Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, de l’art vétérinaire, et des sciences qui s’y rapportent
ouvrage contenant la synonymie latine, grecque, allemande, anglaise, italienne et espagnole ; et le glossaire de ces diverses langues
Auteur(s) : LITTRE Emile Maximilien Paul, ROBIN Charles Philippe
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Emile LITTRE montre d’emblée de grandes dispositions pour les langues et se destine l’Ecole polytechnique. Il change pourtant d’orientation en s’inscrivant en 1822 à la Faculté de médecine de Paris où Il franchit aisément les différents niveaux. Son père étant décédé en 1827, il se trouve dans l’obligation d’interrompre brusquement ses études juste avant d’obtenir son diplôme. Il se résout dès lors à donner des cours de langues pour subvenir aux besoins d’une mère sans ressources. Après avoir participé activement à la Révolution de 1830, il devient un journaliste scientifique estimé et il traduit, pour le compte de l’éditeur BAILLIERE, des ouvrages de médecine et d’histoire naturelle, dont les œuvres d’HIPPOCRATE et le Manuel de physiologie de MULLER.
En 1845, ce même éditeur a racheté les droits d’un célèbre dictionnaire de médecine connu sous le nom de “Dictionnaire de Nysten”. Initiée par le médecin-éditeur BROSSON, la première version de ce dictionnaire, datée de 1806, avait été rédigée par CAPURON. Pour la seconde édition, augmentée, qui sort en 1810, un nouveau rédacteur avait rejoint l’équipe : le médecin belge, Pierre-Hubert NYSTEN. C’est sous ce nom d’auteur qu’a paru la troisième édition de 1814 et, dès lors, l’habitude était prise, dans le milieu médical et estudiantin, de désigner l’ouvrage sous le nom de “Dictionnaire de Nysten”. Le livre a été régulièrement réédité et lorsque BALLIERE rachète le livre, la neuvième édition, révisée par JOURDAN est sur le point d’être achevée.
Jugeant que “le progrès incessant des sciences médicales ne permettait plus que l’on se contentât d’une révision”, l’éditeur projette pour la dixième édition “une refonte générale” qu’il confie conjointement à LITTRE et à un médecin reconnu, Charles Philippe ROBIN. Celui-ci est en passe d’accéder à la célébrité pour ses travaux sur l’histologie et son action en faveur de la vulgarisation de l’usage du microscope. Les deux compères remanient le dictionnaire en profondeur, une première fois en 1855, puis de nouveau en 1858.
Pour bénéficier du succès des anciennes éditions, le nom de NYSTEN figure toujours sur la page de titre alors que les noms des nouveaux rédacteurs se trouvent relégués plus loin dans le livre. Mais les héritiers de NYSTEN s’insurgent, jugeant que l’œuvre de NYSTEN, pourtant déjà très modifiée depuis l’origine, a été complètement dénaturée par la nouvelle équipe. Dans un courrier de 1863 adressé à l’éditeur, ils déclarent que “l’esprit philosophique et moral de l’ancien dictionnaire a complètement disparu” et ils lui demandent de retirer du livre le nom de NYSTEN. Les héritiers font valoir que leur ancêtre défendait une conception chrétienne de la science en général et de la médecine en particulier alors que les nouveaux auteurs adoptent une vision positiviste, De fait, LITTRE s’est rallié sans ambigüité à l’école de pensée du positivisme inspirée par son ami personnel, Auguste COMTE,
Pensant avoir trouvé une solution de compromis pour une douzième édition qui sort en 1865, BAILLIERE mentionne comme auteurs LITTRE et ROBIN sur la page de titre, ajoutant ensuite la mention “d’après le plan suivi par NYSTEN”. En dépit de ces précautions, un procès est intenté à l’éditeur et, si les plaignants sont finalement déboutés, ils en conserveront beaucoup de rancœur. Le récit de cette polémique est évoqué dans l’introduction de la treizième édition de 1873 ici présentée. Dans cette version, NYSTEN n’est désormais plus cité comme auteur. Pis, BAILLIERE s’attache à minimiser son rôle dans une oeuvre qui est, il est vrai, devenue collective au fil des années, le dictionnaire de LITTRE et ROBIN n’ayant plus grand chose en commun avec la version initiale de NYSTEN.
Le but du dictionnaire est ainsi résumé : il “donne le moyen de comprendre toutes les locutions usitées dans les sciences médicales, et facilite la lecture des auteurs anciens et modernes”. Présenté comme “descriptif, non moins qu’explicatif” et dressant “un tableau exact de la science” , ce livre est destiné à “servir de vade-mecum au praticien et au savant, de mémorial au maître et à l’élève, de guide à tous ceux qui désirent, au milieu de cette diffusion des sciences, ne pas rester étrangers à ce mouvement”.
Les parties concernant l’anatomie, la physiologie et la pathologie se trouvent remaniées en profondeur pour permettre de présenter les avancées médicales réalisées dans ces domaines, ce qui entraîne l’ajout de plusieurs dizaines de nouvelles gravures destinées à étayer le propos. Le dictionnaire suit un ordre logique et méthodique : “On trouve pour chaque organe ses fonctions et ses maladies ; pour chaque maladie ses causes, ses symptômes, sa marche et son traitement ; pour chaque médicament, son origine, son mode de préparation, ses caractères distinctifs, ses propriétés et ses doses ; pour chaque appareil ou instrument, sa construction, ses applications, son manuel opératoire”. Ne négligeant pas les “sciences accessoires ou auxiliaires”, la médecine vétérinaire, l’hygiène publique, l’histoire naturelle, la physique et la chimie font également l’objet de nombreux articles. La langue médicale étant en grande partie issue des langues anciennes, le dictionnaire comprenait à son origine deux lexiques, grec et latin. Ceux-ci sont repris mais enrichis par l’ajout de synonymes allemand, anglais, espagnol, italien ainsi que de petits glossaires placés en fin d’ouvrage.
Parallèlement à ce dictionnaire de médecine, LITTRE s’est engagé dans ce qui sera l’œuvre de sa vie et lui vaudra une grande renommée : le Dictionnaire de la langue française. Travail considérable et de longue haleine, ce dictionnaire, qui est désormais universellement connu comme “le Littré“, demeure une référence incontournable dans la lexicographie française. LITTRE n’oublie pas son collègue ROBIN pour autant et c’est de concert avec lui qu’en 1871 il fondera la Société de sociologie.
Ce dictionnaire de médecine, sera régulièrement réédité et même augmenté par GILBERT lors de la vingt et unième édition de 1905.