Dictionnaire des gens du monde
Littéraire, critique, moral, physique, militaire, politique, caractéristique & social: où l'on traite des mœurs, des loix, des usages, des intérêts & des caractères des François & des Anglois ; des nations anciennes & modernes ; des arts utiles, des arts agréables, & généralement tout ce qui peut avoir rapport aux circonstances de la vie humaine.
Auteur(s) : STICOTTI Antoine Jean
Plus d'informations sur cet ouvrage :
Né de l’union d’un acteur et d’une cantatrice qui faisaient tous deux partie de la troupe de la Comédie-Italienne de Paris, Antoine Jean STICOTTI, qui par la suite adoptera comme prénoms de plume ceux de Fabio ou d’Antonio, embrasse précocement la carrière dramatique. Il est comédien comme ses parents mais il se fait surtout connaître comme auteur de pièces de théâtre, domaine dans lequel il connaît un réel et durable succès. Il écrit des essais et des analyses critiques sur le jeu de l’acteur puis, en 1759, il passe au service du roi de Prusse Frédéric II, auprès duquel il séjourne un temps à Berlin.
Si on étudie sa bibliographie, on peut constater que STICOTTI ne se cantonne pas au monde du théâtre : il rédige également, en compagnie du polygraphe Antoine SABATIER de CASTRES un Dictionnaire des passions, des vertus et des vices. Ce livre, qui constitue une anthologie élaborée à partir d’auteurs anciens et modernes, voit le jour en 1769. L’année suivante, il publie, chez Jean-Pierre COSTARD sans y faire figurer de nom d’auteur ni même composer une préface, un Dictionnaire des gens du monde en cinq tomes. Il s’agit de l’ouvrage présenté ici.
Derrière ce titre un peu énigmatique se cache un véritable petit dictionnaire de culture générale. L’ouvrage prend la forme d’un vaste florilège d’extraits, où de courtes citations alternent avec de très longs chapitres tirés de divers auteurs, avec une prédilection pour les écrivains des XVIIe et XVIIIe siècles. Il en résulte un recueil d’anecdotes et de faits en tout genre, souvent relatés à la première personne ou sous forme de dialogues ou de monologues rédigés dans un style théâtral. Le tout est rangé selon ce qu’on appellerait aujourd’hui des “mots-clés” soit, lexicographiquement parlant, des entrées. D’où un résultat érudit et très hétéroclite, mais d’une lecture aisée et agréable, bien dans la lignée des analectes très à la mode au XVIIIe siècle.
BARBIER, qui commentera plus tard cette publication, la résumera ainsi : ”Cette compilation, tirée d’une infinité de volumes, promet au public un dictionnaire assez neuf. On y verra souvent l’histoire et la morale représentées en tableaux ; quantité de faits, de définitions et d’arguments y sont offerts sous la forme agréable du dialogue. Ici, c’est un grand homme qui s’interroge, là un héros qui gémit ou qui rend grâce au destin, un petit maître qui s’adore, un méchant qui menace, une prude qui soupire, etc. Voilà comment les mœurs et l’histoire même, soumises à tous les mouvements de l’âme, échappent aux langueurs de la narration et nous sauvent de la sécheresse des maximes. Au lieu d’un livre classique, on croit lire un ouvrage d’agrément, méthode indispensable pour ôter, en grande partie, à cette sorte de recueil, ce ton didactique et sentencieux dont il est presque impossible de l’affranchir.”
Chaque mot, à défaut d’être défini de manière classique, est présenté par une série de chapitres numérotés, indépendants les uns des autres, de tailles très inégales et de nature différente. Exposés “scientifiques” ou philosophiques, anecdotes, faits historiques, citations, sentences morales, peuvent ainsi se juxtaposer avec, pour seul fil conducteur, un thème central commun. Ce parti pris laisse au lecteur le loisir de picorer le livre au hasard selon ses goûts, ou de le lire in extenso en épousant la logique et le classement éclectique de l’auteur. Celui-ci traite de tout type de sujets, de l’élasticité de l’air à la grammaire et à la politique internationale, de la sorcellerie à l’immatérialité de l’âme, de l’infidélité aux jeux de cartes et aux comédiens, en passant par l’art de la coiffure ou le crédit. Un article intitulé Je ne sçais quoi est même entièrement consacré au charme féminin.
À la fin du cinquième tome, STICOTTI, qui s’est manifestement beaucoup investi dans son livre, ajoute un supplément de plus de 300 pages. Une nouvelle édition de ce livre sera publiée en 1771. Après avoir encore écrit quelques pièces de théâtre, STICOTTI décèdera, probablement au cours de l’année 1772. En 1821, Alexandre BAUDOIN, sous le pseudonyme de « Jeune Ermite » sortira à son tour un Dictionnaire des gens du monde, à l’usage de la cour et de la ville, mais contrairement à celui de son prédécesseur il s’agira d’un ouvrage franchement satirique et comique.