Dictionnaire bibliographique ou Nouveau manuel du libraire et de l’amateur de livres
Contenant l’indication et le prix de tous les livres tant anciens que modernes qui peuvent trouver leur place dans une bibliothèque choisie ; les renseignements nécessaires pour distinguer les éditions les plus recherchées ; les signes caractéristiques de leur authenticité ; les prix auxquels les livres ont été portés dans les ventes les plus célèbres, et enfin des notes critiques, historiques et littéraire, à l'aide desquelles on peut se fixer soit sur l'importance bibliographique, soit sur le mérite de la plupart des ouvrages. Augmenté d'un nombre considérable d'articles échappés aux bibliographes précédens, ou relatifs à des ouvrages publiés postérieurement aux leurs. précédé d'un Essai élémentaire sur la bibliographie
Auteur(s) : PSAUME Etienne
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Destiné à l’état ecclésiastique auquel semblait le prédestiner son patronyme, Étienne PSAUME embrasse avec enthousiasme les idées de la Révolution. Devenu administrateur et procureur-syndic du district de sa ville natale de Commercy, son caractère cassant et intraitable lui vaut de nombreux ennemis. Son mandat achevé, il n’aura désormais plus accès à une quelconque fonction publique malgré sa probité et un zèle républicain souvent outrancier.
Il acquiert une réputation d’extrémiste en n’hésitant pas, dans un virulent pamphlet, à qualifier LOUIS XVI de « Néron moderne ». Opposé à BONAPARTE, il tente sans succès à la Restauration d’obtenir une charge de juge de paix. Profitant de la vente des biens des maisons religieuses, PSAUME parvient pendant la Révolution à se constituer une importante bibliothèque personnelle de près de 14 000 volumes, qui lui confèrera pour la postérité une solide réputation d’érudit voire de bibliomane.
Libraire au Palais-Royal, Ulfrand PONTHIEU reprend à son compte, aux alentours de 1820, un projet de dictionnaire bibliographique initialement entrepris par le libraire Émile BABEUF, fils du célèbre Gracchus BABEUF. Pour conférer plus de consistance et de tenue à ce manuscrit inachevé, il charge PSAUME de rédiger une longue introduction qui prend le titre d’Essai élémentaire sur la bibliographie. C’est donc augmenté de cette introduction que le Dictionnaire bibliographique ou Nouveau manuel du libraire et de l’amateur de livres, ici présenté, est publié à Paris en 1824.
L’ouvrage est anonyme et ne porte, sur la page de titre, que la mention M. P*** pour désigner l’auteur de l’essai introductif. Long de près de deux cent cinquante pages, cet exposé sur la bibliographie sera remarqué et même loué par de grands écrivains, comme NODIER qui parle d’« une analyse bien faite de la science bibliographique ». Bien qu’il n’en ait pas la paternité pleine et entière, l’ouvrage prend bientôt le nom de Dictionnaire bibliographique de PSAUME, terme sous lequel il est toujours communément désigné aujourd’hui.
Afin d’étoffer l’ouvrage et de rentabiliser son investissement, PONTHIEU n’hésite pas à compléter le dictionnaire avec des chapitres entiers empruntés à la troisième édition du Manuel du libraire et de l’amateur de livres de BRUNET. Des écrivains et des érudits observent qu’il s’agit d’une contrefaçon du Dictionnaire portatif de bibliographie de FOURNIER, lequel n’est lui-même qu’une version remaniée du Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares de CAILLEAU et de l’abbé DUCLOS.
La plupart des critiques prennent bien soin de ne pas viser PSAUME dans leurs accusations, car il est manifestement étranger à ces manœuvres éditoriales douteuses. Cependant il n’échappera pas totalement à la polémique, car les critiques ne se privent pas de souligner que pour son essai il s’est manifestement beaucoup inspiré du Cours élémentaire de bibliographie, ou la Science du bibliothécaire rédigé par ACHARD. Au final ce dictionnaire constitue une œuvre composite à la genèse tortueuse, au sein de laquelle il est difficile de déterminer, avec une certitude absolue, la paternité de telle ou telle partie, de tel ou tel chapitre.
Le dictionnaire lui-même se compose d’articles rédigés sous forme de notices bibliographiques retraçant pour chaque auteur la liste de ses principaux écrits, et qui sont le plus souvent accompagnées d’informations pratiques : prix, différentes éditions, rareté, qualité des illustrations, anecdotes historiques, etc. Selon les écrivains et les ouvrages présentés, les notices peuvent contenir des commentaires critiques, parfois acerbes et hostiles, en particulier envers la monarchie et l’aristocratie.
À propos de BONALD, on peut y lire la diatribe suivante : « En général toutes les productions de ce ténébreux écrivain… n’ont eu un peu de vogue que parce que certains valets de plume de la tyrannie avaient fait autrefois à leur auteur un immense trousseau de réputation. Mais, comme toutes les choses humaines, ce trousseau commence à s’user et tombe même en lambeaux depuis que les théories du despotisme, si ingénieuses qu’elles puissent être, ne sont plus de mode, et parce que l’on sent enfin que la clarté dans le style doit être comptée pour quelque chose, et que l’obscurité dans les idées n’est pas toujours de la profondeur. » Plus loin, il énumère les rééditions de ROUSSEAU « en dépis des glapissemens de cette tourbe d’obscurans qui voudraient… replonger l’univers dans les ténèbres de l’ignorance et de la barbarie ».
De même, évoquant les discours de TACITE traduits par GORDON : « Ces discours, empreints de la haine la plus vigoureuse contre le despotisme sont très estimés, à l’exception pourtant des bons hommes qui s’imaginent que la race humaine a été créée pour les menus plaisirs de la tyrannie. » Contrairement aux livres de BRUNET, puis plus tard à ceux de BARBIER, le dictionnaire bibliographique de PSAUME n’a pas connu une très longue carrière, mais, du fait de sa réputation de plagiat quasi intégral, il demeure un objet de curiosité pour les bibliophiles.
Étienne PSAUME connaîtra une célébrité posthume du fait de son assassinat dans des circonstances particulièrement sordides. Au décès de sa fille Cornélie en 1824, il obtient l’usufruit de la moitié de ses biens et la tutelle de ses trois enfants, au grand dam de son gendre SIMON. De son côté, Élisabeth, une autre fille de PSAUME, est contrainte par sa mère d’épouser le fils de son amant, un certain CABOUAT, qui ne percevra jamais la dot promise. Liés par une haine implacable envers leur beau-père, et poussés par le désir d’hériter au plus vite, SIMON et CABOUAT se liguent pour l’assassiner à coups de gourdins dans la forêt de Hazois, le 27 octobre 1828. Les deux meurtriers seront vite démasqués, jugés et guillotinés en septembre 1829.
À la fin du second volume sont jointes en supplément des listes d’éditions publiées par les familles ALDE et ELZEVIR.