Nous évoquions au mois d’octobre l’anniversaire des 200 ans de Pierre LAROUSSE, et la parution d’une édition “spéciale bicentenaire” du Petit Larousse illustré.
Afin de compléter l’hommage rendu au père fondateur, la maison d’édition Larousse a eu l’excellente idée de faire paraître, le 25 octobre dernier, un nouveau dictionnaire composé uniquement de mots anciens et “obsolètes”, qui ont été retranchés des éditions successives, depuis le milieu du XIXe siècle. Pour autant, le procédé en lui-même n’est pas inédit, puisqu’en 2008 Héloïse NEEFS avait déjà publié Les disparus du Littré.
Selon le journal Le Parisien, près de 10 % des mots contenus dans la troisième édition du Nouveau dictionnaire de la langue française de 1856 ne sont plus recensés dans le Petit Larousse de 2018. L’ouvrage intitulé Les mots disparus de Pierre Larousse s’attache à remettre en lumière plusieurs centaines de ces mots désormais hors d’usage. Ce livre, à la fois savoureux et un brin nostalgique, nous invite à redécouvrir tout un pan enfoui, mais pas encore totalement oublié, du patrimoine lexical de la langue française.
Un très bel ouvrage pour célébrer le bicentenaire de Pierre Larousse, cet homme des Lumières qui œuvra toute sa vie pour transmettre le savoir au plus grand nombre, pour rendre accessible la langue française et pour « accoutumer les élèves à penser par eux-mêmes, à trouver des mots dans leur mémoire, des idées dans leur propre jugement ».
Avec un hommage et une mise en perspective de Bernard Cerquiglini.
Une introduction par Jean Pruvost, pour rappeler l’étonnante vie de Pierre Larousse, qui fut à la fois instituteur, lexicographe, éditeur, auteur, libraire et imprimeur, et ses œuvres foisonnantes.
De même que dans une bibliothèque on procède régulièrement à ce qu’on nomme poétiquement le “désherbage”, les concepteurs de dictionnaires soustraient, à chaque révision, des mots en nombre plus ou moins élevé. On estime généralement que 4 000 mots environ étaient “exfiltrés” au cours du temps, pendant que 24 000 faisaient leur entrée dans le dictionnaire.
L’objectif de ces révisions est double : maintenir un lexique en adéquation avec son époque, et surtout faire de la place pour les mots et expressions nouvelles. Bien que les éditeurs aient souvent joué sur la typographie et la mise en page pour conserver le maximum de mots dans leurs dictionnaires, tout en maintenant un prix de fabrication et de vente raisonnable, une sélection de candidats au départ s’avère fatalement nécessaire.
Un dilemme se pose alors à l’éditeur pour savoir s’il doit ou non écarter un mot et sur quel critère baser ce choix. Si l’usage est le plus généralement retenu, il doit se demander à partir de quel moment un mot quitte le champ de l’usage quotidien pour devenir une “relique” du passé. Bernard CERQUIGLINI, qui a participé à la rédaction de ce livre, propose cette réponse : « Ils [les mots] correspondent à une réalité. Si celle-ci disparaît, le mot n’a plus d’emploi. » Faute d’être employé au quotidien, le mot s’efface de la langue usuelle.
Ainsi on trouve dans ce florilège tout un vocabulaire qui relève de la France d’autrefois et se rattache à des métiers disparus (chaufourniers, coffretiers, aléniers, couverturiers, gaufreurs, galonniers), à d’anciennes techniques artisanales (hollander, peignier, affinoir), au monde paysan (abat-foin, panage, ânée, boquillon), aux aliments et breuvages oubliés (cuisse-madame, cognasse, franc-réal, mouille-bouche, muscadelle), ou encore à des objets qui nous sont aujourd’hui inconnus (pet-en-l’air, clifoire).
Au-delà de ces termes “obsolètes”, le langage a évolué de telle manière que de nombreux verbes et expressions sont désormais datés et inusités. Plus personne ne fait désormais de “mignotises” ou ne qualifie quelqu’un de “bestiasse”, de “janot”, de “galantin” ou de “velche”. Si “rioter, chopiner, rabêtir, jobarder, libertiner” et “victimer” sont des activités toujours universellement pratiquées, ces verbes ne sont plus utilisés pour les désigner. “Accul” a disparu face à “cul-de-sac”, “accordé” a fait place à “fiancé”, et “branloire” est devenu synonyme de “balançoire”. De même les adverbes “affectionnément, barbarement, bénignement” ou “captieusement” ne sont plus guère employés !
À chacun donc de musarder dans les pages de ce dictionnaire et de (re)découvrir la définition de “claquedent, guide-âne, s’acagnarder, jaculatoire, bachelette, papalin, racleur, lourderie, déprier, falourde, poulot, blatier” ou encore “zinzolin”.
Pour les auteurs, il n’y a pas lieu de déplorer l’écrémage de la langue. Optimistes, ils y voient avant tout un signe de la vitalité du français et de son renouvellement permanent. D’ailleurs, dans son introduction, Jean PRUVOST prend soin de préciser qu’« un mot ne meurt jamais entièrement » et peut toujours revenir sur le devant de la scène par le biais de la littérature ou de la chanson.
Dans un article du 11 novembre, Le Figaro proposait un petit questionnaire sur ces mots d’antan. Nous le soumettons à votre sagacité (un mot en danger ?), à vous de jouer !