Dictionnaire de l’Académie françoise 1798 (5ème édition)
Auteur(s) : Académie française
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Au lendemain de la parution de la quatrième édition du Dictionnaire de l’académie française en 1762, l’Académie met en chantier l’édition suivante. Caressant sans doute l’espoir de rompre avec la traditionnelle lenteur des travaux de l’élaboration du dictionnaire, D’ALEMBERT, devenu secrétaire perpétuel en 1772, prend l’initiative d’annoter un exemplaire, avec l’aide de son compère encyclopédiste Jean-François MARMONTEL.
Malgré ces efforts, les travaux ne progressent que lentement et la tourmente révolutionnaire vient bouleverser la situation. L’institution voit rapidement ses rangs s’éclaircir, certains s’engageant en politique, d’autres émigrant ou quittant prudemment la capitale, sans compter les académiciens décédés et non remplacés.
Depuis 1791, c’est le Comité de l’instruction publique, dans lequel siègent LAKANAL et l’abbé GRÉGOIRE, qui est officiellement chargé de fonder un nouvel organisme destiné à favoriser l’avancement des sciences et des arts. Cet objectif ne sera jamais réalisé, le pays étant pris dans de graves troubles intérieurs. Dès 1790, l’Académie est vilipendée comme étant un repaire d’aristocrates, une relique de l’Ancien régime, et un organisme à la fois inutile et dispendieux, en particulier par CHAMFORT, PALISSOT et MARAT. Ce dernier aime à désigner les Académiciens comme les “quarante fainéants” . Force est de reconnaître que l’institution académique est moribonde depuis plusieurs années, et que ses rangs sont plus que clairsemés. Par exemple, lors de la séance du dictionnaire du 9 août 1792, seuls sept de ses membres sont présents. A la dernière séance du 5 août 1793, on ne compte plus que quatre fidèles.
Déjà discréditée par des cabales et des campagnes de presse, l’Académie française, assimilée à un corps privilégié et à une institution de l’Ancien Régime, est finalement dissoute par le décret du 8 août 1793 qui déclare, dans son article premier : « Toutes les académies et sociétés littéraires, patentées ou dotées par la nation, sont supprimées. » En pleine Terreur, les biens de l’Académie française sont confisqués, des scellés sont apposés sur les salle su Louvre où siégeaient les Académies, et le dictionnaire, qui malgré tous ces aléas venait enfin d’être achevé, devient lui-même propriété nationale..
L’avènement du Directoire change la donne. En effet la loi du 25 octobre 1795, dite loi DAUNOU, organise un Institut national des sciences et des arts composé de trois classes, elles-mêmes subdivisées en sections dont une est dédiée à la littérature et aux beaux-arts. L’Académie n’est pas encore reconstituée, mais sa mission initiale se voit enfin reconnue par la République qui la confie à cet institut composé de nouveaux membres. Grâce à l’action et au dévouement d’André MORELLET, au travail de plusieurs écrivains comme SÉLIS, l’abbé de VAUXCELLES et GENCE, la nouvelle version du Dictionnaire de l’Académie, la cinquième, est enfin prête et sa publication inscrite à l’ordre du jour, soit près d’un quart de siècle après la quatrième édition. Le libraire d’origine liégoise Jean-Joseph SMITS est chargé de l’édition qui voit enfin le jour en 1798.
Afin d’accorder l’ouvrage avec le nouveau contexte politique et le nouveau régime, un supplément de onze pages, contenant les mots nouveaux en usage depuis la Révolution, est ajouté à la fin du tome 2. Selon la préface, cet appendice est dû « à des hommes de lettres que l’Académie auroit reçus parmi ses membres et que la Révolution a comptés parmi ses partisans les plus éclairés ». Ce supplément constitue aujourd’hui une curiosité qui donne toute sa saveur à un dictionnaire par ailleurs assez classique et plutôt austère.
À côté de Sans-culotte, d’Assignat ou de Mètre, la nouvelle unité de mesure, on retrouve le nouveau vocabulaire politique et institutionnel : Corps législatif, Constitution civile du clergé”, “Conseil des Cinq-Cents”, le nouveau calendrier, mais également des références aux aspects les plus sombres et les plus sanglants de la Révolution : Guillotine, Septembriseurs, Mitraillades de Lyon, Fournée (charrette de condamnés à mort) ou même Noyades de Nantes.
En début d’ouvrage, le Discours préliminaire de Dominique-Joseph GARAT revient sur l’histoire de l’Académie et tente de réhabiliter une institution, « espèce de démocratie littéraire », qui a eu parmi ses membres de nombreux philosophes et qui est celle qui « en caressant les rois… a le plus ébranlé le trône ».
NAPOLÉON Ier remanie le fonctionnement de l’Institut qui emménage à Paris en 1806 dans son emplacement actuel, l’ancien collège des Quatre-Nations. En mars 1816, LOUIS XVIII rétablit les anciennes académies, épurées de certains de leurs membres. La sixième édition du dictionnaire de l’Académie, publiée en 1835, et présente sur Dicopathe, s’abstient, bien évidemment, de conserver l’appendice “révolutionnaire”.
Du fait de sa genèse compliquée et de sa parution en dehors du contrôle de l’Académie, l’édition de 1798 va longtemps être l’objet d’une mauvaise réputation, et ne sera considérée par beaucoup d’écrivains et de lexicographes que comme une version de transition de peu de valeur, nonobstant pourtant le dévouement de ceux qui ont permis à l’entreprise d’arriver à son terme dans des conditions particulièrement difficiles. Reflétant ce point de vue bien sévère, Pierre LAROUSSE résume ainsi le livre: “La Convention avait parlé, il fallait obéir ; les libraires n’eurent pas de peine à trouver des littérateurs qui se chargèrent d’achever l’œuvre commencée par d’Alembert et Marmontel ; mais ce que l’Académie aurait fait en un demi-siècle, peut-être, fut bâclé en quatre ans, et le nouveau Dictionnaire fut imprimé en l’an VII. On conçoit aisément que l’Académie française, lorsqu’elle fut reconstituée, n’ait pas voulu reconnaître un travail auquel elle avait eu si peu de part : il ne faut donc tenir aucun compte de cette édition de 1798, et c’est en 1835 seulement que parut celle qui est réellement la sixième, et qui doit être regardée comme succédant directement au dictionnaire de 1762.“