Dictionnaire de l’Académie françoise 1762 (4ème édition)
Auteur(s) : Académie française
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Une vingtaine d’années après la sortie de la troisième version, datée de 1740,une nouvelle édition du Dictionnaire de l’Académie françoise est publiée en 1762. L’édition ici présentée semble être une contrefaçon, fléau très répandu dans le milieu de l’édition de l’époque, comme le laisse présumer la mention très vague de “libraires associés” figurant en titre d’éditeur. Le texte est bien celui de la quatrième édition publiée initialement en 1762 dans un format in-folio avec un texte sur deux colonnes. Ce dictionnaire apparaît en format in-quarto avec un texte réparti sur trois colonnes. Les gravures semblent être des copies sommaires, sans doute meilleur marché, des illustrations originales de la version de 1762.
La quatrième édition du dictionnaire de l’Académie est considérée par les spécialistes du sujet comme nettement supérieure aux précédentes. Sans doute motivés par la concurrence engendrée par la mode des dictionnaires et les débuts de l’Encyclopédie, le travail accompli est, cette fois-ci, considérable et rapidement exécuté, sous l’égide de Charles Pinot DUCLOS, son actif secrétaire perpétuel, qui occupe cette fonction depuis 1755 . Au XIXe siècle, l’académicien Abel-François VILLEMAIN écrira au sujet de cette version : “La quatrième édition est la seule importante pour l’histoire de notre idiome, qu’elle reprend à un siècle de distance des premières créations du génie classique, et qu’elle suit dans une époque de créations nouvelles ; en général, elle a été retouchée avec soin, et dans une grande partie par la main habile de DUCLOS…Les expressions scientifiques y sont plus nombreuses, les définitions plus précises, les exemples mieux choisis et plus souvent empruntés au style des livres, les idiotismes familiers plus rares”. L’étymologie et la prononciation sont par contre toujours les grands absents de ce dictionnaire.
Par rapport à la troisième édition, cette version comprend près de 148 pages de texte supplémentaire. Le terme “calviniste” y fait son apparition. Autre innovation revendiquée : “On a séparé la voyelle I de la consonne J, la voyelle U de la consonne V, … de manière à ce que ces quatre lettres qui ne formoient que deux classes dans les éditions précédentes, en forment quatre dans celle-ci”. Par ailleurs les Académiciens témoignent d’un souci certain de simplification de l’orthographe en décidant de supprimer de certains mots des lettres inutiles, le B dans Obmettre ou le D dans Adjouter par exemple. Dans la version de 1740, l’Académie avait déjà pris le parti de remplacer le Y par un simple I, là où cette lettre ne joue par le rôle de double I comme dans Roi ou Loi, le Y étant quand même conservé quand il a une signification étymologique comme dans Physique ou dans Synode. Autre innovation majeure, les mots commençant par V et U sont désormais clairement séparés, alors qu’ils étaient encore mélangés dans l’édition de 1740.
Soulignons enfin la règle qui guide la rédaction de ce dictionnaire : “L’Académie a toujours cru qu’elle devoit se restreindre à la langue commune, telle qu’on la parle dans le monde & telle que nos poëtes & nos orateurs l’emploient”. Il ne s’agit pas encore d’une véritable réforme de l’orthographe, l’Académie semblant même se résigner à la diversité orthographique du français : “Dès qu’une nouvelle manière de prononcer un mot s’est généralement établie, on est obligée de se conformer à l’usage reçu. On mériteroit des reproches, si l’on s’obstinoit à conserver la prononciation qui a vieilli. Il n’en est pas de même des changemens que l’usage introduit dans l’orthographe. On peut garder l’ancienne sans de grands inconvéniens, & les hommes faits ont de la répugnance à changer quelque chose dans celle qu’ils se sont formée dès leur première jeunesse, soit sur les leçons d’un maître beaucoup plus âgé qu’eux, soit par la lecture des Livres imprimés depuis plusieurs années. D’ailleurs il leur faudrait une attention pénible pour se conformer toujours aux règles d’une orthographe qu’ils n’auroient adoptée que dans un âge avancé”.
Au passage, les Académiciens justifient leur caractère collégial et leur utilité première : “S’il y a quelque ouvrage qui doive être exécuté par une compagnie, c’est le dictionnaire d’une langue vivante. Comme il doit donner l’explication des différents sens des mots qui sont en usage, il faut que ceux qui entreprennent d’y travailler, ayent une variété de connoissances, qu’il est impossible de trouver rassemblées en une seule personne”.
Après la parution de cette quatrième édition, les travaux engagés pour la suivante vont de nouveau trainer en longueur, malgré les efforts de D’ALEMBERT et de MARMONTEL. La tourmente révolutionnaire met un terme définitif à l’entreprise, déjà en sommeil depuis des années, en dissolvant officiellement l’Académie en août 1793. Une cinquième édition voit malgré tout le jour en 1798, mais il s’agit d’une entreprise indépendante des Académiciens, et constitue en fait une réédition augmentée d’un discours préliminaire et surtout d’un supplément présentant les mots nouveaux créés par la Révolution.