Lexicon heptaglotton
hebraicum, chaldaicum, syriacum, samaritanum, aethiopicum, arabicum conjunctim, et persicum separatim. In quo, omnes voces Hebraeae, Chaldaeae, Syrae, Samaritanae, Aethiopicae, Arabicae, & Persicae, tam in Mssis. quam impressis libris, cumprimis autem in Bibliis polyglottis, adjectis hinc inde Armenis, Turcicis, Indis, Japonicis, &c. ordine alphabetico, sub singulis radicibus digestae, continentur. Earumque significationes, omnium præsertim in SS. Hebræis semel tantum occurrentium multo aliter quam apud modernos, sive Hebræos, sive christianos, ex tribus chaldæis Targumin, utroque Babylonico, & Hierosolymitano Talmude, vetustissimorum rabbinorum commentatoribus, theologis, & philosophis, variis S. Scripturæ lectionibus Hebr. Chald. &c. tribus exemplaribus V. & N. T. Syris, tribus magna ex parte utriusque Æthiopicis, tribus arabicis, duobus persicis, tribus Pentateuchis Samaritanis: lexicis item in omnibus hisce linguis vix numerandis; Alcorano, Avicenna, Geographo Nubiensi, &c. ut & graeca LXX interpretum versione, ample & dilucide eruuntur, proponuntur & explicantur. Variorum insuper interpretum difficiles ac discrepantes sententiae, conferuntur & examinanturn quamplurima Errata in aliis Lexicis, necnon in ipsis Bibliis polyglottis, etiam pravae haud raro translationes emendantur, & ad verum suum sensum restituuntur. Cui accessit brevis, et harmonica (quantum fieri potuit) grammaticae, omnium praecedentium Linguarum delineatio
Auteur(s) : CASTELL Edmund
GOBIUS Jacobus
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Au cours de ses brillantes études à Cambridge, Edmund CASTELL se spécialise dans les langues sémitiques et persane. En 1628 il obtient sa maîtrise et, à partir de 1652, participe très activement à l’aventure de la Bible polyglotte. Sous la direction de Brian WALTON, un grand nom de l’orientalisme anglais, une équipe de savants et d’universitaires réputés, dont James USSHER, John LIGHTFOOT, et Edward POCOCKE, travaille à la rédaction d’une Bible traduite dans les différentes langues orientales du christianisme. Ce faisant, WALTON reprend un projet initié dès le XVIe siècle qui avait abouti à la publication, entre 1625 et 1648, des dix volumes de la Bible polyglotte de Paris, autrement appelée la Bible Lejay. Menée à bon terme malgré un parcours éditorial complexe, cet ouvrage comprenait sept langues : le latin, le grec, l’hébreu, le syriaque, le samaritain, le chaldéen et l’arabe. C’est en se fondant sur cette réalisation enrichie de deux langues supplémentaires, l’éthiopien et le persan, que les érudits britanniques élaborent leur propre version. Publiée en 1657, celle-ci s’intitulera la Bible polyglotte de Londres.
WALTON signe l’ensemble de cette œuvre, mais il reconnaît à CASTELL la paternité des parties rédigées en syriaque, samaritain, arabe et éthiopien. À titre personnel, ce dernier a entrepris depuis 1651 la rédaction d’un lexique plurilingue, épaulé par quatorze assistants successifs qu’il rémunère personnellement et, dix-huit ans durant, il y travaille à raison de seize à dix-huit heures par jour. En 1664, il est nommé professeur d’arabe à Cambridge, puis en 1666 il se voit désigner par CHARLES II en qualité de chapelain ordinaire du roi. Pendant ce temps, accaparé par un projet de dictionnaire dans lequel il a englouti près de 12 000 livres, il ne cesse d’être en butte à des problèmes financiers récurrents d’autant qu’il perd également une grande partie de ses biens dans l’incendie de Londres. Très fortement endetté pour s’être imprudemment porté garant de son frère, il est brièvement emprisonné en 1667. Malgré toutes ces embûches, et au terme d’un travail acharné, le Lexicon heptaglotton, ici présenté, est enfin publié en 1669, par l’imprimeur Thomas ROYCROFT, qui avait déjà édité la Bible polyglotte.
Comme son nom l’indique (heptaglotton signifie “sept langues” en grec), CASTELL construit son lexique à partir des six langues orientales et de la langue éthiopienne, soit celles dans lesquelles les textes bibliques et chrétiens, y compris apocryphes, ont été rédigés en Orient et en Afrique. À la suite de la préface, écrite en latin, l’auteur a joint une très utile présentation des différents alphabets utilisés, ainsi que des explications grammaticales.
Le dictionnaire lui-même se décompose en deux parties. CASTELL choisit de le faire débuter par la langue persane en reproduisant le Dictionarium persico-latinum de Jacob GLOSIUS qui constitue un premier lexique d’une centaine de pages. Retrouvé sous la forme de manuscrit après la mort de son auteur en 1667, ce texte, remanié et commenté, se trouve publié pour la première fois dans le Lexicon heptaglotton. Chaque terme en écriture persane est traduit en hébreu et en latin, éventuellement en arabe ou dans une autre langue. La deuxième partie est intitulée Lexicon orientale. Elle est constituée d’un lexique qui, partant d’un terme en hébreu, le convertit en chaldéen, en syriaque (terme générique pour l’araméen), en samaritain, en éthiopien et en arabe. Souvent les mots ne sont pas traduits dans toutes les langues, notamment en samaritain et en syriaque déjà considérés comme des langues en fort déclin.
Du fait de la multiplicité des langues et des alphabets, la lecture de cet ouvrage s’avère malaisée pour un novice, d’autant que le sens de lecture varie selon les langues. Si le latin et l’éthiopien s’écrivent de gauche à droite, l’hébreu, l’arabe et les autres langues araméennes s’écrivent de droite à gauche. De surcroît le lexique suit l’alphabet hébreu, d’aleph à tav, la première lettre se trouvant placée à l’extrémité droite du mot. Le contenu de cet ouvrage témoigne de l’extraordinaire érudition de son auteur et permet de prendre la mesure du travail nécessité par la rédaction de ce Lexicon heptaglotton, en particulier au niveau de l’analyse linguistique ou de l’étude critique des sources.
La parution de l’ouvrage se traduira par un échec éditorial cuisant, comme ce fut d’ailleurs le cas pour la précédente Bible polyglotte. En 1673, CASTELL en détenait encore mille exemplaires et, à sa mort, cinq cents livres invendus se trouvaient toujours entreposés à son domicile ; conservés dans de mauvaises conditions, ils furent finalement considérés comme irrécupérables. Il faudra attendre des décennies pour voir le travail de ce passionné reconnu à sa juste valeur. En 1788, le linguiste et orientaliste Johann David MICHAELIS publiera isolément la partie syriaque du Lexicon heptaglotton à Göttingen.
Le livre débute par une dédicace au roi CHARLES II, sur lequel l’auteur a souvent pu s’appuyer. Le portrait de l’auteur placé en frontispice est l’œuvre du peintre et graveur William FAITHORNE