Parfait négociant (Le)
ou Instruction générale pour ce qui regarde le commerce des marchandises de France, & des pays étrangers. Pour la banque, le change & rechange. Pour les sociétés ordinaires, en commandite, & anonymes. Pour les faillites, banqueroutes, séparations, cessions & abandonnemens de biens. Pour la manière de tenir les livres journaux d'achats, de ventes, de caisse & de raison. Des formulaires de lettres & billets de change, d'inventaire, & de toutes sortes de sociétés. Comme aussi plusieurs parères ou avis & conseils sur diverses matières de commerce très-importantes ; ensemble la vie de l'auteur, par Mr. Philémon-Louis SAVARY, chanoine de l'église royale de S. Maur, son fils ; augmentée de l'Art des lettres de change, par DUPUIS de LA SERRA, & du traité des changes étrangers par Claude NOLOT
Auteur(s) : SAVARY Jacques, SAVARY des BRUSLONS Philémon Louis
NAULOT Claude, DU PUY de LA SERRA Jacques
Plus d'informations sur cet ouvrage :
À l’issue d’une fructueuse carrière de négociant en mercerie, Jacques SAVARY accède, grâce à l’appui de Nicolas FOUQUET, à un poste profitable et envié : la ferme des domaines de la couronne. Malheureusement pour lui, il se trouve entraîné dans la disgrâce de son protecteur et perd sa charge sans pouvoir être indemnisé des sommes qu’il y avait investies. Au bord de la ruine, il réussit à s’attirer la bienveillance du chancelier SÉGUIER qui le sollicite pour participer à des arbitrages commerciaux. En 1670, COLBERT, en reconnaissance de ses mérites, le nomme au Conseil des réformes pour le commerce. Chargé de fixer les règles à suivre dans la pratique du commerce sur terre ou sur mer, cet organisme met au point une Ordonnance sur le commerce qui est publiée en 1673. Ce document passera à la postérité sous le nom de Code Savary, preuve du rôle éminent que SAVARY a joué dans son élaboration ; cet édit fera date en imposant pour la première fois aux commerçants la tenue des comptes.
Sollicité par les grandes maisons de commerce, et fort de sa nouvelle notoriété, Jacques SAVARY entreprend la rédaction d’un véritable manuel pratique destiné à initier les marchands aux techniques commerciales “modernes” et à la connaissance de la législation en cours. Pour mener sa tâche à bien il se réfère aux nombreux rapports et mémoires qu’il a pu consulter à l’occasion de sa mission précédente. Publié pour la première fois en 1675, Le parfait négociant se révèle d’emblée comme un grand succès éditorial qui, dépassant les frontières, est traduit en allemand, en italien, en néerlandais et en anglais. Au final l’ouvrage ne connaîtra pas moins de dix-huit éditions officielles, sans compter une dizaine d’éditions “pirates” imprimées à Genève, Amsterdam et Lyon.
En 1688, il complète Le parfait négociant par le livre Parères, ou Avis et conseils sur les plus importantes matières de commerce. Ce deuxième ouvrage sera par la suite intégré à toutes les rééditions corrigées et amendées du Parfait négociant qui se succèderont jusqu’en 1800. Le contrôleur général des finances lui confie ensuite une charge très profitable consistant à examiner les comptes des Domaines d’Occident. La maladie et l’infirmité assombriront les dernières années de la vie de SAVARY qui décèdera à Paris en 1690. De ses dix-sept enfants, deux suivront ses traces : Jacques SAVARY des BRÛLONS, auteur du célèbre Dictionnaire universel de commerce et Philémon Louis SAVARY des BRÛLONS qui, bien qu’ecclésiastique, contribue à la rédaction du livre de son frère en le dotant d’un supplément. Ce dernier est également l’auteur de corrections incluses dans Le parfait négociant à partir de la septième édition datée de 1713.
L’ouvrage présenté ici se veut avant tout un guide pratique et méthodique pour toute personne qui veut entrer dans une carrière commerciale. Conscient qu’un bon marchand doit en toutes circonstances conserver un esprit d’analyse clair et vigilant, il met les novices en garde contre trois écueils majeurs que sont l’ignorance, l’imprudence et l’ambition mal contrôlée associée à une avidité excessive, « car il n’y a point de profession où l’esprit et le bon sens ne soient plus nécessaires ». Considérant que l’origine de ces déviances est essentiellement due à un manque d’instruction, il consacre la première partie du livre à la description d’un programme “minimal” de formation pratique et technique des apprentis. Il y décrit un socle de connaissances qu’ils doivent avoir assimilées pendant leur formation, comme les poids et mesures, les règles de change et de l’escompte. La morale n’est pas oubliée, comme en témoigne un long chapitre intitulé “De la manière dont les apprentis doivent se comporter en la maison de leur maître”.
Tout en prenant soin de citer les édits, décrets, arrêts et autres écrits royaux, parlementaires ou consulaires, censés avoir force de loi en France, Jacques SAVARY passe en revue des sujets aussi divers que le choix des commissionnaires, le commerce de gros, le courtage, le transport des marchandises ou les différentes techniques commerciales. Il prône l’attractivité du commerce international et s’intéresse aux marchés étrangers sur lesquels il donne de nombreuses informations relatives à la concurrence, aux règles locales à respecter et aux produits les plus avantageux à importer ou à exporter.
Nombre d’articles sont consacrés au change, base indispensable du commerce, mais d’une grande complexité du fait de la disparité des taux et des commissions ainsi que de la diversité des types de billets et de lettres de change. Ce sujet est complété par l’ajout de deux courts traités : L’art des lettres de change d’un certain Jacques DUPUIS de LA SERRA et le Traité des changes étrangers par Claude NAULOT, orthographié ici NOLOT.
Un des combats de Jacques SAVARY consistera à militer pour le développement des sociétés en commandite qui permettent aux commanditaires d’investir leur fortune sans déroger à leur appartenance à la noblesse. En effet, conformément au parcours de l’auteur, bien des négociants fortunés sont tentés d’acheter une charge pour intégrer la noblesse de robe, mais, ce faisant, ils risquent de détourner leurs capitaux de l’économie de l’échange et de ne plus s’investir dans le négoce.
Jusqu’à la promulgation du Code de commerce en 1807, Le parfait négociant, continuellement corrigé et actualisé dans ses différentes éditions, permettra à un large public de se tenir au fait des règles commerciales en vigueur. Cependant les pratiques décrites dans le livre ne sont ni exhaustives ni universellement adoptées par l’ensemble de la masse des petits commerçants, de sorte qu’en matière commerciale l’usage et les pratiques locales demeureront prééminents jusqu’à la Révolution.