendre à tout, et ce droit n’est absolument pas une fiction. Il suffit, pour être admis à en faire usage, d’atteindre à un degré d’instruction qui est à la portée, non sans doute de la majorité, mais d’une minorité déjà considérable. À ce point de départ qui est comme une seconde naissance, les chances sont à peu près le mêmes pour tous, et à défaut de fortune, on peut arriver par l’étude, le talent, et une volonté opiniâtre. »

Saint-simonien militant, Édouard CHARTON fonde et dirige, à partir de 1833, le Magasin pittoresque, revue encyclopédique richement illustrée, destinée à un large public, qui rencontre d’emblée un grand succès. Fidèle à ses conceptions sociales et philosophiques, il rédige par la suite un Guide pour le choix d’un état, ou Dictionnaire des professions, destiné à aider les jeunes gens à choisir une voie professionnelle en leur présentant les métiers existants. Publié en 1842, ce dictionnaire entend guider les enfants, mais surtout leurs parents, en leur offrant dans un seul ouvrage des informations disparates et souvent difficiles à collecter. CHARTON se concentre essentiellement sur les professions libérales, le fonctionnariat, les ingénieurs, les carrières militaires et médicales ainsi que les beaux-arts, les manufactures et le commerce ; néanmoins son ouvrage, rédigé par un collectif de spécialistes et de professionnels, se révèle être un outil précieux pour tout étudiant ou apprenti.

À la proclamation de la Seconde République en 1848, CHARTON est nommé, par le ministre Hippolyte CARNOT, un ami personnel et un sympathisant saint-simonien, secrétaire général du ministère de l’Instruction publique. Par la suite, il devient député de l’Yonne et conseiller d’État. Il acquiert une certaine notoriété qui contribuera à la réalisation d’une nouvelle édition de son dictionnaire des métiers en 1851. Mais le coup d’État du 2 décembre interrompt pour une longue période sa carrière politique. Il se consacre alors pleinement à son activité journalistique et éditoriale, toujours guidée par une volonté de vulgarisation scientifique auprès d’un très large public. À son actif, on peut signaler la célèbre revue illustrée Le tour du monde, grand succès de la maison Hachette, ainsi que la Bibliothèque des merveilles.

À la chute du Second Empire, CHARTON reprend le cours d’une longue et brillante carrière politique qui ne s’interrompra qu’avec son décès en février 1890. Toujours aiguillonné par le souci constant de favoriser l’instruction et l’éducation des classes populaires, il souhaite renouveler un dictionnaire des professions devenu obsolète. Assisté par son fils Jules CHARTON et son gendre Paul LAFITTE, il recrute de nouveaux contributeurs et remanie en profondeur l’ouvrage, pour en faire un guide actualisé à destination de la jeunesse de son temps.

Publiée en 1880, cette nouvelle version a le mérite de revoir tout ce qui touche à l’armée, aux carrières publiques et même aux professions libérales. Autre avantage, il accorde beaucoup plus d’importance aux métiers du commerce et de l’industrie, alors en pleine expansion, ainsi qu’aux activités artisanales et manuelles, trop négligées dans les précédentes éditions, y compris dans les articles consacrés à l’agriculture.

Même s’il ne prétend pas être exhaustif, ce dictionnaire-guide met un point d’honneur à présenter une grande variété de professions, du géomètre au professeur, de la plumassière au courtier d’assurances, de l’agriculteur au mécanicien de la flotte, en passant par le naturaliste, le maçon, l’“homme de lettres”, le vétérinaire, le vigneron, le peintre sur porcelaine, le boulanger, l’avoué, l’officier du génie, l’aéronaute, le prêtre, le facteur de pianos ou le fumiste.

Beaucoup d’articles, consacrés aux métiers de la fonction publique et de l’armée, détaillent les perspectives de carrière, les concours, les traitements voire même les systèmes de bourses, sans oublier l’estimation du coût des études. L’accent est également mis sur les grandes écoles, telles Polytechnique, les Mines, Saint-Cyr, l’École libre des sciences politiques, les Ponts-et-Chaussées, l’École navale ou l’École nationale forestière. L’outre-mer et les colonies font l’objet de petits exposés sur les emplois disponibles dans les Antilles, l’Algérie, le Sénégal ou les établissements français d’Océanie.

Le travail féminin est également abordé dans ce livre, même si les auteurs ne se départissent pas d’une certaine réserve morale et d’une vision très traditionaliste : « La femme, dans quelques conditions de position et de fortune qu’elle se trouve, a une profession naturelle, appropriée à ses forces et ses facultés : celle de gouvernante de son ménage et d’éducatrice de ses enfants. La plupart des moralistes sont d’avis qu’elle n’en doit pas avoir d’autre. Mais cette opinion est plutôt l’expression d’un vœu que la constatation d’une réalité. » Pour autant, l’ouvrage fait l’éloge de l’instruction des femmes, « moyen certain de relever la valeur du travail de la femme, et faire en sorte qu’elle soit en état de faire face, elle aussi, aux éventualités de la vie… qu’elle substitue la qualité à la quantité de travail ».

Ce dictionnaire, n’étant pas un dictionnaire des arts et métiers, ne s’attarde pas sur la description technique des métiers et des savoir-faire. Il reste au contraire très pratique en se focalisant exclusivement sur la formation, les revenus et les carrières. Malgré tout, pour certaines professions, les qualités nécessaires, physiques, intellectuelles voire morales, à acquérir ou à développer, sont évoquées. Ainsi, pour un notaire, « la légèreté d’esprit, l’incapacité physique ou morale de se livrer pendant de longues heures au travail du cabinet, un goût trop prononcé pour ce qu’on appelle le monde, sont de dangereux défauts dans cette profession », tandis qu’un boucher « a besoin d’une grande force musculaire ; il doit être doué d’un caractère énergique, être capable de supporter des émotions pénibles, et de surmonter des répugnances instinctives ».

Après la parution de cette troisième édition, CHARTON aura la satisfaction de voir se mettre en place les lois scolaires, dites lois Ferry, en parfait accord avec sa vision de l’émancipation de l’homme par l’instruction.



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