Cette semaine l’Encyclopaedia Universalis s’est rappelée à mon souvenir à deux reprises. La première, lors d’une vente aux enchères où j’ai assisté à l’adjudication d’un exemplaire en parfait état, complet de tous ses volumes, pour le prix dérisoire de quelques dizaines d’euros ; rappelons qu’en son temps elle était vendue, neuve, autour de 3 500 € ! La seconde en lisant un article dans Les Échos qui décrit par le détail les tribulations de la version papier et sa résurrection sous forme numérique. La première édition, imprimée en 20 volumes en 1968, a été suivie de 6 éditions successives, dont la dernière en 30 volumes datée de 2012. Pendant plus de 35 ans, l’ouvrage a été édité et commercialisé par la société Universalis dont le capital se partageait, à parts égales, entre le Club français du livre, pionnier français de la vente de livres par correspondance, et la société anglo-saxonne Encyclopaedia Britannica, éditeur de l’encyclopédie éponyme spécialisée dans la vente au porte à porte.
L’alliance de ces associés aux modes de commercialisation parfaitement complémentaires s’est traduite par un incroyable succès d’édition avec plus de 700 000 exemplaires vendus. Cette encyclopédie s’enorgueillissait d’avoir employé 7 400 rédacteurs dont certains très prestigieux comme Claude Lévi-Strauss, Emmanuel Lévinas, Paul Ricœur, Axel Kahn, René Étiemble, Georges Duby, Emmanuel Le Roy-Ladurie, Luc Montagnier ou Pierre-Gilles de Gennes. Il n’est pas excessif de dire qu’à sa sortie l’Encyclopaedia Universalis constituait, au propre comme au figuré, un véritable monument de l’édition française. Au faîte de sa gloire, dans les années 1970/1980, cette encyclopédie avait également acquis un statut de véritable marqueur social. Le plus souvent offerte à la vue des visiteurs dans la plus belle pièce de la maison, il lui revenait d’attester, par sa seule présence, volumineuse et rassurante, du haut niveau de culture du propriétaire.
Elle amorcera son déclin à l’aube des années 2000, d’abord fragilisée par un violent conflit entre actionnaires mais surtout par le surgissement d’internet et de Wikipedia, une encyclopédie en ligne actualisée en permanence et totalement gratuite. Il faudra attendre 2012 pour que la société Universalis se résolve à supprimer définitivement une version papier qui ne s’écoulait plus qu’à quelques milliers d’exemplaires. La mutation, sans doute trop tardive, se fera dans la douleur, sanctionnée en octobre 2014 par un dépôt de bilan de la société éditrice. Celle-ci, désormais recapitalisée, positionnée à 100 % sur le numérique, son ennemi d’antan, s’est résolument tournée vers le marché de l’E-éducation en développant des plateformes destinées aux écoles, collèges, lycées et à l’enseignement supérieur. À lire Les Échos, les dernières nouvelles de la société sont rassurantes. Elle a recouvré la santé financière avec un chiffre d’affaires prévisionnel 2017 de 4,5 millions d’euros et un résultat opérationnel qui devrait approcher les 400 000 €. Tel le Phénix renaissant de ses cendres, l’Encyclopaedia Universalis entame donc une nouvelle vie, mais cette fois-ci sous forme numérique !
Larousse et Hachette ayant également définitivement renoncé à produire des encyclopédies imprimées, le constat s’impose désormais que, 240 ans après l’achèvement du dernier volume de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, la France ne disposera bientôt plus d’aucun ouvrage collectif imprimé capable de rassembler le savoir universel. Nous sommes face à une véritable révolution au pays des Lumières ! Le drame des encyclopédies imprimées sous forme de livres est d’avoir été les précurseurs de ce que nous appellerions de nos jours des “bases de données” et qu’à ce titre elles n’avaient aucune chance de pouvoir lutter contre la concurrence d’internet qui permet à tout un chacun d’accéder instantanément à la connaissance et dans des conditions de quasi-gratuité.
Il serait vain de regretter l’évolution radicale de la transmission du savoir, dans la mesure où elle apparaît totalement inéluctable. Félicitons-nous plutôt de l’existence du site Dicopathe et de son grand frère, Dico-collection, qui, prenant à rebours la voie suivie par les éditeurs, recourent au numérique pour offrir les versions imprimées des plus riches encyclopédies.
Entièrement d’accord, surtout si ces volumineux livres ne servent qu’a vous faire grandir de quelques centimètres pour atteindre le haut de votre armoire.
Heureusement il y a les dicopathes pour vous rappeler, même si c’est en numérique, la beauté, la valeur et le plaisir de dégoter ces vieux dicos.cachés les uns derrière les autres.
Notre plaisir est de les mettre au-devant de la scène, qu’ils revivent que diable… qu’ils distribuent et fassent tout le bien que leurs auteurs espéraient et ce sans abattre ni une forêt, ni un arbre de plus !
Amicalement.
Pierre De WITTE – http://www.dico-collection.com