Amour

Dictionnaire d’amour (Le)

Étrennes pour l'année 1789

Auteur(s) : MARÉCHAL Pierre Sylvain, Berger SYLVAIN

 à Gnide, et se trouve à Paris, chez BRIAND, lbraire, hôtel de Villiers, rue pavée saint-André-des-Arts
 nouvelle édition (la première date de 1788)
  1789
 1 vol (XVII-122-132 p.) deux parties reliées en un volume
 In-douze
 veau brun, dos lisse avec filets et fleurons dorés, pièce de titre grenat
 gravure en frontispice gravée par ODER représentant l'Amour offrant le livre à une "jeune beauté" dans un temple de Vénus


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Fils d’un marchand de vin parisien, Pierre Sylvain MARÉCHAL réussit à convaincre son père de le laisser suivre des études de droit. Il devient avocat mais, handicapé par son bégaiement, il finit par s’orienter vers une carrière littéraire. Celle-ci démarre avec Les Bergeries, un recueil de poésies qui rencontre un bon accueil public et critique. Auréolé par ce succès, l’auteur, alors âgé de vingt ans, obtient un emploi de sous-bibliothécaire au collège des Quatre-Nations, fonction qui lui permet d’acquérir une vaste érudition. Athée convaincu et militant, admirateur de ROUSSEAU, HELVÉTIUS et DIDEROT, il développe un système philosophico-politique dont les thèses sont proches du socialisme et de l’anarchisme. Ennemi du pouvoir absolu, il prône la mise en commun des biens, la nécessité du travail et l’abolition des inégalités sociales. Il diffuse ses idées et ses critiques envers la religion à travers des ouvrages comme L’Âge d’or et Livre échappé du déluge, qu’il signe du pseudonyme Le Berger Sylvain.

Ayant perdu son poste, il ne renonce pour autant ni à ses principes ni à l’écriture et, à côté de sa littérature “engagée”, pour assurer sa subsistance il est conduit à traiter de sujets plus consensuels. C’est dans ce contexte qu’en 1788 il publie à Paris –  Gnide, lieu d’édition fictif indiqué sur la page de garde, faisant référence à la ville de Cnide qui abritait une célèbre statue d’Aphrodite, déesse de l’amour – son Dictionnaire d’amour, réédité l’année suivante avec la mention “Étrennes pour l’année 1789“. Bien qu’il écrive le contraire, il ne s’agit pas du premier lexique du genre, puisqu’en 1741 Jean-François DREUX du RADIER avait déjà signé un livre portant le même titre mais, à l’évidence, notre auteur ne montrait pas une grande estime à “cette brochure […] qui porte abusivement ce titre qu’elle est loin de remplir”.

Dans son ouvrage, MARÉCHAL se propose de “rassembler en un corps tous les termes usités chez les amants, en discuter les différentes acceptions, en déterminer la valeur ; en un mot, fixer invariablement la langue qu’on parle à Cythère. Loin de ses ouvrages politiques, il renoue ici avec le lyrisme, déclarant en préambule : “Tout est amour dans l’univers. Depuis le premier des astres jusqu’au dernier des atomes, tout aime. Des satellites nombreux courtisent la souveraine des nuits, qui elle-même (mais non sans rivales) adore le roi du jour. Par une attraction perpétuelle, le père de la lumière aime & féconde la terre. Cette mère commune embrasse dans son sein l’élément humide, & l’air est l’amant de la flamme qui meurt quand elle en est privée. Tout aime, même les êtres inanimés.” Il ne se départit pas d’une certaine emphase théâtrale, confinant à la grandiloquence, qui se retrouve dans cette Prière à l’amour dont il gratifie le lecteur : “Âme du monde, père du bonheur, divinité universelle, exauce la fervente prière de ton ministre le plus zélé. Veille sur ma patrie. Dans quel lieu de la terre ton nom a-t-il été plus honoré que parmi les François ? Ne permets pas que ton culte y soit négligé ; ne permets pas que la vaine coquetterie élève avec orgueil un autel sur les débris du tien. Chasse de ton temple ton ennemi, l’amour-propre, & un autre plus moderne, plus puissant encore, l’égoïsme. Du haut de l’Empirée où tu présides à ce vaste univers, agite sur nos têtes ton flambeau divin ; fais-en pleuvoir sur nous les étincelles brûlantes. Descends dans le sein de nos Belles ; allumes-y tes feux bienfaisants ; de nous, fais un peuple d’amants heureux ; & pour prix de mon ardeur, daigne m’admettre du nombre.”

Le dictionnaire proprement dit recense les mots et les noms propres ayant un rapport avec l’amour, avec, en guise de définition – souvent très courtes -, des bons mots, des traits d’esprit ou des anecdotes historiques ou ethnologiques. Contradictoire à l’image de son maître à penser ROUSSEAU, il fait souvent l’éloge de l’état de nature et désapprouve le mariage – “un marchandage” -, tel qu’il est pratiqué en Occident.  Il se montre également volontiers moralisateur, à cheval sur la pudeur et la décence, insistant volontiers sur les faiblesses et les travers qu’il prête à la gent féminine. Il faut noter qu’en 1801, celui qui est pourtant un libre-penseur rédigera un texte au titre très surprenant : Projet de loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes. La même année, il publiera un Almanach des honnêtes gens, dans lequel, remplaçant les saints par des personnages célèbres, il laisse libre cours à un anticléricalisme qui lui vaudra de passer quatre mois en prison. Son livre, interdit, est condamné à être brûlé par le bourreau, sort qu’il aura le triste privilège d’être le dernier à subir en France. MARÉCHAL, qui accueille avec grand enthousiasme la Révolution, publie de nombreuses brochures, un journal, ainsi qu’un Dictionnaire des honnêtes gens précédé de son Almanach autrefois censuré. Se tenant à l’écart du conflit entre les Girondins et les Jacobins, il désapprouve la Terreur mais, farouche partisan de l’égalité sociale et lié à Gracchus BABEUF, il s’implique dans la conjuration des Égaux, dont il  rédige le Manifeste. Lorsque le complot est éventé et les meneurs arrêtés, il réussit à passer entre les mailles du filet et à échapper aux poursuites. Il continuera à écrire sans être inquiété et, en 1800, il fera paraître son Dictionnaire des Athées anciens et modernes, avant de décéder à Montrouge en janvier 1803.

 

Quelques définitions

*Pauvreté. Amour & pauvreté font rarement voyage ensemble. Quoique voisins, ils ne sont guère amis : le premier indique cependant assez volontiers la demeure de la seconde. Quelquefois même, il a la complaisance d’y conduire.

*Décence. Elle ajoute à la beauté, embellit la laideur, multiplie les désirs, double le bonheur, & en rend la jouissance plus durable. C’est le vernis de l’amour & le sel des plaisirs. Une femme qui en manque, n’entend pas ses intérêts. Il faut rendre cette justice aux peuples modernes. Ils mettent plus de décence dans leurs plaisirs que les anciens : ils observent mieux les bienséances. Si nous ne sommes pas meilleurs que nos aïeux, du moins sommes-nous plus jaloux qu’eux de paraître sages.

*Oreiller. Confident discret de nos peines. Que de soupirs il étouffe ! Que d’amants voudraient être à sa place !

*Amboine. Dans cette grande île, les contrats de mariage ne se passent que par devant nature. L’homme fait un présent au père & à la mère de la femme qui consent à venir habiter sa cabane de bambou ; & le reste va de suite. Seulement, on se met en garde contre l’esprit malin, en posant sous la courtine une gousse d’ail, & en plaçant un manche à balai au chevet du lit nuptial. Les deux conjoints restent ensemble tant qu’ils se conviennent ; sinon, ils se quittent comme ils se sont pris. On prétend que, malgré ce défaut de formes, il y a au moins autant de bons ménages à l’île d’Amboine que partout ailleurs.

*Indiscrétions. L’Amour pardonne presque toujours les étourderies, quelquefois les imprudences, rarement les indiscrétions.

*Insipide. Voyez Mari.



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