Dictionnaire des ménages
Répertoire de toutes les connaissances usuelles, encyclopédie des villes et des campagnes
Auteur(s) : DUBOURG Antony
LACROIX Paul, GIGAULT de LA BELLODIÈRE Émile
Plus d'informations sur cet ouvrage :
La page de titre de l’ouvrage porte comme nom d’auteur : Antony DUBOURG ; il est assorti de la mention : “Membre de plusieurs sociétés savantes, industrielles et agricoles”. En réalité, nous avons affaire à un pseudonyme, qui présente la particularité d’être attribué, selon les sources consultées, à deux polygraphes du XIXe siècle. Le premier est Paul LACROIX, conservateur de la bibliothèque de l’Arsenal mais également auteur touche-à-tout particulièrement prolifique, surtout connu sous le nom d’emprunt de Bibliophile JACOB, et comme collaborateur occasionnel d’Alexandre DUMAS. Le second, dénommé Émile GIGAULT de LA BÉDOLLIÈRE, est à la fois journaliste, traducteur, romancier, auteur d’études historiques et de récits de voyages. Il est à ce jour impossible de déterminer avec certitude si le livre présenté ici, le seul à porter « Antony DUBOURG » comme nom d’auteur, a été rédigé par un de ces écrivains, ou s’il est le fruit de leur collaboration.
Publié en 1836 par la Société des dictionnaires, ce Dictionnaire des ménages se présente comme un traité d’économie domestique, qui se range dans une catégorie d’ouvrages pratiques dont l’existence remonte au Moyen Âge, comme l’atteste le Ménagier de Paris, écrit entre 1392 et 1394. S’adressant en priorité aux habitants des campagnes, ces véritables vade-mecum destinés à aider à l’administration d’un foyer, d’une maisonnée ou d’un domaine, se multiplieront avec la diffusion de l’imprimerie ; le plus connu étant l’ouvrage Agriculture et maison rustique, de Charles ESTIENNE et Jean LIEBAULT, qui sera publié en 1564. Il servira de base à de nouvelles versions, qui rencontreront également un grand succès, comme l’Économie générale de la campagne, de Louis LIGER, qui prendra par la suite le titre de Nouvelle maison rustique, et le Dictionnaire Oeconomique de Noël CHOMEL, édité pour la première fois en 1767. Au XIXe siècle, le succès de ce type d’ouvrages ne se démentira pas, avec la parution de nouveaux livres de référence comme la Maison de campagne d’Aglaé ADANSON, gros succès de librairie, dont la troisième édition est contemporaine de la sortie du livre présenté ici, ainsi que celle de la Maison rustique du XIXe siècle, véritable projet encyclopédique centré sur l’agronomie, dont le second tome sort également en 1836.
Pour se démarquer de l’offre existante, DUBOURG (quel qu’il soit en réalité) entend proposer une synthèse “actualisée” et corrigée en un seul volume, pas trop volumineux et plus accessible que des manuels en plusieurs tomes, car, selon lui, “la science de la ménagère et du propriétaire est encore disséminée dans des traités spéciaux sans clarté, dans des recueils périodiques sans ordre”. Il ambitionne, en adoptant le format particulièrement pratique du dictionnaire, de condenser “tout ce qui est nécessaire dans l’administration intérieure d’une maison de ville ou de campagne, tout ce qui doit composer l’éducation première d’une mère de famille, tout ce qui concourt au bien-être individuel et général”. Regrettons cependant que l’ouvrage souffre de ne pas être agrémenté d’illustrations…
La matière à traiter est très vaste, car, à côté de notions générales de sciences physiques et naturelles, le livre dispense des connaissances utiles sur la médecine, les remèdes naturels et ce qu’on pourrait appeler les premiers secours, l’agriculture et le jardinage, la préparation, la conservation et la cuisine des aliments, la gestion de l’office, la chasse et la pêche, mais aussi “les jeux et les amusements de l’esprit“ et ʺl’industrie domestique”. Conséquence logique de ce choix éditorial, le contenu du dictionnaire est très varié, pour ne pas dire éclectique. C’est ainsi qu’au fil des entrées, nous passons des recettes de macarons à la description de l’inflammation des amygdales, de la dysenterie à l’art de cuisiner le faisan ou d’utiliser des cendres pour laver le linge, en passant par les utilisations thérapeutiques de la bruyère, la manière d’engraisser un bœuf, l’état des connaissances scientifiques sur la Lune, ou encore les règles du jeu de la manille ; sans omettre la taxe des patentes ou le fonctionnement d’un moulin à vent.
La morale, souvent associée à l’hygiène et exempte de caractère religieux, n’est pas absente de ce livre. Parfois, au détour d’une définition, nous pouvons trouver des considérations assez curieuses, comme par exemple dans l’article « nourrice » : “Sans discuter, si, à l’instar d’un virus, le lait peut communiquer les vices, nous pensons que l’enfant peut au moins en acquérir les dispositions par la première éducation ordinairement confiée à ces femmes ; et nous croyons bien sincèrement que l’enfant sera colérique si sa nourrice a de fréquents accès de colère. L’enfant, naturellement imitateur, boira volontiers du vin si sa nourrice est dans l’habitude de s’enivrer, non seulement parce qu’elle ne lui en aura pas refusé, s’il a voulu faire comme elle, mais encore parce qu’elle lui aura donné cette habitude en le forçant à en boire ; car les gens vicieux aiment à propager leurs vices : d’ailleurs, une femme colère et buveuse fournira toujours du mauvais lait.”
Nous pouvons présumer que cet ouvrage, qui ne figure pas parmi les titres majeurs de LACROIX et de GIGAULT de LA BÉDOLLIÈRE, a quand même dû connaître un certain succès, puisqu’il sera réédité en 1839.