Aussi curieux que cela puisse paraître, l’orthographe du mot diction(n)aire, ouvrage pourtant censé donner le mot “juste”, a été longtemps fluctuante, et ce jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Le terme n’a été forgé qu’au Moyen Âge, à partir du terme latin Dictio (locution), qui a donné Dictionarius et Dictionarium. La paternité de ce mot est attribuée à un nommé Jean de GARLANDE, né en Angleterre à la fin du XIIe siècle, qui par la suite deviendra un grammairien renommé à Paris. Soulignons que les Britanniques sont restés fidèles à l’étymologie primitive avec “Dictionary”.
La première mention en langue française de dictionnaire, avec un double n, se trouve dans Le jardin de plaisance et fleur de rhétorique, anthologie anonyme de poésie courtoise datée de 1501.
En 1539, lorsque Robert ESTIENNE publie son Dictionaire françois-latin, exact pendant de son Dictionarium latinogallicum de 1538, il francise le terme latin en ne conservant qu’un seul n.
Au cours des décennies suivantes, le terme dictionnaire n’est pas très usité, fréquemment remplacé, jusqu’au début du XIXe siècle, tantôt en version française tantôt en version latine, par des termes comme “trésor, curiosités, mots, vocabulaire, glossaire, lexique” et autres synonymes.
Il faut attendre le XVIIe siècle, premier âge d’or du dictionnaire, pour voir le terme occuper le devant de la scène. Mais si le Dictionnaire universel, de FURETIÈRE, le Dictionnaire françois, de RICHELET et le Dictionnaire de l’Académie françoise orthographient le mot avec deux n, le Grand dictionaire historique, de MORERI, le Dictionaire étymologique, de MÉNAGE, et le Dictionaire historique et critique, de BAYLE, leurs contemporains, restent fidèles à l’ancienne orthographe.
Il est à remarquer que, contrairement à la première, la deuxième édition du dictionnaire de BAYLE adopte l’orthographe “officielle”, adoubée entre-temps par l’Académie française. Au cours du XVIIIe siècle et jusqu’à la première moitié du XIXe, les deux orthographes coexistent. Ainsi en témoignent les exemples ci-dessous, datés respectivement de 1787, 1814 et 1822.
L’orthographe actuelle finira, au bout du compte, par s’imposer grâce au développement de l’enseignement et à la réforme de l’orthographe de 1835 initiée par l’Académie française.
Gageons cependant que, avec les projets récurrents de réforme et de “simplification” de la langue française, le sujet n’est peut-être pas définitivement clos et qu’on pourrait voir un jour le “dictionnaire” prendre sa revanche et revenir supplanter (définitivement ?) son concurrent séculaire, le “dictionnaire” !
Bonsoir Jacques,
Pour moi le plus grand défenseur du
DictioNaire avec un seul N est l’abbé FERAUD Jean-François, comme tu l’as bien dit ci-dessus, (voir aussi ma notice : )
http://www.dico-collection.com/1787-feraud-abbe-dictionaire-critique-de-la-langue-francaise-xviii-slecle
où l’abbé Féraud a sans hésitation choisi des partis très nets sur l’évolution du français.
Amicalement.
Pierre28
voir aussi : http://www.dico-collection.com/1868-obsevations-sur-l-orthographe-f-didot