Dictionnaire de chirurgie
contenant la description anatomique des parties du corps humain, le méchanisme des fonctions, le manuel des opérations chirurgicales, avec le détail & les usages des différens inftrumens & médicamens employés dans le traitement des maladies du ressort de la chirurgie. A l'usage des étudians en médecine & en chirurgie, & de toute personne qui veut se procurer une connoillance suffisante de la structure des parties du corps humain, de leurs differens usage, & des opérations de chirurgie qui se pratiquent aujourd'hui. Le tout d'après l'exposition & les préceptes, tant écrits que non écrits des meilleurs maîtres en médecine & en chirurgie anciens & modernes.
Auteur(s) : LEVACHER de LA FEUTRIE Achille-François-Thomas, MOYSANT François, LA MARCELLERIE E. de
Plus d'informations sur cet ouvrage :
Après avoir obtenu, en 1768, sa thèse en médecine à la faculté de Caen, Thomas LEVACHER de LA FEUTRIE monte à Paris où il devient un praticien réputé et recherché. Il est connu pour être l’auteur de l’ouvrage que nous vous présentons : un Dictionnaire de chirurgie dont les deux volumes sont publiés en 1767. Bien que la paternité de l’ouvrage lui soit généralement attribuée, il semble bien qu’il soit en réalité le fruit d’une œuvre collective, à laquelle ont participé deux de ses collègues : François MOYSANT et un certain E. de LA MARCELLERIE.
Le livre arrive dans un contexte très concurrentiel car, qu’ils soient raisonnés, portatifs ou abrégés, les dictionnaires de médecine sont déjà légion sur le marché. Pour tenter de s’en distinguer, LEVACHER de LA FEUTRIE et ses compères se focalisent sur la chirurgie et les descriptions anatomiques, au motif que “tout le monde fait la connexion indivisible qu’a la chirurgie avec l’anatomie. Il n’est pas possible de faire méthodiquement & sans risque une opération de chirurgie, si l’on ne connaît la vraie structure & la situation respective des parties sur lesquelles on doit opérer, et l’anatomie”.
L’ouvrage est censément accessible au grand public, soit aux « personnes attentives à leur santé, qui pourront aisément prendre ici des notions anatomiques & physiologiques suffisantes pour raisonner sur leur constitution & sur leur tempérament”, mais il est en priorité destiné “aux jeunes chirurgiens instruits de toutes les parties de leur art & éclairés sur les meilleures méthodes d’opérer. Ils sauront pénétrer hardiment & sans risque dans les différentes cavités du corps, manier & diriger leurs instruments, découvrir les maux les plus cachés, & porter partout une main salutaire qui rétablisse l’ordre dans les fonctions animales”.
Ce dictionnaire de chirurgie n’est pas particulièrement original, car il résulte de la compilation d’écrits de théoriciens et de praticiens réputés. Depuis la Renaissance, la médecine a connu bien des évolutions et des avancées, s’affranchissant peu à peu d’un pesant héritage antique et médiéval. C’est pourquoi les auteurs se réfèrent en priorité à des auteurs récents en reprenant, entre autres, les travaux d’Antoine FERREIN, Jacques-Bénigne WINSLOW, Jan PALFIJN, inventeur du forceps, Albrecht Von HALLER, Jean-Louis PETIT, Jean ASTRUC, Jean-Baptiste SÉNAC et Lorenz HEISTER. Le dictionnaire fait la part belle aux innovations comme celle du “redresseur de l’épine”, dispositif destiné à corriger la colonne vertébrale des enfants bossus, dont l’inventeur n’est autre que LEVACHER de la FEUTRIE lui-même. Profitant de l’occasion pour soigner sa propre publicité, notre praticien en décrit longuement le principe, qu’il développera plus tard, en 1772, dans un Traité du Rakitis, ou l’art de redresser les enfants contrefaits.
LEVACHER de LA FEUTRIE poursuivra une belle carrière, en devenant en 1779 doyen de la faculté de médecine de Paris, fonction qu’il occupera jusqu’à sa mort en 1790. Près d’un demi-siècle plus tard, l’historien de la médecine Jean-Eugène DEIZEMERIS l’accusera d’avoir profité de son homonymie avec un autre chirurgien, François-Guillaume LEVACHER, pour lui voler la paternité de son redresseur de dos en plagiant sans vergogne les travaux de son collègue. Il est vrai qu’en 1769 ce dernier avait effectivement publié un opuscule intitulé Nouveau Moyen de guérir et de prévenir la courbure de l’épine. Mais il semble que LEVACHER de LA FEUTRIE avait, dès 1764, décrit son engin orthopédique dans un discours donné à la Faculté, de sorte que l’accusation ne paraît pas fondée, tout en continuant à être débattue.
Quelques extraits :
*HONTEUSES (artères & veines) : Il y a trois artères de ce nom. La honteuse interne, la grande & la petite honteuse externes. La honteuse interne est la quatrième des branches qui naissent de l’iliaque interne ou hypogastrique. Elle se partage en deux, près de son origine. La première branche fournit des rameaux aux vésicules séminales, aux prostates, & sort du bassin, au-dessous de la symphyse des os du pubis, pour se distribuer à la verge le long des corps caverneux dans l’homme, à la matrice & aux parties voisines du vagin dans la femme, & se nomme la grande honteuse externe. La seconde branche sort du bassin, par la grande échancrure sciatique, glisse derrière l’épine de l’ischion, vient gagner la face interne de la tubérosité de cet os & fournit pour l’ordinaire trois rameaux, dont le premier est l’hémorroïdale externe. Les autres vont se perdre dans le tissu spongieux de l’urètre & dans la cavité des corps caverneux. La petite honteuse externe naît de l’artère crurale. C’est le premier des trois rameaux que cette artère jette dès sa sortie du bas-ventre. La petite honteuse communique avec la grande externe, & se perd avec elle dans les parties destinées à la génération. Il y a deux veines honteuses ; l’une interne, l’autre externe, qui naissent où finissent les artères, & vont en montant, comme celles-ci descendent, se jeter, l’interne immédiatement & l’externe par le moyen de l’interne, dans les iliaques internes.
*NOLI ME TANGERE : Termes latins qui signifient « ne me touche pas ». C’est le nom qu’on donne aux cancers du visage, ou aux ulcères chancreux qui viennent au nez, à la bouche, au menton, etc., qui sont malins & rongeants, qui s’irritent par les remèdes, & avancent la mort du malade. Voyez Cancer.
*SIALOGOGUE : Remède qui excite la sécrétion de la salive. Il y en a de trois sortes. 1°. Ceux qui, mâchés & agités dans la bouche, font que la mâchoire inférieure, la langue & les muscles buccinateurs pressent continuellement les glandes & les conduits salivaires, & les obligent de verser la salive en abondance. Tels sont le mastic, la gomme de cerisier, celle de prunier, & tout ce qu’on met dans la bouche pour mâcher. C’est pourquoi on les appelle masticatoires. 2°. Ceux qui, par leur acrimonie, irritent les fibres de la gorge, de la langue, du palais & de toute la bouche, & font exprimer beaucoup de salive des glandes agacées par ces irritations. Tels sont le pyrèthre, le gingembre, la moutarde, le poivre, le tabac, l’iris, la staphisaigre & tous les apophlegmatismes âcres. 3°. Ceux qui fondent le sang & la lymphe, & dilatent les conduits salivaires. Tel est le mercure qui produit la salivation. Voyez Salive.