Sciences et techniques, culture générale

Description des arts et métiers

faites ou approuvées par Messieurs de l'Académie royale des sciences

Auteur(s) : DUHAMEL du MONCEAU Henri Louis

 

REAUMUR Antoine FERCHAULT de, COURTRIVON, BOUCHU Etienne Jean, ROLAND de LA PLATIERE Jean marie, LALANDE, NOLLET, GARSAULT François Alexandre pierre de, GALLON, MACQUER pierre joseph, BEDOS de CELLES, ROMME, FOURCROY de RAMECOURT, CHAPMAN, MALOUIN, JARS, DUDIN René Martin, FOUGEROUX de BONDAROY Auguste Denis, FOUGEROUX d'ANGERVILLE, ROUBO, PERRET, PAULET, LAMARRE, duc de CHAULNES Michel Ferdinand d'AILLY, HULOT, MORAND, SAINT-AUBIN Augustin de, de MACHY, SALMON, VIEL, LUCOTTE et al.

 à Paris, chez SAILLANT & NYON, rue S. Jean de Beauvais, DESAINT rue du foin saint Jacques, imprimerie L. F. DELATOUR, imprimerie MOUTARD, H.L. GUERIN
 
  1761-1782
 50 vol.
 In-folio
 demi vélin ivoire avec dos lisse, titres et numéros manuscrits, un exemplaire (l'art du relieur) est un fac similé avec reliure à l'identique
 plus de 1500 planches gravées sur cuivres, quelques vignettes dans le texte.


Plus d'informations sur cet ouvrage :

Créée en 1666 à l’initiative de COLBERT, l’Académie des sciences a pour mission principale de favoriser le développement des sciences. À l’origine, cette institution reste encore informelle, et sa fonction se résumera longtemps à un rôle d’expertise, de “veille” scientifique et de conseil auprès des autorités. Dès 1675, sous l’impulsion de COLBERT et de LOUIS XIV, un objectif lui est pourtant assigné : réaliser une Description des arts et métiers consistant à inventorier et à détailler les différents “arts”, les savoir-faire, les outils et les machines.

Malheureusement ce projet ne progresse guère, et Il faut attendre 1693 pour qu’il commence à se concrétiser. Il commencera à prendre forme, dans un premier temps en marge de l’académie, sous l’impulsion de quatre savants : Gilles FILLEAU des BILLETTES, Sébastien TRUCHET, Jacques JAUGEON, et surtout l’abbé Jean-Paul BIGNON.

Réorganisée en 1699, l’Académie royale des sciences est désormais dotée de statuts clairs, d’une structure permanente et de moyens conséquents. Ses soixante-dix membres et ses quatre-vingts correspondants, nommés par le roi, peuvent désormais se consacrer pleinement à la mission qui leur a été confiée. Un premier volume sur la papeterie et les arts du livre, mis en chantier par FILLEAU des BILLETTES, est lu en séance en 1706. Pour autant, le travail n’avance que très lentement.

Un nouvel élan est donné à l’entreprise par René Antoine FERCHAULT de RÉAUMUR. Arrivé à l’académie en 1708, il se voit chargé de relancer la publication de l’ouvrage et commence par rassembler une importante masse de notes et de documentation en tirant profit du vaste réseau des académies, des sociétés savantes et de leurs correspondants. La description entreprise ambitionne de recenser deux cent cinquante arts, au sens de savoirs techniques.

RÉAUMUR rédige lui-même quelques descriptions sur les carrières d’ardoise, les fausses perles, les miroirs, les dorures, l’épinglier et la fabrication des ancres dont certaines sont lues à l’académie sans être publiées. Accaparé par d’autres projets, RÉAUMUR interrompt ce travail dès 1725, mais certains de ses travaux seront repris et complétés ultérieurement pour être enfin publiés. Il est juste de mettre au crédit de RÉAUMUR l’élaboration de nombreuses planches qui, pour certaines, seront réutilisées un demi-siècle plus tard.

À la suite de son décès en 1757, sa documentation est remise à vingt académiciens qui sont chargés de poursuivre le travail engagé, de corriger et de compléter les mémoires entamés. Personne n’est alors officiellement désigné d’emblée pour diriger et coordonner l’ensemble, mais un personnage éminent de l’institution devient de fait le nouveau directeur de publication : il s’agit de Henri Louis DUHAMEL du MONCEAU.

Admis à l’académie des sciences en 1728 en tant qu’adjoint chimiste, ce personnage, nommé un temps inspecteur général de la marine, témoigne d’un savoir encyclopédique allant de la physique aux sciences naturelles, en passant par l’agronomie et les techniques les plus diverses. Grand travailleur, auteur de nombreuses recherches et d’expériences novatrices, il devient un savant de premier plan et un académicien influent. Il rédige lui-même plus d’une vingtaine de descriptions, complétant parfois celles de RÉAUMUR, comme celle de l’Art de l’épinglier, et devenant le principal contributeur à la rédaction de l’ouvrage.

Grâce à DUHAMEL du MONCEAU l’impulsion décisive est donnée, et le premier fascicule, l’Art du charbonnier, ou Manière de faire le charbon de bois, est publié dès 1761. La parution des tomes s’échelonne ensuite à un rythme soutenu jusqu’en 1782, et s’achèvera en 1788 avec une ultime description, celle de l’Art du potier d’étain. La collection compte au final quatre-vingt-cinq descriptions, sous la forme de plus d’une centaine de cahiers. Certaines, annoncées sur un catalogue de 1773, ne verront jamais le jour : le vinaigrier, le diamantaire, l’art de faire les poêles et le vernisseur.

L’importance de cette encyclopédie des arts et techniques a été injustement minimisée jusqu’à nos jours, occultée par la notoriété de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, plus communément connue comme l’Encyclopédie de DIDEROT et D’ALEMBERT (présente sur Dicopathe), publiée dix ans auparavant. Pourtant, la Description des arts et métiers témoigne d’une qualité souvent supérieure dans ses descriptions techniques et ses développements scientifiques. En effet, ses contributeurs, qui ne sont pas systématiquement des membres de l’Académie des sciences, font montre d’un niveau d’expertise beaucoup plus homogène que celui des rédacteurs de la publication “concurrente”.

Outre RÉAUMUR et DUHAMEL de MONCEAU, de nombreux savants et spécialistes reconnus apportent leur contribution. C’est ainsi qu’il faut citer l’abbé NOLLET, GARSAULT, LALANDE, FOURCROY de RAMECOURT, ROMME, BOUCHU, MACQUER, ROUBO, FOUGEROUX de BONDAROY, ROLAND de LA PLATIÈRE, dom BEDOS de CELLES, MALOUIN, ou encore le duc de CHAULNES. À côté de ces scientifiques, on recense également des professionnels comme PAULET, fabricant d’étoffes de soie à Nîmes, SALMON, marchand-potier d’étain à Chartres, ou encore le pharmacien DEMACHY.

Extraordinaire mine d’informations très richement illustrée, la Description des arts et métiers en présente plusieurs dizaines. On y retrouve aussi bien des activités “industrielles”, comme le travail du métal, la pêche à la morue à Terre-Neuve, le travail des mines de charbon, particulièrement bien décrit, la menuiserie, la fabrication des draps, le raffinage du sucre, la manufacture de la soie et de la porcelaine, des activités plus artisanales comme la reliure, la fabrication des chapeaux, du savon, des colles, des eaux-de-vie, des pipes à tabac, des serrures, et même des orgues. Parmi les métiers décrits, on retrouve certaines activités aujourd’hui méconnues ou disparues comme le travail de l’indigoterie, le chaufournier, le paumier-raquetier (fabricant de matériel pour le jeu de paume), l’hongroyeur, le vermicellier, le layetier, le criblier ou encore le chamoiseur.

Une bonne partie des tomes de l’art du coutelier est consacrée aux outils chirurgicaux comme les lancettes, les pharyngotomes, les speculums, des pélicans, et autres instruments, particulièrement inquiétants, utilisés pour les amputations, les polypes, les fistules ou la cataracte. Quelques volumes ont été rajoutés à l’ensemble, comme la Description et usages des instruments astronomiques de LE MONNIER ou encore la Description d’un microscope par le duc de CHAULNES.

Particulièrement soignées et précises, les planches d’illustrations, gravées en taille-douce sur cuivre, sont très détaillées et constituent pour certaines de véritables œuvres d’art. La réalisation et la gravure ont été confiées à des artistes renommés tels que PATTE, GARDETTE, SAINT-AUBIN, CAFFIERI, GOUSSIER et ROUBO. Ces planches seront à la source d’un conflit entre certains auteurs de la Description des arts et métiers et ceux de l’Encyclopédie. Une accusation de plagiat est même lancée par FRÉRON et PATTE dès l’annonce de la parution à venir de volumes de planches de l’Encyclopédie, et ce dès 1759, c’est-à-dire avant même la parution des volumes de la Description des arts et métiers. Selon eux, les Encyclopédistes se seraient frauduleusement procuré des cuivres gravés et des projets de planches réalisés par RÉAUMUR. Il est indéniable qu’il y a une ressemblance évidente entre les deux ouvrages, en particulier dans l’utilisation de la technique, de la méthodologie et du mode “narratif” (numérotation, disposition, légendes, etc.). Pour certaines planches, la similitude est frappante, mais, faute de soutien de l’Académie elle-même, l’accusation n’aboutira pas.

Une forte antipathie personnelle existe entre DUHAMEL du MONCEAU et certains encyclopédistes, dont certains, à l’instar de CONDORCET, sont pourtant membres de l’Académie. DIDEROT en particulier ne ménage pas ses critiques sur la Description des arts et métiers, tout en oubliant de reconnaître les nombreux emprunts auxquels il s’est livré pour l’élaboration de son Encyclopédie.

L’ouvrage est publié par fascicules regroupés, subdivisé en sections et en parties. Le découpage et la chronologie de l’ensemble est parfois difficile à retracer, ce qui explique que les collections complètes soient rares. À celle ici présentée ici, seul ne manque, pour l’instant, que “L’art du potier d’étain” .

Avant que la série des publications soit achevée, le Suisse BERTRAND publie entre 1771 et 1783 à Neuchâtel une version abrégée et améliorée « avec des observations et augmentée de tout ce qui a été écrit de mieux sur ces matières en Allemagne, en Angleterre, en Suisse, en Italie ». Une autre publication de qualité vient également concurrencer notre ouvrage : le Dictionnaire raisonné universel des arts et métiers (présent sur Dicopathe). Entrepris par MACQUER dès 1766, ce dictionnaire, d’une ampleur infiniment plus modeste, est repris, remanié et augmenté par l’abbé JAUBERT.

La Révolution vient interrompre définitivement la publication de cette ambitieuse encyclopédie technique. Malgré des déclarations d’intention et les efforts de quelques savants comme MONGE et LAVOISIER, le projet prendra fin officiellement en 1793, avec la dissolution des Académies. La Description des arts et métiers trouvera un prolongement dans la création du Conservatoire nationale des arts et métiers. Ce monumental travail de documentation aurait dû en toute logique être repris par l’Institut, mais celui-ci ne relèvera pas le flambeau, laissant à des initiatives particulières le soin de poursuivre l’édition de dictionnaires et d’encyclopédies techniques, qui se multiplieront au siècle suivant, celui de la révolution industrielle.



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