Critique, Histoire, Historiographie, Philosophie, Religion

Dictionnaire historique et critique – 1697

Auteur(s) : BAYLE Pierre

 à Rotterdam, chez Reiner LEERS
 
  1697
 2 vol : tome 1. A-G (1359 p.), tome 2. H-O (1331 p.)
 In-folio
 basane, tranche rouge, dos à six nerfs ornés de fleurons dorés
 vignette allégorique en page de titre par William van der GOUWEN d'après Adriaan van der WERFF


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Pierre BAYLE, fils de pasteur, commence par abjurer sa foi protestante pour devenir élève des jésuites. Mais il revient ultérieurement au protestantisme, ce qui fait de lui un relaps, passible, à ce titre, de très lourdes peines. Après quelques années semi-clandestines entre Genève, Rouen, Paris et surtout Sedan, siège d’une académie protestante, il émigre finalement en Hollande, devenant professeur à Rotterdam où il enseigne la philosophie et l’histoire, matières qui constitueront deux des thèmes centraux de son œuvre.

Installé aux Provinces-Unies, il entame une prolifique carrière d’écrivain, de critique et de polémiste. En 1684 il crée le périodique la Nouvelle république des lettres, journal de critique littéraire, scientifique et même philosophique. Pendant près de trois ans, BAYLE utilise cette tribune et peut déjà y donner toute la mesure de sa grande culture et de sa liberté de ton.

Esprit vif et brillant, il témoigne d’un goût prononcé pour la critique historique, la lutte contre les superstitions et l’intolérance religieuse, attitude qui lui vaut d’être accusé d’impiété par ses détracteurs, dont Pierre JURIEU, son collègue et ancien protecteur.il est généralement considéré comme le précurseur des Encyclopédistes, rattaché bien avant l’heure à l’esprit des Lumières. Pierre LAROUSSE résume ainsi le personnage : « La tolérance, l’établissement de la tolérance, telle fut la pensée, la foi, la vie la gloire de BAYLE. Précurseur du XVIIIe siècle, […] afin d’ôter aux hommes le désir de dominer et le pouvoir de faire du mal au nom de l’inaccessible et de l’incompréhensible. » Avant de rédiger ce dictionnaire, BAYLE avait publié en 1692 un Projet de dictionnaire critique dans lequel il présentait déjà les grandes lignes directrices de ce qui allait devenir l’œuvre de sa vie.

En 1690, l’éditeur néerlandais Rainer LEERS édite le Dictionnaire universel de FURETIÈRE (présent sur Dicopathe), interdit de publication en France. Ami personnel de cet éditeur et admiratif du travail réalisé qui lui fournit un modèle d’ouvrage lexicographique, BAYLE en rédige la préface. À la même époque, une nouvelle édition du Grand dictionnaire historique de MORÉRI, augmentée par LE CLERC, est publiée à Amsterdam. Ce livre rencontre, depuis sa première publication en 1674, un succès jamais démenti. Mais si BAYLE en apprécie l’érudition et la conception novatrice, il relève de nombreuses lacunes et, plus grave, de nombreuses inexactitudes, erreurs et approximations, entretenues voire amplifiées dans les rééditions successives. Dès 1692, un prospectus intitulé Projet et fragmens d’un dictionnaire critique, annonçant la parution à venir du Dictionnaire historique et critique, est diffusé par LEERS.

C’est donc en réponse au dictionnaire de MORERI, et sans doute stimulé par l’exemple de FURETIÈRE, que BAYLE entreprend à son tour la rédaction d’un ouvrage qui, dès l’origine, se définit donc comme un dictionnaire destiné à être le correctif d’un autre. Organisé et perfectionniste, l’auteur compare et vérifie tous les articles, et cherche à établir de manière formelle les informations, avant d’en livrer une synthèse très étayée par des références et des citations bibliographiques.

Cette méthodologie critique entraîne l’abondance de notes et d’annexes, et par là même donne un aspect souvent foisonnant aux articles. De fait, le Dictionnaire critique et historique n’est pas d’un abord aisé pour le lecteur novice de ce livre, bien que son auteur en explique d’emblée le fonctionnement : « J’ai divisé ma composition en deux parties ; l’une est purement historique, un narré succinct des faits, l’autre est un grand commentaire, un mélange de preuves et de discussions où je fais entrer la censure de plusieurs fautes, et quelquefois même une tirade de réflexions philosophiques ; en un mot assez de variété pour pouvoir croire que par un endroit ou par un autre chaque espèce de lecteur trouvera ce qui l’accommode. »

Travail complexe et érudit, la mise en page est très sophistiquée et, au premier abord, déroutante. Le texte principal, en caractères plus marqués, n’est constitué que de quelques lignes, voire une seule, en haut de la page sur toute la largeur. L’article proprement dit est assorti de notes de deux types : des références bibliographiques numérotées, et des notes indiquées par des lettres majuscules pour les commentaires critiques.

Ainsi, juste en dessous du texte principal, et réparties en deux colonnes, BAYLE place ce qu’il appelle des “remarques”, en fait des commentaires, lesquelles constituent en réalité le cœur même du dictionnaire. En petits caractères situés à gauche et à droite de chaque page figurent deux petites colonnes marginales où sont indiquées toutes les références bibliographiques, aussi bien du texte que des commentaires.

Pour résumer, chaque page est ainsi composée de quatre blocs : le texte principal, les “remarques”, les notes bibliographiques du texte principal (en marge et en partie haute) et les notes bibliographiques des “remarques” (en marge et en partie basse). Cette mise en page dite tabulaire semble être l’héritage des bibles glosées du Moyen Âge.

Pour le fond, cet ouvrage n’est pas un dictionnaire de la langue française, il ne se préoccupe que de personnages, de communautés et de lieux, qu’ils soient historiques, mythologiques, bibliques, religieux ou littéraires.

Après plusieurs années de travail acharné, le Dictionnaire critique et historique est publié en 1697 à Rotterdam. Le succès est immédiat, de même que les réactions et les polémiques qu’engendrent inévitablement ses arguments et sa liberté de ton. Au siècle suivant, l’ouvrage est même traduit en anglais et en allemand. Des décennies plus tard, les auteurs de l’Encyclopédie trouveront dans l’œuvre et la méthodologie de BAYLE une source d’inspiration et un modèle de premier ordre.

En début d’ouvrage se trouve une préface en néerlandais signée Simon van BEAUMONT.

Trois autres éditions de ce même dictionnaire, datées de 1702, 1715, et 1720 , sont présentées sur Dicopathe.



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