Dictionnaire de littérature
dans lequel on traite de tout ce qui a rapport à l'éloquence, à la poe͏̈sie et aux belles-lettres, et dans lequel on enseigne la marche et les règles qu'on doit observer dans tous les ouvrages d'esprit
Auteur(s) : SABATIER de CASTRES Antoine
abbé BASSIN de PRÉFORT
Plus d'informations sur cet ouvrage :
Étudiant au séminaire de Castres, sa ville natale, Antoine SABATIER se fait sévèrement réprimander pour avoir écrit une comédie dans laquelle il ridiculisait ses professeurs. Cet épisode est mal vécu par sa famille qui décide de jeter tous ses livres au feu ! Installé à Toulouse, il prend le nom d’abbé SABATIER de CASTRES, bien qu’il n’ait jamais accédé à la prêtrise, puis, en 1766, il gagne Paris où il bénéficie de la protection d’HELVETIUS qui l’introduit dans le milieu philosophique et littéraire. Après avoir produit des nouvelles, des pièces de théâtre et des poèmes, il publie en 1769 le Dictionnaire des passions, des vertus et des vices écrit par Antoine STICOTTI. L’année suivante, il édite son Dictionnaire de littérature chez le même imprimeur-libraire, livre qu’il aurait, semble-t-il, rédigé avec l’aide d’Honoré BASSIN de PRÉFORT. Il s’agit de l’ouvrage ici présenté.
Comme l’écrit son auteur, le dictionnaire se veut “didactique” et vise « deux fins principales » ou plutôt deux publics. Cet ouvrage est censé être destiné à « l’utilité de ceux qui se bornent au titre de simples amateurs, & l’avancement des esprits destinés à produire d’eux-mêmes. Il faut que les premiers connoissent par quels secrets ressorts & d’après quelles règles un auteur parvient à leur plaire ; il faut que les autres sçachent contenir & diriger le germe des talens qu’ils ont reçus de la nature, afin de parvenir à la perfection », car « le génie sans le secours de l’art ne produit que des ouvrages informes, & l’art sans le secours du génie n’en produit que de froids & stériles ». Mais plus loin, SABATIER de CASTRES se résout à reconnaître que l’ouvrage résulte avant tout d’un travail de compilation et de synthèse, conforme à l’objectif qu’il s’est fixé : « rassembler dans un même ouvrage ce que les maîtres de l’art & leurs commentateurs nous ont donné de plus exquis sur les différentes parties de l’éloquence & de la poésie ».
Nous sommes donc ici en présence d’un dictionnaire des genres et des techniques littéraires et non d’un ouvrage traitant de l’histoire de la littérature, des auteurs et des œuvres. Nous y trouvons par exemple de articles intitulés Abondance du style, Cadence poétique, Sarcasme, Prosopopée, Vaudeville, Style pittoresque, Harmonie oratoire, Enthymème, Hypotypose et Épanadiplose. En avant-propos du premier volume, une table regroupe les articles selon trois thèmes généraux (éloquence / poésie / art, ordre et méthode) eux-mêmes subdivisés en sous-catégories (Versification, Talent, Poésie lyrique, etc.) auxquelles se rattachent les articles proprement dits. Le mot Barbarisme est rangé dans la division Diction, langage, style, qui lui-même dépend du groupe Éloquence. Grâce à cette construction, le lecteur est invité à s’orienter dans l’ouvrage sans avoir besoin de feuilleter article par article pour trouver ce qu’il recherche.
Les définitions sont souvent détaillées, illustrées par de nombreux exemples et de citations parfois suffisamment longues pour s’étaler sur plusieurs pages. Se référant généralement aux auteurs antiques et classiques, il ne dédaigne pas de citer ses contemporains, tels VOLTAIRE, DIDEROT, ROUSSEAU et MARMONTEL. À noter que, dans son propos, SABATIER de CASTRES inclut une partie intitulée “Mœurs” dans laquelle sont traités les thèmes suivants : l’Égoïsme, l’Obscène, la Licence et la Fureur du bel esprit, cette dernière s’appliquant à « un auteur qui veut avoir de l’esprit aux yeux de ses lecteurs, & dans l’yvresse que lui cause cette passion il oublie ce qu’il leur doit d’ailleurs… Un auteur uniquement occupé du soin de plaire à ses lecteurs néglige celui de les instruire. »
SABATIER de CASTRES semble prendre un certain recul avec ses amis philosophes, ainsi qu’en témoigne l’article Poésies contre la religion, dans lequel il critique l’irréligion considérée comme un scepticisme dangereux : « Dès qu’ils ont une fois secoué le joug de la religion, & par conséquent de l’autorité divine, peut-on attendre d’eux quelque respect pour les loix de la société, quelque ménagement pour les puissances ? » Suite à la parution de son dictionnaire, il reniera ses anciennes attaches et deviendra un partisan déclaré de l’ordre, de l’autel et du trône. Après avoir publié en 1771 un sévère Tableau philosophique de l’esprit de M. de Voltaire, il règlera ses comptes vis-à-vis de ses anciennes connaissances, dont HELVÉTIUS lui-même, dans son Trois siècles de la littérature française, publié l’année suivante, qui connaîtra plusieurs éditions. Le Dictionnaire de littérature sera pour sa part réédité en 1777.
Poursuivant une prolifique carrière d’écrivain, de journaliste et de traducteur, il se rangera désormais dans le camp royaliste et conservateur, pour ne pas dire réactionnaire. Dès l’été 1789, il émigrera et entamera à travers l’Europe un long exil dont il ne reviendra qu’à la chute de NAPOLÉON.
Le tome 3 se conclut par une table alphabétique des auteurs.