Anne Hidalgo, maire de Paris, a été couronnée par l’académie l’an passé ! L’information étant passée à peu près inaperçue dans les médias, il convenait que Dicopathe, à qui rien n’échappe, s’en fasse l’écho auprès de son fidèle lectorat.
Précisons quand même qu’il s’agit pas de l’Académie française qui a en charge le Dictionnaire mais d’une académie bien plus discrète, sans coupole ni prix littéraire : l’Académie de la carpette anglaise… Mais pourquoi une telle appellation ? S’agirait-il pour d’honorables académiciens chenus de gloser à l’infini sur les mérites comparés des tapis d’outre-Manche ?
Que nenni ! Nous sommes en présence d’une académie parodique qui, depuis 1999, décerne un prix dit d’“indignité civique” à des Français qui, selon son jury, se sont particulièrement distingués dans l’année par leur acharnement à promouvoir la domination de l’anglais en France, au détriment de la langue française.
Les créateurs de ce prix ont choisi le terme “carpette” pour désigner un textile que l’on piétine sans vergogne et qui peut servir à s’essuyer les pieds : métaphore d’un français de plus en plus maltraité jusque dans son pays d’origine !
Le prix 2017 a été attribué au second tour de scrutin, par huit voix contre une, à la maire de Paris pour avoir fait projeter sur la tour Eiffel le slogan “Made for sharing” de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024.
(Source de l’image : www.gilblog.fr)
L’Académie de la carpette anglaise est présidée par Philippe de Saint Robert, également président de l’Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française (ASSELAF).
Parmi les précédents lauréats du Prix de la carpette anglaise se retrouvent des journalistes célèbres, de grands industriels ainsi que de personnalités politiques de gauche comme de droite.
Voici, tirée du site de l’Association de la défense de la langue française, la liste des lauréats du Prix de la carpette anglaise qui ont précédé Anne HIDALGO et du Prix spécial du jury à titre étranger depuis 2001 :
2016 : Anne-Florence Schmitt, directrice de la rédaction de Madame Figaro, pour l’abus constant d’anglicismes et d’anglais de pacotille, dans cette revue destinée à un large public féminin.
2015 : Alexandre de Juniac, PDG d’Air France-KLM, pour la campagne de publicité « Air France, France is in the air » remplaçant l’élégante publicité « Faire du ciel le plus bel endroit de la terre ».
2014 : M. Pierre Moscovici (source de l’image ci-dessous : www.gilblog.fr), membre de la Commission européenne, pour avoir adressé à M. Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics, une lettre entièrement en anglais.
2013 : Guillaume PEPY, président de la SNCF, distingué pour ses éminents mérites en dévotion anglophone, a reçu le prix 2013 de la Carpette anglaise. Après les Smiles, les TGV Family, et autres médiocrités linguistiques.
2013 (prix exceptionnel) : Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour avoir, dans la lignée de Mme Valérie Pécresse
(“carpettée” en 2008) et malgré de nombreuses mises en garde, légalisé en maintenant l’article 2 de son projet de loi l’enseignement en anglais.
2012 : M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports, pour avoir selon Le Parisien, que, dans le domaine du transport, « l’anglais devrait être la langue de rédaction des documents officiels harmonisés ».
(source : www.gilblog.fr)
2011 : M. Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, pour promouvoir avec vigueur l’usage de la langue anglaise, de la maternelle aux grandes écoles, et pour faire de la télévision publique en anglais aux heures de grande écoute (sous-titré en français).
2010 : Mme Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, et à ses conseillers en communication, pour leur recours systématique à des slogans anglo-saxons
2009 : M. Richard DESCOINGS, directeur de l’Institut d’études politiques de Paris, pour imposer des enseignements uniquement en langue anglaise dans certaines filières proposées, et pour correspondre en anglais avec le lycée français de Madrid.
2008 : Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour avoir déclaré que le français était une langue en déclin et qu’il fallait briser le tabou de l’anglais dans les institutions européennes.
2007 : Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie et des Finances, qui communique avec ses services en langue anglaise, par huit voix contre quatre à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la Francophonie, qui a publiquement célébré les futurs bienfaits du protocole de Londres.
2006 : le Conseil constitutionnel, pour « ses nombreux manquements à l’article 2 de la Constitution qui dispose que la langue de la République est le français », et pour avoir déclaré « conforme à la Constitution le protocole de Londres sur les brevets, permettant ainsi à un texte en langue anglaise ou allemande d’avoir un effet juridique en France ».
2005 : France Télécom, opérateur de téléphonie présidé par Didier Lombard, pour la mise en place de services et produits aux dénominations anglaises (Business Talk, Live-Zoom, Family Talk…), désigné par huit voix contre quatre pour Yves Daudigny, président du conseil général de l’Aisne, pour sa campagne publicitaire en anglais “L’Aisne, it’s open !”
2004 : Claude Thélot, président de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école, pour avoir considéré « l’anglais de communication internationale » comme un enseignement fondamental, à l’égal de la langue française, et avoir préconisé son apprentissage par la diffusion de feuilletons américains en VO sur les chaînes de la télévision française.
2003 : le groupe HEC, dont le directeur général, Bernard Ramanantsoa, a déclaré en décembre 2002 : « Dire que le français est une langue internationale de communication comme l’anglais prête à sourire aujourd’hui. »
2002 : Jean-Marie Colombani, directeur de la publication du Monde, qui publie sans la moindre réciprocité, et à l’exclusion de toute autre langue, un supplément hebdomadaire en anglo-américain tiré du New York Times.
2001 : Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi Universal, pour avoir systématiquement favorisé l’anglais comme langue de communication dans ses entreprises.
2000 : Alain Richard, ministre de la Défense, pour avoir obligé les militaires français à parler anglais au sein du Corps européen alors qu’aucune nation anglophone n’en fait partie.
1999 : Louis Schweitzer, PDG de Renault, pour avoir imposé l’usage de l’anglo-américain dans les comptes-rendus des réunions de direction de son entreprise (juste devant Claude Allègre, sélectionné pour avoir déclaré à La Rochelle, le 30 août 1997 : « Les Français doivent cesser de considérer l’anglais comme une langue étrangère. »
Lauréats du prix spécial du jury à titre étranger :
2017 : M. Donald TUSK, président du Conseil européen, pour s’exprimer en priorité en anglais, excluant notamment le français qu’il se refuse à apprendre.
2014 : Mme Paula Ovaska-Romano, directrice du Département des langues et directrice par intérim de la Direction générale de la traduction de la Commission européenne, pour avoir violemment tancé en anglais une responsable associative qui la sollicitait en italien et avoir qualifié, à cette occasion, l’italien de « langue exotique ».
2013 : Tom ENDERS, président exécutif d’EADS et grand organisateur de la politique linguistique du tout en anglais dans son groupe, qui a trouvé (dis)grâce aux yeux du jury. L’Académie a tenu à lui décerner son prix spécial à titre étranger pour avoir annoncé, en anglais seulement, à tous les salariés allemands, espagnols et français de la branche “défense et espace”, un vaste plan de licenciements par une vidéo…
2012 : l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) pour la campagne publicitaire « Say oui to France – Say oui to innovation », qui promeut la France à l’étranger en utilisant un anglais de pacotille comme seul vecteur de communication, au lieu de s’adresser dans la langue des pays intéressés par cette campagne.
2011 : la compagnie Ryanair, présidée par M. Michael O’Leary, pour avoir imposé, en Espagne, aux femmes enceintes de plus de vingt-huit semaines, un certificat médical exclusivement rédigé en anglais, y compris pour les vols intérieurs (menaçant de ne plus desservir les aéroports ne se pliant pas à cette exigence (AFP, Madrid, 13 septembre 2011).
2010 : M. Paul Kagamé, président de la République du Rwanda, pour avoir imposé dans son pays le passage du français à l’anglais comme langue officielle et comme langue de l’enseignement, et pour avoir quitté l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) pour adhérer au Commonwealth.
2009 : M. Jean-Louis BORLOO, ministre d’État, ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, pour avoir signé le traité de l’International Renewable Energy Agency (IRENA) dont la seule langue de travail est l’anglais.
2008 : Eurostat, service des statistiques de la Commission européenne, qui diffuse depuis avril 2008 sa publication Statistiques en bref uniquement en anglais, renonçant aux langues allemande et française.
2007 : la police de Genève, pour avoir diffusé une publicité intitulée “United Police of Geneva”.
2006 : Ernest-Antoine Seillière, président de l’Union des industries de la Communauté européenne, pour avoir prononcé un discours en anglais au Conseil européen à Bruxelles en mars 2006.
2005 : Josep Borrell, président du Parlement européen, pour avoir avantagé l’anglais lors d’une session de l’assemblée parlementaire Euro-Méditerranée qu’il venait de présider à Rabat au Maroc sans prévoir la traduction des documents de travail.
2004 : Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, élu pour avoir présenté en anglais la politique de l’établissement devant le Parlement européen de Strasbourg et avoir déclaré, lors de sa prise de fonctions : « I am not a Frenchman.
2003 : Pascal Lamy, élu pour son utilisation systématique de l’anglais dans ses fonctions de commissaire européen, au mépris des règles communautaires.
2002 : Romano Prodi, président de la Commission européenne, qui n’a jamais manqué une occasion de promouvoir la langue anglaise comme langue unique, au mépris des règles communautaires, comme l’ont montré l’affaire de l’étiquetage en anglais des produits alimentaires, et l’imposition de l’anglais comme langue unique de négociation pour l’élargissement européen.
2001 : la société Lego, fabricant danois de jouets pour enfants, qui présente ses produits en France et dans le monde uniquement en anglais sous les expressions : « Explore being me », « explore together », « explore logic » et « explore imagination » ».
Vous l’aurez compris, ce prix n’est pas de ceux dont les récipiendaires se glorifieraient, dont ils décoreraient volontiers leur carte de visite et qu’ils viendraient recevoir en grande pompe au milieu d’une nuée de journalistes. Le Dicopathe, viscéralement attaché à la défense de la langue française, tenait à sortir de la pénombre une trop discrète académie qui, et ce n’est pas pour nous déplaire, laisse la part belle à l’humour… français !
L’histoire ne dit pas quel est le trophée qui échoit au lauréat du prix, peut-être une coupe ou un coupon de moquette ? Nous invitons nos amis suiveurs de Dicopathe à nous faire des suggestions d’objets “gratifiants et signifiants” que nous pourrions transmettre au jury avant qu’il ne décerne le prix 2018.
Qui sera distingué cette année ? Emmanuel Macron qui, pour son action en faveur de la Francophonie, paraissait bien ne jamais être menacé cette distinction, pourrait pourtant en être le prochain récipiendaire. Il vient en effet de trébucher le 29 mars dans l’enceinte du Collège de France en qualifiant la démocratie de « le système le plus bottom-up de la terre ». Mais, à l’écart de toute suggestion, les décisions du jury seront forcément “jupitériennes” !
Une dernière information nous parvient au moment de clore ce billet: en plus de la carpette d’hiver il nous faudra désormais parler du tapis de printemps… Le jury de l’académie de la carpette anglaise a décidé de créer cette année un prix dénommé “Tapis rouge” qui, aux beaux jours, sera attribué à une personnalité qui illustre et défend la langue française.
J’ai hautement apprécié ce magnifique article, qui soit dit entre nous, m’a donné des informations que je ne connaissais pas.
Merci Jacques.
Cher Pierre merci pour tes compliments, venant de toi ils ont beaucoup de valeur à mes yeux!
J’apprécierais, en tant qu’auteur des montages d’Anne Hidalgo, JF Coppé et Moscovici, que l’origine de ces images soit citée. http://www.gilblog.fr .Je ne demande aucune rémunération, mais simplement de la courtoisie. Merci
Vous avez tout à fait raison. Veuillez excuser notre distraction. Nous corrigeons ça de suite.