Arturo PÉREZ-REVERTE, le célèbre écrivain espagnol, auteur, entre autres chefs-d’œuvre, du Tableau du maître flamand, vient de produire un nouveau roman : Deux hommes de bien (ci-dessous).
Si cet évènement trouve sa place dans notre rubrique, c’est que le personnage principal du roman est un livre, et pas n’importe lequel : l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert ! Petit avertissement préalable : comme nous donnons un résumé de l’intrigue, si vous ne voulez pas en connaître l’issue, suspendez là votre lecture !
L’action débute en Espagne à la fin du XVIIIe siècle, à une époque où l’Inquisition, bien que déclinante, imprime toujours les esprits. Dans ce pays a été fondée une académie sur le modèle de celle créée en France par Richelieu. Une tâche qui lui est assignée consiste à réviser le dictionnaire de la langue castillane. Mais les académiciens estiment que, pour mener à bien leur mission, ils ont besoin d’un soubassement intellectuel dont ils ont entendu dire qu’il existait en France : la célèbre Encyclopédie des Lumières…
Se pose dès lors le problème de pouvoir entrer en possession d’un ouvrage interdit à la fois par le pouvoir royal et par l’Église la plus obscurantiste d’Europe. Après bien des débats et des hésitations, l’Académie espagnole décide de déléguer en France deux de ses membres pour y acquérir les 28 volumes du célèbre ouvrage : ce sont nos “deux hommes de bien” !
Commence alors l’aventure picaresque de deux héros, qui sont les pendants, au physique comme au mental, de Don Quichotte et Sancho Pança. Leur route vers Paris est semée d’embûches, et entravée, tout au long de leur pérégrination, par un espion à la solde d’Espagnols réactionnaires opposés à l’esprit des Lumières et à la démarche de leur Académie.
Parvenus à Paris, ils doivent résoudre une autre difficulté : l’édition originale de l’Encyclopédie est épuisée, et ils vont batailler ferme pour acquérir les précieux volumes in-folio. Le séjour parisien de nos deux héros donne l’occasion à l’auteur de tracer un tableau passionnant d’un Paris pré-révolutionnaire en pleine effervescence intellectuelle, où ils vont avoir l’occasion de croiser des hommes éclairés comme D’Alembert, Condorcet, Buffon ou Laclos, mais aussi des femmes fort intelligentes et quelque peu libertines.
Malgré des obstacles de toutes sortes, dont un duel mémorable, nos deux personnages parviendront finalement à rapporter ce lourd trésor à Madrid pour le déposer dans la bibliothèque de l’Académie, où il repose toujours.
Bien que romancé, le récit repose sur des faits et des personnages principaux qui ont réellement existé. L’ouvrage donne l’occasion à Arturo Pérez-Reverte de rendre un hommage appuyé à la France des Lumières et, à travers l’Encyclopédie, de démontrer comment la transmission de la culture passe par nos amis les livres !
Soulignons, en conclusion, que ce magnifique roman historique nous apparaît d’autant plus actuel et nécessaire qu’à l’évidence nous sommes à nouveau entrés dans une époque où plane la menace d’un retour des forces obscures du fanatisme et de l’intolérance.
Pour plus de détails, vous pouvez lire ce compte-rendu de lecture publié à l’occasion de la sortie du livre en Espagne en 2015.
Petit dialogue extrait de l’ouvrage :
-Une bibliothèque est plus une compagnie qu’un moyen de lecture, dit-il après avoir fait quelques pas. Un remède et une consolation.
DANCENIS sourit, presque avec reconnaissance.
– Vous savez de quoi vous parlez, monsieur. Une bibliothèque est un endroit où l’on trouve ce qu’il nous faut au moment opportun.
– C’est à mon avis bien davantage… Quand nous sommes tentés de trop mépriser nos semblables, il suffit, pour nous réconcilier avec eux, de contempler une bibliothèque comme celle-ci, riche en monuments dressés à la grandeur de l’homme.
– C’est là, monsieur, une grande vérité
Ci-dessous, l’auteur présente son livre dans l”émission La Grande librairie du 28 avril 2017