histoire naturelle, Zoologie, Minéralogie, Ornithologie, Sciences naturelles

Histoire naturelle

générale et particulière, avec la description du cabinet du Roi

Auteur(s) : BUFFON Georges-Louis LECLERC de

 

DAUBENTON Louis Jean-Marie, GUENEAU de MONTBEILLARD Philippe, BEXON Gabriel (abbé), SONNINI de MANONCOURT Charles-Nicolas-Sigisbert, FAUJAS de SAINT-FOND Barthélémy et al.

 à Paris, de l'Imprimerie royale
 
  1749-1789
 36 vol
 In-quarto
 veau glacé raciné, encadrement doré sur les plats, dos lisse orné, pièce de titre et de tomaison en maroquin rouge, gardes et tranches marbrés, coupes ornées
 2 planches allégorique de BLAKEY, 4 cartes dont 2 dépliantes, portrait de BUFFON, 31 vignettes en en-têtes et 1064 planches hors-texte dont certaines signées DE SEVE, MARTINET et OUDRY , bandeaux décoratifs


Plus d'informations sur cet ouvrage :

A l’issue d’une jeunesse mouvementée et aventureuse, Georges-Louis LECLERC, comte de BUFFON, s’installe à Paris à partir de 1732. Ambitieux et déterminé, il se fait rapidement connaître par ses travaux sur les sciences et les mathématiques. Grâce à l’appui de puissants protecteurs comme MAUREPAS et bénéficiant du soutien du Roi, il intègre l’Académie des sciences dès 1734. L’année suivante, il traduit un ouvrage de Stephen HALES sous le titre de Statique des végétaux et mène au Petit Fontenet des expériences sur la dureté du bois. Evinçant, contre toute attente, son éternel rival, DUHAMEL du MONCEAU, il succède en juillet 1739 à DUFAY comme intendant du Jardin du Roi, autrement dénommé le Jardin royal des plantes.

Sous l’impulsion de BUFFON, ce “jardin d’apothicaire” s’agrandit considérablement au point de doubler de surface et se voit doté de nouveaux aménagements. Des arbres et des plantes ramenés du monde entier y sont acclimatés, les collections sont enrichies par les dons et les retours d’expéditions, un amphithéâtre est aménagé pour y dispenser des cours ainsi qu’un laboratoire. Le cabinet d’histoire naturelle ou Cabinet du Roi, embryon du futur musée, est mis en valeur. De nombreux savants, parmi lesquels on peut citer, entre autres, DAUBENTONPORTALLE MONNIERMACQUER et JUSSIEU viennent y dispenser des cours. Pendant le “règne” de BUFFON, le jardin des plantes devient un établissement scientifique de premier plan.

Dès son arrivée au Jardin du Roi, BUFFON commence à entreprendre ce qui va devenir l’œuvre de sa vie : la rédaction d’un ouvrage de synthèse et de vulgarisation sur l’histoire naturelle. A l’origine, il lui avait été simplement demandé de réaliser une description détaillée des collections du Cabinet du roi. Mais BUFFON, outrepassant d’emblée le projet initial, ambitionne de réunir dans un seul ouvrage l’ensemble des règnes de la nature, ce qui constitue une vraie démarche encyclopédique. Empreint de l’esprit philosophique, il se fixe comme but de livrer au lecteur les lois scientifiques qui régissent la nature, résumant ainsi sa démarche : “la seule et vraie science est la connaissance des faits ».

Sensible aux honneurs, BUFFON entre à l’Académie française dès 1753 et voit sa terre de Buffon érigée en comté en 1772. Menant grand train, ses manières aristocratiques lui valent d’être constamment raillé par ses ennemis mais il jouira néanmoins jusqu’à sa mort d’un grand prestige à la Cour. BUFFON passe une grande partie de son temps, parfois jusqu’à huit mois par an, dans son hôtel situé à Montbard, sa ville natale. C’est en grande partie dans son domaine bourguignon qu’il travaille à la rédaction de son Histoire naturelle. L’oeuvre s’échelonne sur près de cinquante ans au cours desquels elle ne cesse de  prendre de l’ampleur. Le prospectus de 1748 publié dans le Journal des savants annonçait initialement quinze volumes, mais ce ne sont pas moins de trente-six volumes qui seront finalement publiés en 1789.

Cette somme se subdivise en plusieurs blocs. Les trois premiers tomes, sortis à l’automne 1749 et ne contenant aucune description zoologique, proposent un exposé de méthodologie et de longues dissertations parmi lesquelles on trouve une Théorie de la terre, une histoire générale des animaux, une réflexion sur la place de l’homme dans la nature et une étude sur la diversité de l’espèce humaine. Entre 1753 et 1767, les douze volumes suivants sont consacrés à la description et l’étude des quadrupèdes.

Suivent entre 1770 et 1783, les neuf tomes de l’histoire naturelle des oiseaux, pendant qu’en parallèle sont édités à partir de 1774 sept tomes de suppléments. Enfin, entre 1781 et 1788, sont publiés les cinq tomes d’histoire des minéraux, le dernier tome étant constitué par un traité sur l’aimant. Le dernier tome du supplément, sous presse au moment du décès de BUFFON en avril 1788, n’est mis en vente que l’année suivante. Quant à la partie dédiée au règne végétal, elle n’aura malheureusement pas le temps de voir le jour.

L’aventure se prolongera grâce à l’action de LACEPEDE qui a participé au dernier tome du supplément. Entre 1788 et 1804, il publie, seul, ce qui constitue clairement un complément à l’Histoire naturelle : deux volumes consacrés aux quadrupèdes ovipares et aux serpents (1788-1789), cinq volumes dédiés aux poissons (1798-1803)  et un dernier sur les cétacés (1804).

L’Histoire Naturelle doit être incontestablement attribuée à BUFFON mais, pour pouvoir la mener à bien, il a reçu l’assistance plusieurs savants éminents, en particulier son ami et compatriote DAUBENTON qui décrit l’anatomie de près de 200 quadrupèdes, GUENEAU de MONTBEILLARDSONNINI de MANONCOURT et l’abbé BEXON pour l’ornithologie, mais aussi  FAUJAS de SAINT-FOND pour la géologie. Deux artistes reconnus vont doter l’ouvrage d’une très belle iconographie : MARTINET à qui l’on attribue plus de 1.000 illustrations d’oiseaux et DE SEVE qui a travaillé à partir de modèles fournis par le peintre animalier OUDRY.

La démarche de BUFFON se veut clairement scientifique, mais il est notable que le style et le contenu de l’ouvrage ne sont ni totalement neutres ni purement informatifs. Ils sont au contraire imprégnés par la personnalité de l’auteur qui confère à l’oeuvre un ton très personnel. Celui-ci place d’emblée l’homme au sommet de la nature en général et du monde animal en particulier. L’humanité sert constamment de référence à toute description ou analyse, au point qu’on a pu parler d'”anthropocentrisme forcené” pour reprendre l’expression de l’écrivain BAILLY. Pour l’illustrer, citons l’exemple de la girafe qu’il juge être “un des plus beaux, un des plus grands animaux, et qui, sans être nuisible, est en même temps l’un des plus inutiles”, celui du cheval qui est avant tout “la plus noble conquête que l’homme ait jamais faite”, celui de l’écureuil qui “par sa gentillesse et sa docilité, par l’innocence même de ses mœurs mériterait d’être épargné”. Apprécions aussi cette formule lapidaire sur le loup : “Il n’y a rien de bon dans cet animal que sa peau, on en fait des fourrures grossières”.

Comme l’indique l’historien Michel PASTOUREAU, ses notices “sont truffées de comparaisons avec l’homme, qui relèvent plus du conte ou de la poésie que de la science”. BUFFON insiste sur l’unité du monde vivant basée sur des bases physiologiques, mais il n’hésite pas à porter des jugements très personnels sur l’aspect et les mœurs des animaux, ne ménageant pas, selon les cas, sa sympathie ou son antipathie. Pour évoquer son style, remarquons que BUFFON fait preuve d’une réelle ambition littéraire et que, loin de se contenter de rédiger une compilation de notices scientifiques, il a le souci constant de chercher à enrichir et imager son propos (voir ci-dessous la description du colibri). Nombre d’écrivains, de ROUSSEAU à PONGE, en passant par BALZAC, loueront la qualité de sa plume.

D’un point de vue philosophique, BUFFON rejette les systèmes de classification du vivant qu’il juge artificiels et inadaptés, allant ainsi à contre-courant d’un mouvement scientifique qui, au même moment, est en train de se développer sous l’influence de LINNE. Il  écrit même avec un soupçon de mauvaise foi : “Nos nomenclateurs modernes paraissent s’être beaucoup moins souciés de restreindre et réduire au juste le nombre des espèces, ce qui est néanmoins le vrai but du travail d’un naturaliste, que de les multiplier, chose bien moins difficile et par laquelle on brille aux yeux des ignorants”. Pour lui, “La nature n’a ni classes, ni genres, elle ne comprend que des individus”. Sans être un réel précurseur de la théorie de l’évolution, BUFFON considère que les espèces ont une origine commune mais que certaines résultent d’une dégénération. C’est ainsi que, pour lui, l’âne constitue une version dégénérée du cheval. Il se rapproche ainsi d’une vision transformiste de la nature qui sera théorisée au siècle suivant par LAMARCK.

Le succès  de l’ouvrage est immédiat et considérable. Le premier tirage est épuisé en six semaines et son succès ne se démentira jamais jusqu’à la fin du XIXe siècle. L’Histoire Naturelle est, devant l’Encyclopédie elle-même, une des grandes réussites éditoriales du XVIIIe siècle. Pourtant ses nombreux détracteurs ne désarment pas tout au long de l’entreprise, telle l’Eglise qui blâme une vision matérialiste de la nature dépourvue de dessein divin. De nombreux écrivains et intellectuels, tels que CONDORCETd’ALEMBERT, et VOLTAIRE , mus par une antipathie personnelle envers BUFFON, critiquent son style, le jugeant emphatique.

Enfin des savants et des scientifiques, comme REAUMUR, pointent du doigt les erreurs, les lacunes, les approximations, les contradictions de sa méthode et de son discours. Pour autant les admirateurs sont beaucoup plus nombreux et la gloire de BUFFON devient européenne. L’Histoire Naturelle deviendra un oeuvre de référence et permettra de transmettre le goût des sciences naturelles à une frange importante de la population. Constamment rééditée, elle est présente dans la grande majorité des bibliothèques du XVIIIe et XIXe siècle.

Exemples tirés de l’Histoire naturelle

Le Colibri : “L’émeraude, le rubis, le topaze brillent sur ses habits, il ne les souille jamais de la poussière de la Terre et dans sa vie tout aérienne on le voit à peine toucher le gazon par instants. Il est toujours en l’air, volant de fleur en fleur. Il a leur fraîcheur comme il a leur éclat”

Le Chat : “Ils ont une malice innée, un caractère faux, un naturel pervers, que l’âge augmente encore et que l’éducation ne fait que masquer. Des voleurs déterminés, ils deviennent seulement, lorsqu’ils sont bien élevés, souples et flatteurs comme les fripons. Ils ont la même adresse, la même subtilité, le même goût pour le mal”

Le Coq : “Un bon coq est celui qui a du feu dans les yeux, de la fierté dans la démarche, de la liberté dans ses mouvements, et toutes les proportions qui annoncent la force. Un coq ainsi fait inspirera de l’amour à un grand nombre de poules ; si on veut le ménager, on ne lui en laissera que douze ou quinze”

L’Eléphant : “Ils se prennent par choix, se dérobent et, dans leur marche, l’amour paraît les précéder et la pudeur les suivre ; car le mystère accompagne leurs plaisirs. On ne les a jamais vu s’accoupler. Ils craignent surtout le regard de leurs semblables et connaissent peut-être mieux que nous cette volupté de jouir dans le silence et de ne s’occuper que de l’être aimé”

 



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