Dictionnaire de la langue française (Le)
contenant ; 1-Pour la nomenclature : Tous les mots qui se trouvent dans le Dictionnaire de l'Académie française et tous les termes usuels des sciences, des arts, des métiers et de la vie pratique de l'époque de Littré ; 2-Pour la grammaire : La prononciation de chaque mot figurée et, quand il y a lieu, discutée, l'examen des locutions, idiotismes, exceptions, et, en certains cas, de l'orthographe actuelle, avec des remarques critiques sur les difficultés et les irrégularités de la langue ; 3-Pour la signification des mots : Les définitions , les diverses acceptions rangées dans leur ordre logique, avec de nombreux exemples tirés des auteurs classiques et autres, les synonymes principalement considérés dans leurs relations avec les définitions ; 4-Pour la partie historique : Une collection de phrases appartenant aux anciens écrivains depuis les premiers temps de la langue française jusqu'au seizième siècle, et disposées dans l' ordre chronologique à la suite des mots auxquels elle se rapportent. Les suppléments et additifs ; 5-Pour l'étymologie : la détermination ou du moins la discussion de l'origine de chaque mot établie par la comparaison des mêmes formes dans le français, dans les patois et dans l'espagnol, l'italien, le provençal ou la langue d'oc.
Auteur(s) : LITTRE Emile Maximilien Paul
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Emile LITTRE, parisien de naissance, entame des études de médecine mais se trouve contraint de les abandonner pour assurer la subsistance de sa famille. Il y pourvoit en se consacrant à des traductions et en dispensant des cours de langue. Républicain engagé, il participe aux journées de juillet 1830, puis devenu journaliste au National, écrit ponctuellement dans des périodiques comme la Revue des deux mondes et la Gazette médicale. Grand travailleur, esprit fécond et érudit, il est élu à l’Académie des inscriptions et des belles lettres en 1839 et même à l’Académie de médecine en 1858 sans être médecin. Vers 1840, il découvre la pensée positiviste d’Auguste COMTE à laquelle il adhère avec enthousiasme. Il en devient un des promoteurs et des principaux défenseurs, en dépit d’une rupture de principe avec COMTE en 1852.
Après un bref mandat politique en 1848, il s’engage résolument dans le journalisme tout en réfléchissant à un projet, dont l’idée lui aurait suggérée dès 1841 par Louis HACHETTE : la rédaction d’un dictionnaire étymologique moderne et complet de la langue française. LITTRE décide finalement de s’attaquer à la réalisation de cet ouvrage auquel il choisit d’adjoindre un volet historique et une approche grammaticale.
Après des années de préparation et plusieurs relances de HACHETTE, il entame la rédaction proprement dite en 1859. En dépit de retards répétés et grâce à un labeur quasi ininterrompu, les premiers fascicules commencent à paraitre dans les premiers mois de 1863. Cette période coïncide avec celle de sa première candidature malheureuse à l’Académie française. Au sein de l’institution sa candidature suscite de débats agités qui ont pour effet de procurer une publicité bienvenue à son nouveau livre. La publication des fascicules du Dictionnaire de la langue française s’échelonne ensuite jusqu’en 1869.
Perfectionniste, tenaillé par les scrupules, LITTRE ne s’entoure que de rares collaborateurs, se reposant avant tout sur sa femme et sa fille qui le secondent dans ses lectures et ses relectures. L’objectif de l’ouvrage est ambitieux: “Je dirais, définissant ce dictionnaire, qu’il embrasse et combine l’usage présent de la langue et son usage passé, afin de donner à l’usage présent toute la plénitude et la sûreté qu’il comporte”. Adoptant une approche de linguiste et d’historien, il réalise un important travail de collecte, y compris dans des fonds quasi inexploités comme celui de LA CURNE de SAINTE-PALAYE auteur du Dictionnaire historique de l’ancien langage françois.
Il n’hésite pas à se livrer à des analyses poussées pour retracer l’évolution d’un mot et de ses différentes significations présentes et passées, résumant sa philosophie en une phrase : “La doctrine, et même l’usage de la langue restent mal assis s’ils ne reposent sur leur base antique. Il est impossible qu’une langue parvenue à un point quelconque y demeure et s’y fixe”. Selon lui, les mots, soumis à un cycle permanent et ininterrompu, correspondent à un usage contemporain de la langue. Chacun d’eux possède un sens “archaïque”, relié à un ancien usage qui a évolué en même temps que la société. LITTRE attache une grande importance à ces significations inusitées qui constituent les racines étymologiques et sémantiques du vocabulaire. En accord avec cette vision évolutive du langage, il porte également un soin particulier aux néologismes, qu’il juge incontournables, car une langue “gagne de nouveaux mots pour satisfaire à des choses nouvelles”.
Dans la construction de ses articles, LITTRE respecte un ordre précis. Chaque mot est accompagné de sa prononciation, de sa nature, de son genre et de sa conjugaison. Vient ensuite la définition du mot proprement dite, assortie de ses différents sens et illustrée de citations tirées de la littérature postérieure au XVIe siècle. Quand il le juge nécessaire, l’auteur fait suivre la définition de remarques sur des points d’orthographe et de grammaire et poursuit en proposant un ou plusieurs synonymes. Il aborde ensuite la partie “historique” de son article en l’agrémentant d’”une collection de phrases appartenant à l’ancienne langue“, c’est à dire de citations anciennes tirées d’une période allant du Moyen-Age à la Renaissance et destinées à fournir des exemples d’emploi du mot avant l’avènement du français dit “classique”. La définition se conclut par un chapitre consacré à l’étymologie, celle-ci prenant en compte les patois et langues régionales.
L’association d’un dictionnaire “traditionnel” à un dictionnaire historique et étymologique, émaillé d’un grand nombre de citations, parfois inédites, constitue la grande nouveauté de l’entreprise, même si certaines indications étymologiques étaient déjà présentes dans le Nouveau dictionnaire de la langue française de DOCHEZ publiée quelques années auparavant. LITTRE se targue d’avoir livré “une monographie de chaque mot, c’est-à-dire un article où tout ce qu’on sait sur chaque mot quant à son origine, à sa forme, à sa signification et à son emploi, fût présenté au lecteur. Cela n’avait pas encore été fait“.
Malgré la relative lenteur de la parution, l’ouvrage fera date. Après la chute du Second Empire, LITTRE, devenu célèbre, se voit honoré comme le modèle du savant républicain. Elu député en 1871, il accède enfin, la même année, à l’Académie française, malgré l’opposition virulente de son vieil adversaire le père DUPANLOUP. Sa carrière politique ne l’écarte pas pour autant de ses travaux lexicographiques et une seconde édition de son dictionnaire, complétée par un supplément, est publiée entre 1872 et 1877,
Riche de plus de 80.000 entrées, L’ouvrage de LITTRE constitue, en son temps, le dictionnaire plus complet et se voit élevé au statut de véritable “monument”. Pour autant, il n’échappe pas aux critiques qui portent sur une typographie peu lisible, des définitions parfois emmêlées et des incohérences dans le choix des synonymes. Il lui est également reproché d’avoir écarté les écrivains contemporains dans le choix de ses citations et d’avoir laissé de multiples mots de côté, en particulier dans le domaine technique.
Détail qui ne manque pas de piquant, c’est du Grand dictionnaire universel de LAROUSSE, un des inspirateurs de LITTRE et éditeur de l’ouvrage, que vient quelques années plus tard, cette critique peu indulgente : “L’histoire des mots est parfaitement exposée…Et cependant ce n’est qu’en cela que consiste, à dire vrai, l’originalité du travail de M. LITTRE. Les autres parties, qui ne sont qu’une reproduction des dictionnaires antérieurs, laissent singulièrement à désirer. Ainsi les acceptions sont presque toujours confondues : à chaque ligne le sens propre se fourvoie au milieu du sens figuré, et réciproquement“. Le propos conclusif de LAROUSSE se veut néanmoins plus valorisant pour l’œuvre de LITTRE : “Il serait tout aussi injuste de la confondre avec les insignifiantes productions que l’on publie depuis vingt ans, que de confondre le Tibre avec le Simoïs“.
D’autres littérateurs, au contraire, ne tarissent pas d’éloges, à l’image de ZOLA pour qui LITTRE est carrément l’“homme du siècle”. Il admire “ses grands travaux de logicien impeccable, la rectitude de sa méthode, l’unité et la clarté de son œuvre, la modestie et la simplicité du travailleur que la passion de la vérité attache à la terre, le progrès réel déterminé par chacun de ses ouvrages”. Par la suite, surclassé dans son contenu, ce dictionnaire qu’on appellera désormais « le Littré », s’imposera dans le long terme comme un ouvrage de référence et un jalon important de l’histoire de la lexicographie française
En 1880, LITTRE livrera sa version de la genèse de son désormais célèbre dictionnaire dans un opuscule intitulé : “Comment j’ai fait mon Dictionnaire de la langue française“
Sur une page de garde du premier volume, est apposée la signature autographe d’Anna de NOAILLES.
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