Dictionnaire pratique de céramique ancienne
Auteur(s) : LACOUR-BRÉVAL, ÉDINGER Gaston
Plus d'informations sur cet ouvrage :
La technique de la céramique, pratiquée depuis la fin de la préhistoire, se développe sous l’Antiquité et connaît une première phase de production quasi industrielle. La céramique, dont les usages sont multiples, remplit avant tout une fonction utilitaire et prosaïque, mais elle est de plus en plus utilisée pour la production d’objets de prestige. Grâce à des techniques “redécouvertes” et affinées, l’art de la porcelaine, de la faïence et de la poterie vernissée se répand en Europe sous la Renaissance. Au cours du XIXe siècle, l’industrialisation des procédés engendre une production de masse uniformisée, évolution qui conduit les collectionneurs à se tourner avec un intérêt accru vers les céramiques anciennes et artisanales. En France l’Histoire de la céramique, publiée en 1873 par Albert JACQUEMART, est l’ouvrage qui fera longtemps autorité sur le sujet.
Des journaux spécialisés en céramique traitent de sa production, de son histoire, de ses ateliers et de ses artistes les plus remarquables. Parmi ces publications se distingue La céramique ancienne, dont le rédacteur en chef est un certain LACOUR-BRÉVAL, au sujet duquel nous ne disposons d’aucune information personnelle. En revanche il est avéré qu’il collabore à plusieurs reprises avec Gaston ÉDINGER, présenté ici comme “critique d’art, expert” et dont nous savons qu’il est un auteur de romans sous divers pseudonymes. En 1923, les deux compères sont les rédacteurs d’un petit Guide du musée des arts décoratifs, puis, deux ans plus tard, ils récidivent avec un ouvrage d’une autre envergure, le Dictionnaire pratique de céramique ancienne ; il s’agit de l’ouvrage ici présenté.
Le but des rédacteurs est clairement affiché dès l’avant-propos : ils ne souhaitent pas réaliser un ouvrage technique et archéologique sur la céramique ancienne, mais procurer un outil pratique aux collectionneurs avertis et aux amateurs. L’ambition du livre se limite donc aux objectifs suivants : « Donner très succinctement, en quelques mots, les caractéristiques de la fabrique cherchée, puis ajouter à nos renseignements élémentaires les marques les plus connues de cette fabrique. »
Les auteurs considèrent que le public intéressé par cet ouvrage est déjà connaisseur en ce domaine ; c’est pourquoi ils ne jugent pas utile d’ajouter dans la fiche de chaque fabrique le nom des artistes les plus réputés. Des céramistes célèbres comme HANNONG, de Strasbourg, CLÉRISSY, de Moustiers, ou François-Joseph PÉTÉRINCK, de Tournai, sont simplement cités sans aucun détail biographique. Ce style volontairement épuré semble avoir été imposé à ÉDINGER et LACOUR-BRÉVAL qui avouent au détour d’une phrase : « Nous avons, souvent le cœur gros, renoncé à des développements et des explications que nous aurions eu du plaisir à écrire. » Il est vraisemblable que, soucieux de conserver au livre un aspect pratique et usuel, l’éditeur les a contraints à demeurer, dans leurs propos, concis et sobres à l’excès.
Les auteurs s’efforcent de donner, pour certaines pièces remarquables, une indication de prix, précision utile à tout collectionneur. Ils restent pourtant prudents sur ces valeurs, se réfugiant derrière une réserve de taille : « Deux produits d’une même manufacture, exactement semblables quant aux formes et aux décors, n’auront point la même valeur si leur émail et leurs couleurs offrent des différences. Force a donc été de nous contenter d’évaluations approximatives et extrêmement élastiques. »
Pour se faire une idée du contenu de ce livre, voici trois exemples de notice :
–“Grenzhausen (XVIIe siècle).Grès allemand connu également sous le nom de grès de Coblence. Cruches, pots, chauffe-mains, etc. Pâte grise, souvent recouverte d’émaux violets ou bleus très caractéristiques. (Chope à bière 250 francs)”,
–“Nyon (fin XVIIIe). Porcelaine suisse de bonne qualité. Ses produits sont très recherchés. Sujets de fleurs et personnages rappelant tantôt les fabriques françaises, tantôt les manufactures allemandes. Pièces de service, tasses, etc. (Tasse et sa soucoupe, bonne qualité 600 francs)”,
–“Samadet (Landes). Faïence française. Les produits, souvent de bonne qualité, se rapprochent de ceux de Moustiers et des fabriques du centre français. Nous lui attribuons un joli manganèse rosé. (Jardinière 200 francs, belle assiette 350 francs)”.
LACOUR-BRÉVAL et ÉDINGER se concentrent sur la céramique européenne, délaissant les pièces chinoises, turques ou japonaises, pourtant copiées dès le XVIIe siècle par des fabriques occidentales. Dans leur ouvrage se retrouve un large panorama des ateliers français mais également allemands, italiens, hollandais et britanniques. Les autres pays européens également sont présents avec des productions russes, danoises, belges, polonaises, portugaises et espagnoles.
Le point fort du livre réside dans le fait que les notices sont le plus souvent accompagnées de la reproduction de monogrammes, des signatures et des marques de fabrique des ateliers, tous ces renseignements permettant de dater les pièces et de reconnaître leur provenance. Les grands ateliers des villes dédiées de longue date à la céramique, comme Savone, Gubbio, Faenza, Nuremberg, Rouen, Urbino ou Moustiers, ont droit à plusieurs pages. Les marques et signatures des faïences de Delft s’étalent même sur dix pages. A contrario, les auteurs ne reproduisent que peu de monogrammes issus de centres de production très importants comme ceux de Sceaux et de Sèvres.
Ce livre austère et épuré ne parvient pas à rivaliser avec un ouvrage antérieur, le Nouveau dictionnaire des marques et monogrammes des faïences, poteries, grès, terres de pipe, terre cuite, porcelaines, etc. anciennes et modernes d’Oscar-Edmond RIS-PAQUOT. Daté de 1873 et proposant plus de 2 700 monogrammes rehaussés de couleurs, ce dictionnaire se montre plus complet que celui de LACOUR-BRÉVAL et ÉDINGER tout en étant, de surcroît, agrémenté de belles planches dessinées par l’auteur lui-même.