Athéisme, Religion

Dictionnaire des incrédules

Auteur(s) : GUYNEMER A.-M.-A.

 Paris, Librairie internationale, 15, boulevard Montmartre ; A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, éditeurs, à Bruxelles, à Livourne et et Leipzig
 édition originale
  1869
 1 vol (496 p.)
 In-octavo
 demi-chagrin marron, dos lisse orné de filets noirs et dorés


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Nous ne connaissons rien de la biographie d’A.-M.-A GUYNEMER, en particulier ce à quoi correspondent les initiales de ses prénoms. Il est plus aisé de deviner quelles pouvaient être ses convictions politiques. En effet, en 1849, il signe un Dictionnaire du bon Républicain, dans lequel ses opinions farouchement républicaines se doublent d’un anticléricalisme militant sans concession. Également intéressé par les sciences, il publie en 1857 un Dictionnaire d’astronomie à l’usage des gens du monde, qui lui permet de démontrer comment le progrès de cette discipline permet de lutter contre les superstitions : “Orgueil de l’esprit humain, la véritable astronomie n’a-t-elle pas délivré les peuples des terreurs occasionnées jadis par l’apparition des météores ou des comètes, que l’ignorance considérait comme des signes de la colère divine ? N’a-t-elle pas dissipé les rêves et les erreurs de l’astrologie judiciaire ? Ne combat-elle pas incessamment les préjugés comme les fausses prédictions, qui trouvent encore trop de créance, même parmi les classes que plus d’étude et d’instruction devrait en préserver ?”

Déjà meurtri par le renversement de la Seconde République et l’avènement du Second Empire, GUYNEMER est également chagriné de voir NAPOLÉON III se rapprocher ostensiblement des catholiques ultramontains pour asseoir son pouvoir. À la fin des années 1860, le régime impérial connaissant un tournant “libéral” avec un relatif relâchement de la censure, l’auteur en profite pour éditer, en 1869, un véritable dictionnaire qui fait la promotion de l’athéisme et de l’anticléricalisme. C’est ce livre, intitulé Dictionnaire des incrédules, que nous allons vous présenter.

Dès la préface, GUYNEMER, pour qui “en l’état actuel des sciences et de la civilisation, il est impossible de défendre encore longtemps les erreurs, les contradictions et la fausseté des récits bibliques sur lesquels le protestantisme, comme l’Église apostolique et romaine, ont appuyé leurs droits, leur autorité et leurs doctrinesʺ, ne fait guère mystère de ses intentions. Vent debout contre le clergé et la papauté, il se montre agressif sans chercher à modérer ses propos. C’est ainsi qu’il écrira dans sa préface :  “Ainsi, presque tous les peuples, depuis les temps historiques, ont été asservis et gouvernés par des écritures fausses, par des prêtres et des corporations s’attribuant des missions divines, prétendant représenter sur la Terre la puissance inconnue dont les lois universelles forment et transforment incessamment toutes choses […] C’est pour répondre aux injures et aux calomnies des prédications cléricales, aux mandements et aux encycliques des autorités ultramontaines, à l’esprit jésuitique enfin, qui, depuis dix-huit années, ne cesse de s’infiltrer dans toutes les régions de l’empire actuel, que nous allons exposer les preuves d’ignorance, les erreurs, les contradictions, les impossibilités et les fables que contiennent les écritures prétendues divines ; les principes et les doctrines antisociales de la cour romaine. À l’aveuglement comme à l’hypocrisie de la foi, il est bon d’opposer les lumières et les certitudes de la vérité, de la raison et de la science”.

GUYNEMER, qui cite souvent les Saintes Écritures, établit des comparaisons entre le christianisme et les autres religions, notamment le bouddhisme, l’islam et l’hindouisme. Faisant appel aux découvertes scientifiques et à l’esprit critique, il cherche à démontrer à quel point, selon lui, les dogmes de l’Église et la foi chrétienne sont contradictoires et incompatibles avec la modernité. Dans son propos, il cible tout particulièrement les congrégations religieuses, à son goût beaucoup trop influentes dans le pays ; il fait montre d’une hargne très marquée envers la congrégation des Jésuites, qu’il considère comme le bras armé de la politique réactionnaire de Rome. Plus qu’un dictionnaire, l’ouvrage est un véritable réquisitoire, dans lequel toutes les rubriques – Abjuration, Béatitude, Salut, Péché originel, Providence, Doute, Déluge, Éternité, Libre arbitre, etc. – constituent autant d’attaques. Dans l’ouvrage, le ton de GUYNEMER contre la religion se fait tantôt docte et factuel, tantôt sarcastique et polémique, l’auteur se présentant lui-même comme un fervent partisan du naturalisme.

Extraits

Autorités religieuses : Aussi longtemps que la majorité des classes sociales conservera la croyance d’un péché originel, d’un paradis et d’un enfer pour récompenser ou punir matériellement des âmes supposées immortelles ; tant que les hommes croiront à l’intervention incessante d’un être divin personnel ou spirituel dans les affaires de la Terre, il est évident que les ministres de ce Dieu parviendront toujours à se créer des privilèges, des honneurs et des pouvoirs indépendants des autorités temporelles. Les progrès de la civilisation, de l’instruction populaire et de la liberté, achèveront sans doute de dissiper les vieilles croyances qui, en réalité, ne sont que d’anciennes erreurs, des fictions et des traditions d’un passé qui s’opposent à la diffusion des lumières et de la vérité.

Jésuitisme : L’esprit jésuitique est toujours à double face, et malgré la déclaration du père Lainez, de Suarez et autres généraux de l’ordre, la société des restrictions mentales résista maintes fois à la volonté des successeurs de Pierre, dont l’un, le pape Clément XIV, abolit, en 1773, cette société comme incompatible avec la paix de l’Église et des États catholiques ; mais, vingt-sept années après, les jésuites intriguèrent si bien que Pie VII ordonna leur rétablissement. Le jésuitisme est ennemi de toutes les libertés, à l’exception de celle qu’il se donne ; le premier principe des associés, moitié clercs et moitié laïques, est l’obéissance aveugle et absolue à leurs supérieurs ; ils jurent d’être comme un bâton aux mains de son maître, de n’avoir pas plus de volonté qu’un cadavre ! – Marchands ou despotes dans les missions; sacrilèges au Japon ; hypocrites ou orgueilleux ; employant tour à tour la ruse et la violence ; justifiant tous les vices, toute mauvaise action, toute immoralité, tous les crimes, jusqu’à l’assassinat et le régicide, les jésuites sont partout à craindre par leur organisation, le mystère qui les couvre et, il faut bien le dire, par leur talent et leur instruction ; l’ordre n’admettant dans son sein que des sujets éprouvés, convenablement choisis et formés. Cette dangereuse institution, cette arme envenimée dont la pointe est partout et la poignée au Jésus de Rome, disparaît quelquefois par suite de ses méfaits, mais pour se montrer de nouveau, aussi redoutable et aussi malfaisante.

Miracles : On peut remarquer qu’ils décroissent en nombre, à mesure que s’augmentent la civilisation, les lumières de la raison, les connaissances positives et les investigations des autorités séculières ; et pourtant, aujourd’hui, des miracles bien évidents, bien constatés, seraient grandement nécessaires pour ranimer la foi et arrêter les progrès de l’incrédulité religieuse. Les enfants terribles de l’ultramontanisme s’efforcent bien de recueillir, sinon de produire, des faits miraculeux dans le brouillard des montagnes, dans les retraites du mysticisme, dans des lieux éloignés ou inconnus ; mais ces prodiges n’ont plus d’effet que sur les esprits simples et déjà pleins de foi.



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