Dictionnaire raisonné de diplomatique
contenant les règles principales et essentielles pour servir à déchiffrer les anciens titres, diplômes et monuments, ainsi qu'à justifier de leur date et de leur authenticité. On y a joint les planches rédigées aussi par ordre alphabétique et revues avec le plus grand soin, avec des explications à chacune, pour aider également à connaître les caractères et écritures des différents âges et des différentes nations
Auteur(s) : VAINES Jean-François de (dom)
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Religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, dont on ignore tout de la vie personnelle, dom de VAINES propose une définition assez claire de la matière traitée dans son dictionnaire : « L’art diplomatique offre les lumières suffisantes pour distinguer le vrai du faux ; le moderne de l’antique, & même un siècle d’un autre. »
La diplomatique se définit donc comme une science dont l’objectif consiste à déchiffrer, analyser et étudier les écrits auxquels est attribuée une valeur juridique. La Renaissance a donné une appellation générale de “diplômes” à des actes qui, en réalité, sont très divers : chartes, donations, testaments, titres de propriété, édits, généalogies, etc. Le point commun de ces documents est qu’ils garantissent tous droits et privilèges. La diplomatique consiste tout à la fois à déchiffrer ces documents présumés anciens, mais aussi à vérifier la valeur des sceaux, des formules, des signatures et des abréviations.
À partir de connaissances historiques, techniques et paléographiques, la diplomatique va progressivement permettre de garantir l’authenticité d’une pièce et surtout de démasquer les contrefaçons. Beaucoup de faux documents, rédigés souvent dès le Moyen Âge, circulent abondamment, et, pour démêler de nombreux contentieux juridiques, il est devenu nécessaire de débusquer les faux documents même s’ils sont parfois produits de bonne foi par leurs bénéficiaires.
L’auteur du dictionnaire définit ainsi le but de l’ouvrage : « Rédiger tous les éclaircissements dont peuvent avoir besoin ceux qui s’appliquent au dépouillement des archives particulières et des dépôts publics… C’est aux jurisconsultes, aux historiographes, aux généalogistes, aux archivistes, aux vérificateurs, aux gens d’affaires, à tous ceux enfin qui sont obligés par état de déchiffrer les titres & d’en faire usage, à juger de l’utilité de cet ouvrage, car c’est particulièrement pour eux qu’il a été fait. » VAINES reprend et complète le travail de dom Jean MABILLON qui, dans son ouvrage De re diplomatica, a posé les bases de la discipline. Il rend également hommage à l’abbé de GODWICK (personnage dont on ne trouve plus trace de nos jours) et à un ouvrage introuvable : le Traité des nouveaux diplomatistes.
Il illustre son propos de nombreux exemples, en incitant à remettre systématiquement en question l’authenticité de documents dits anciens. Par exemple : « Ce diplôme qui porte la date du 12e siècle; & dont vous étayez vos droits & vos prétentions est, selon vous, un titre authentique, à l’abri duquel vous êtes toujours sûr de rester possesseur tranquille. Gardez-vous bien cependant de l’offrir aux yeux d’un juge éclairé qui soit ami de l’équité. » Ou dans un autre registre : « Votre généalogie, que vous vantez avec emphase, parce que vous la croyez appuyée sur des actes incontestables, est-elle à l’abri de toute critique ? » Il vise ainsi les nombreuses fausses généalogies créées par des familles anoblies par l’acquisition de charges (noblesse de robe) au XVIe et au XVIIe siècle, ou les familles revendiquant de manière artificielle des ancêtres prestigieux, sinon mythiques.
Tout est pris en compte dans cette quête de l’authenticité : l’alphabet, les matériaux, l’encre, le style, les formules d’usage, les titres officiels, les abréviations et les sigles utilisés. Ainsi l’article Parchemin dévoile les recettes pour le vieillir artificiellement, et indique les manières de démonter l’imposture. De même, le long article sur les sceaux détaille les indices à déceler pour reconnaître ceux qui, tout en étant authentiques, ont été réutilisés.
Ce dictionnaire est également un outil précieux pour un paléographe et un véritable traité sur l’histoire de l’écriture. Il porte une dédicace à monseigneur BERTIN, ministre et secrétaire d’État. L’épître dédicatoire précise que c’est par ses soins que « s’est formé l’établissement avantageux de ce corps d’élèves antiquaires, répandus dans tout le royaume, qui travaillent à la collection précieuse des monuments échappés jusqu’ici aux recherches des curieux ».